Moeurs et coutumes des Français dans les différents temps de la monarchie | Page 9

Tacitus
celui qui est offensé ou à ses
proches. On élit aussi dans ces assemblées ceux qui doivent rendre la
justice dans les bourgs et dans les villages, et chacun d'eux prend avec
soi cent personnes du peuple pour former son conseil.
XIII. Quelque chose qu'on fasse, soit en public, soit en particulier, on a
toujours ses armes. Lorsqu'on est en âge de les porter, on ne peut point
les prendre de soi-même; il faut y être autorisé par la commune. Voici
comment cela se pratique. Quand on est assemblé, un des principaux ou
bien le père, et à son défaut le plus proche parent, donne
solennellement la lance et le bouclier au jeune homme qui se présente
pour porter les armes. C'est là sa robe virile; c'est le premier honneur
qu'il reçoit, et son entrée dans les dignités. Auparavant il ne faisait
partie que de la maison; alors il devient membre de la république. La
grande noblesse, ou le mérite extraordinaire des ancêtres, fait qu'on élit
quelquefois pour princes des jeunes gens; et il n'y a point de honte à les
recevoir, ni à les suivre. Il y a même en cela des degrés d'honneur qui
se prennent de l'estime qu'ils font de ceux qui s'attachent à eux: de sorte
que les particuliers disputent souvent à qui sera le premier à la suite

d'un prince, comme les princes de leur côté ont aussi des contestations
à qui aura de plus braves gens à sa suite. Il est de la grandeur d'un
prince de se voir toujours environné d'une nombreuse et brillante
jeunesse qui lui sert d'ornement durant la paix et de rempart durant la
guerre. Cela ne lui est pas seulement glorieux parmi sa nation, mais
parmi les nations voisines. Cela fait qu'on le recherche par ambassades
et par présents, et que sa seule réputation le met souvent à l'abri des
guerres.
XIV. Quand on en vient aux mains, il est honteux pour le prince de
n'être pas le premier en valeur, et pour ceux de sa suite de ne pas
l'égaler. Ils font voeu de le suivre partout et de le défendre. Ils
rapportent à sa gloire leurs plus belles actions, et c'est une infamie
éternelle de lui survivre dans la mêlée. Le prince combat pour la
victoire; et ils combattent pour le prince. S'il n'y a point de guerre dans
leurs pays, la jeune noblesse va chercher dans les pays étrangers
l'occasion de se signaler, car le repos leur est insupportable; et d'ailleurs
ils ne peuvent entretenir leur nombreuse suite et soutenir leur dépense
que par la guerre. Ils reçoivent de la libéralité du prince pour lequel ils
combattent, ou quelque cheval de bataille, ou quelque arme sanglante et
victorieuse. La table des grands est en quelque sorte la solde de la
noblesse; elle n'est pas délicate, mais elle est abondamment couverte.
La guerre et le pillage fournissent à la dépense. Rien ne peut les
engager à cultiver la terre et à en attendre la récolte, ils aiment mieux
provoquer l'ennemi au combat et recevoir des blessures honorables. Il
leur paraît lâche d'acquérir à la sueur de leur front ce qu'ils peuvent
emporter au prix de leur sang.
XV. Quand ils ne vont point à la guerre, ils passent le temps à boire et à
dormir plutôt qu'à aller à la chasse. Les plus braves gens parmi eux ne
font rien. La conduite du ménage et le soin de l'agriculture est
abandonné aux femmes, aux vieillards et aux infirmes. Les autres
passent les jours dans la paresse; c'est, une chose tout à fait surprenante
que les mêmes hommes qui ne peuvent vivre en repos se complaisent
dans l'oisiveté. Les communes et les particuliers font divers présents au
prince, tant du revenu de leurs terres que de leurs troupeaux, ce qui lui
est en même temps et honorable et utile. Ils aiment surtout à recevoir

des présents de leurs voisins, comme des chevaux, des harnais, des
baudriers et des armes. Nous leur avons enseigné à prendre de l'argent.
XVI. Il n'est pas nécessaire de remarquer qu'ils n'ont point de villes; car
cela est connu de tout le monde; ils n'ont pas même des bourgs à notre
manière. Chacun, selon qu'il lui plaît, se loge près d'une fontaine, d'un
bois ou d'un champ, sans joindre sa maison à celle de son voisin; soit
qu'ils ignorent l'art de bâtir, soit qu'ils appréhendent le feu. Ils n'ont pas
l'usage du ciment ni de la tuile, et se servent communément de matières
qu'ils emploient sans leur donner de forme. Il y a des endroits qu'ils
enduisent plus proprement d'une terre pure et luisante, qui imite les
traits et les couleurs de la peinture. Ils pratiquent des excavations
souterraines qu'ils couvrent de fumier; c'est là qu'ils serrent leurs grains
et qu'ils se retirent en hiver et
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