Micah Clarke - Tome I | Page 4

Arthur Conan Doyle
si monotone et si fatigant sous la plume des dignes personnages qui se sont consacrés à les rapporter.
Peut-être aussi mes paroles ne feront-elles, à l'oreille des étrangers, que l'effet d'un bavardage de vieillard.
Mais vous, vous savez que ces mêmes yeux qui vous regardent, ont aussi regardé les choses que je décris, et que cette main a porté des coups pour une bonne cause, et ce sera dès lors tout autre chose pour vous, j'en suis s?r.
Tout en m'écoutant, ne perdez pas de vue que c'était votre querelle aussi bien que la n?tre, celle pour laquelle nous combattions, et que si maintenant vous grandissez pour devenir des hommes libres dans un pays libre, pour jouir du privilège de penser ou de prier comme vous l'enjoindront vos consciences, vous pouvez rendre graces à Dieu de récolter la moisson que vos pères ont semée dans le sang et la souffrance, lorsque les Stuarts étaient sur le tr?ne.
C'était en ce temps-là, en 1664, que je naquis, à Havant, village prospère, situé à quelques milles de Portsmouth, à peu de distance de la grande route de Londres, et ce fut là que je passai la plus grande partie de ma jeunesse.
Havant est aujourd'hui, comme il était alors, un village agréable et sain, avec ses cent et quelques cottages de briques dispersée de fa?on à former une seule rue irrégulière.
Chacun d'eux était précédé de son jardinet et avait parfois sur le derrière un ou deux arbres fruitiers.
Au milieu du village s'élevait la vieille église au clocher carré, avec son cadran solaire pareil à une ride sur sa fa?ade grise et salie par le temps.
Les Presbytériens avaient leur chapelle dans les environs, mais après le vote de l'Acte d'Uniformité, leur bon ministre, Ma?tre Breckinridge, dont les discours avaient bien des fois attiré une foule nombreuse sur des bancs grossiers, pendant que les sièges confortables de l'église restaient déserts, fut jeté en prison et son troupeau dispersé.
Quant aux Indépendants, du nombre desquels était mon père, ils étaient également sous le coup de la loi, mais ils se rendaient à l'assemblée d'Elmsworth.
Mes parents et moi, nous y allions à pied, qu'il pl?t ou qu'il f?t beau, chaque dimanche matin.
Ces réunions furent dispersées plus d'une fois, mais la congrégation était formée de gens si inoffensifs, si aimés, si respectés de leurs voisins, qu'au bout d'un certain temps les juges de paix finirent par fermer les yeux, et par les laisser pratiquer leur culte, comme ils l'entendaient.
Il y avait aussi, parmi-nous, des Papistes, qui étaient obligés d'aller jusqu'à Portsmouth pour entendre la messe.
Comme vous le voyez, si petit que fut notre village, il représentait en miniature le pays entier, car nous avions nos sectes et nos factions, et toutes n'en étaient que plus apres, pour être renfermées dans un espace aussi étroit.
Mon père, Joseph Clarke, était plus connu dans la région sous le nom de Joe C?te-de-fer, car il avait servi, en sa jeunesse, dans la troupe d'Yaxley qui avait formé le fameux régiment de cavalerie d'Olivier Cromwell.
Il avait prêché avec tant d'entrain, il s'était battu avec tant de courage, que le vieux Noll en personne le tira des rangs après la bataille de Dunbar, et l'éleva au grade de cornette.
Mais le hasard fit que quelque temps après, comme il avait engagé une discussion avec un de ses hommes au sujet du mystère de la Trinité, cet individu, qui était un fanatique à moitié fou, frappa mon père à la figure, et celui-ci rendit le compliment avec un coup d'estoc de son sabre, qui envoya son adversaire se rendre compte en personne de la vérité de ses dires.
Dans la plupart des armées, on aurait admis que mon père était dans son droit en punissant séance tenante un acte d'indiscipline aussi scandaleux; mais les soldats de Cromwell se faisaient une si haute idée de leur importance et de leurs privilèges qu'ils s'offenseront de cette justice sommaire accomplie sur leur camarade.
Mon père comparut devant un conseil de guerre, et il est possible qu'il aurait été offert en sacrifice pour apaiser la fureur de la soldatesque, si le Lord Protecteur n'était intervenu et n'avait réduit la punition au renvoi de l'armée.
En conséquence, le cornette Clarke se vit enlever sa cotte de buffle et son casque d'acier.
Il s'en retourna à Havant et s'y établit négociant en cuirs et tanneur, ce qui priva le Parlement du soldat le plus dévoué qui e?t jamais porté l'épée à son service.
Voyant qu'il prospérait dans son commerce, il épousa Marie Shopstone, jeune personne attachée à l'église, et moi, Micah Clarke, je fus le premier gage de leur union.
Mon père, tel que je le trouve dans mes premiers souvenirs, était de stature haute et droite.
Il avait de larges épaules et une puissante poitrine.
Sa figure était accidentée et rude, avec de gros traits durs, des sourcils en broussaille et saillants, le nez
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