Mlle. Fifi | Page 9

Guy de Maupassant
ans sonn��s, se portait bien, restait vert, bien que chauve, un peu gros, mais vigoureux; et il portait tout le dessous de la moustache ras�� pour bien d��couvrir les l��vres et garder libre le tour de la bouche, afin de pouvoir sonner du cor plus facilement.
On ne le d��signait dans la contr��e que par son petit nom: M. Hector. Il s'appelait le baron Hector Gontran de Coutelier.
Il habitait, au milieu des bois, un petit manoir, dont il avait h��rit��; et bien qu'il conn?t toute la noblesse du d��partement et rencontrat tous ses repr��sentants males dans les rendez-vous de chasse, il ne fr��quentait assid?ment qu'une famille: les Courville, des voisins aimables, alli��s �� sa race depuis des si��cles.
Dans cette maison il ��tait choy��, aim��, dorlot��, et il disait: ?Si je n'��tais pas chasseur, je voudrais ne point vous quitter.? M. de Courville ��tait son ami et son camarade depuis l'enfance. Gentilhomme agriculteur, il vivait tranquille avec sa femme, sa fille et son gendre, M. de Darnetot, qui ne faisait rien, sous pr��texte d'��tudes historiques.
Le baron de Coutelier allait souvent d?ner chez ses amis, surtout pour leur raconter ses coups de fusil. Il avait de longues histoires de chiens et de furets dont il parlait comme de personnages marquants qu'il aurait beaucoup connus. Il d��voilait leurs pens��es, leurs intentions, les analysait, les expliquait: ?Quand M��dor a vu que le rale le faisait courir ainsi, il s'est dit: ?Attends, mon gaillard, nous allons rire.? Alors, en me faisant signe de la t��te d'aller me placer au coin du champ de tr��fle, il s'est mis �� qu��ter de biais, �� grand bruit, en remuant les herbes pour pousser le gibier dans l'angle o�� il ne pourrait plus ��chapper. Tout est arriv�� comme il l'avait pr��vu; le rale, tout d'un coup, s'est trouv�� sur la lisi��re. Impossible d'aller plus loin sans se d��couvrir. Il s'est dit: ?Pinc��, nom d'un chien!? et s'est tapi. M��dor alors tomba en arr��t en me regardant; je lui fais un signe, il force.--Brrrou--le rale s'envole--j'��paule--pan!--il tombe; et M��dor, en le rapportant, remuait la queue pour me dire: ?Est-il jou��, ce tour-l��, monsieur Hector??
Courville, Darnetot et les deux femmes riaient follement de ces r��cits pittoresques o�� le baron mettait toute son ame. Il s'animait, remuait les bras, gesticulait de tout le corps; et quand il disait la mort du gibier, il riait d'un rire formidable, et demandait toujours comme conclusion: ?Est-elle bonne, celle-l��??
D��s qu'on parlait d'autre chose, il n'��coutait plus et s'essayait tout seul �� fredonner des fanfares. Aussi, d��s qu'un instant de silence se faisait entre deux phrases, dans ces moments de brusques accalmies qui coupent la rumeur des paroles, on entendait tout �� coup un air de chasse: ?Ton ton, ton taine ton ton?, que le baron poussait en gonflant les joues comme s'il e?t tenu son cor.
Il n'avait jamais v��cu que pour la chasse et vieillissait sans s'en douter ni s'en apercevoir. Brusquement, il eut une attaque de rhumatisme et demeura deux mois au lit. Il faillit mourir de chagrin et d'ennui. Comme il n'avait pas de bonne, faisant pr��parer sa cuisine par un vieux serviteur, il n'obtenait ni cataplasmes chauds, ni petits soins, ni rien de ce qu'il faut aux souffrants. Son piqueur fut son garde-malade, et cet ��cuyer qui s'ennuyait au moins autant que son ma?tre, dormait jour et nuit dans un fauteuil, pendant que le baron jurait et s'exasp��rait entre ses draps.
Les dames de Courville venaient parfois le voir; et c'��taient pour lui des heures de calme et de bien-��tre. Elles pr��paraient sa tisane, avaient soin du feu, lui servaient gentiment son d��jeuner, sur le bord du lit; et quand elles partaient il murmurait: ?Sacrebleu! vous devriez bien venir loger ici.? Et elles riaient de tout leur coeur.
Comme il allait mieux et recommen?ait �� chasser au marais, il vint un soir d?ner chez ses amis; mais il n'avait plus son entrain ni sa gaiet��. Une pens��e incessante le torturait, la crainte d'��tre ressaisi par les douleurs avant l'ouverture. Au moment de prendre cong��, alors que les femmes l'enveloppaient en un chale, lui nouaient un foulard au cou, et qu'il se laissait faire pour la premi��re fois de sa vie, il murmura d'un ton d��sol��: ?Si ?a recommence, je suis un homme foutu.?
Lorsqu'il fut parti, Mme de Darnetot dit �� sa m��re: ?Il faudrait marier le baron.?
Tout le monde leva les bras. Comment n'y avait-on pas encore song��? On chercha toute la soir��e parmi les veuves qu'on connaissait, et le choix s'arr��ta sur une femme de quarante ans, encore jolie, assez riche, de belle humeur et bien portante, qui s'appelait Mme Berthe Vilers.
On l'invita �� passer un mois au chateau. Elle s'ennuyait. Elle vint. Elle ��tait remuante et gaie; M. de Coutelier lui plut tout de suite. Elle s'en amusait comme d'un jouet vivant et passait
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