et quand on l'attend, tant pis, un r?ti ne doit pas être br?lé!
M. Parent feignait de ne point écouter. Il murmura: ?C'est bon, c'est bon. Il faut laver les mains de Georges qui a fait des patés de sable. Moi, je vais me changer. Recommande à la femme de chambre de bien nettoyer le petit.?
Et il entra dans son appartement. Dès qu'il y fut, il poussa le verrou pour être seul, bien seul, tout seul. Il était tellement habitué, maintenant, à se voir malmené et rudoyé qu'il ne se jugeait en s?reté que sous la protection des serrures. Il n'osait même plus penser, réfléchir, raisonner avec lui-même, s'il ne se sentait garanti par un tour de clef contre les regards et les suppositions. S'étant affaissé sur une chaise pour se reposer un peu avant de mettre du linge propre, il songea que Julie commen?ait à devenir un danger nouveau dans la maison. Elle ha?ssait sa femme, c'était visible; elle ha?ssait surtout son camarade Paul Limousin resté, chose rare, l'ami intime et familier du ménage, après avoir été l'inséparable compagnon de sa vie de gar?on.
C'était Limousin qui servait d'huile et de tampon entre Henriette et lui, qui le défendait, même vivement, même sévèrement, contre les reproches immérités, contre les scènes harcelantes, contre tontes les misères quotidiennes de son existence.
Mais voilà que, depuis bient?t six mois, Julie se permettait sans cesse sur sa ma?tresse des remarques et des appréciations malveillantes. Elle la jugeait à tout moment, déclarait vingt fois par jour: ?Si j'étais Monsieur, c'est moi qui ne me laisserais pas mener comme ?a par le nez. Enfin, enfin... Voilà... chacun suivant sa nature.?
Un jour même elle avait été insolente avec Henriette, qui s'était contentée de dire, le soir, à son mari: ?Tu sais, à la première parole vive de cette fille, je la flanque dehors, moi.? Elle semblait cependant, elle qui ne craignait rien, redouter la vieille servante; et Parent attribuait cette mansuétude à une considération pour la bonne qui l'avait élevé, et qui avait fermé les yeux de sa mère.
Mais c'était fini, les choses ne pourraient tra?ner plus longtemps; et il s'épouvantait a l'idée de ce qui allait arriver. Que ferait-il? Renvoyer Julie lui apparaissait comme une résolution si redoutable, qu'il n'osait y arrêter sa pensée. Lui donner raison contre sa femme, était également impossible; et il ne se passerait pas un mois maintenant, avant que la situation devint insoutenable entre les deux.
Il restait assis, les bras ballants, cherchant vaguement des moyens de tout concilier, et ne trouvant rien. Alors il murmura: ?Heureusement que j'ai Georges... Sans lui, je serais bien malheureux.?
Puis l'idée lui vint de consulter Limousin; il s'y résolut; mais aussit?t le souvenir de l'inimitié née entre sa bonne et son ami lui fit craindre que celui-ci ne conseillat l'expulsion; et il demeurait de nouveau perdu dans ses angoisses et ses incertitudes.
La pendule sonna sept heures. Il eut un sursaut. Sept heures, et il n'avait pas encore changé de linge! Alors, effaré, essoufflé, il se dévêtit, se lava, mit une chemise blanche, et se revêtit avec précipitation, comme si on l'e?t attendu dans la pièce voisine pour un événement d'une importance extrême.
Puis il entra dans le salon, heureux de n'avoir plus rien à redouter.
Il jeta un coup d'oeil sur le journal, alla regarder dans la rue, revint s'asseoir sur le canapé; mais une porte s'ouvrit, et son fils entra, nettoyé, peigné, souriant. Parent le saisit dans ses bras et le baisa avec passion. Il l'embrassa d'abord dans les cheveux, puis sur les yeux, puis sur les joues, puis sur la bouche, puis sur les mains. Puis il le fit sauter en l'air, l'élevant jusqu'au plafond, au bout de ses poignets. Puis il s'assit, fatigué par cet effort; et prenant Georges sur un genou, il lui fit faire ?à dada?.
L'enfant riait enchanté, agitait ses bras, poussait des cris de plaisir, et le père aussi riait et criait de contentement, secouant son gros ventre, s'amusant plus encore que le petit.
Il l'aimait de tout son bon coeur de faible, de résigné, de meurtri. Il l'aimait avec des élans fous, de grandes caresses emportées, avec toute la tendresse honteuse cachée en lui, qui n'avait jamais pu sortir, s'épandre, même aux premières heures de son mariage, sa femme s'étant toujours montrée sèche et réservée.
Julie parut sur la porte, le visage pale, l'oeil brillant, et elle annon?a d'une voix tremblante d'exaspération:
--Il est sept heures et demie, Monsieur.
Parent jeta sur la pendule un regard inquiet et résigné, et murmura:
--En effet, il est sept heures et demie.
--Voilà, mon d?ner est prêt, maintenant.
Voyant l'orage, il s'effor?a de l'écarter:
--Mais ne m'as-tu pas dit, quand je suis rentré, que tu ne le ferais que pour huit heures?
--Pour huit heures!... Vous n'y pensez pas, bien s?r! Vous n'allez pas vouloir faire manger le petit à huit heures maintenant: On dit
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.