Metella | Page 4

George Sand
ne s'éveilla tout à fait que pour prendre le bras de Buondelmonte et le forcer de monter le premier dans sa voiture, qui prit aussit?t la route, de Florence. ?Parbleu! dit-il en regardant la nuit qui était sombre, ce temps de voleurs me rappelle une histoire que j'ai entendu raconter sur lady Mowbray.
--Encore? dit le comte; lady Mowbray vous occupe beaucoup.
--Ne me demandiez-vous pas quel trait de son caractère m'avait le plus enthousiasme? Je ne saurais dire lequel; mais voici une aventure qui m'a rendu plus envieux de voir lady Mowbray que Rome, Venise et Naples. Vous allez me dire si celle-là est aussi vraie que la première. Un jour qu'elle traversait les Apennins avec son heureux amant Buondelmonte, ils furent attaqués par des voleurs; le comte se défendit bravement contre trois hommes; il en tua un, et luttait contre les deux autres lorsque lady Mowbray, qui s'était presque évanouie dans le premier accès de surprise, s'élan?a hors de la calèche et tomba sur le cadavre du brigand que Buondelmonte avait tué. Dans ce moment d'horreur, ranimée par une présence d'esprit au-dessus de son sexe, elle vit à la ceinture du brigand un grand pistolet dont il n'avait pas eu le temps de faire usage, et que sa main semblait encore presser. Elle écarta cette main encore chaude, arracha le pistolet de la ceinture, et se jetant au milieu des combattants, qui ne s'attendaient à rien de semblable, elle déchargea le pistolet à bout portant dans la figure d'un bandit qui tenait Buondelmonte à la gorge. Il tomba roide mort, et Buondelmonte eut bient?t fait justice du dernier. N'est-ce pas là encore une belle histoire, monsieur?
--Aussi belle que vraie, répéta Buondelmonte. Le courage de lady Mowbray la soutint encore quelque temps après cette terrible scène. Le postillon, à demi-mort de peur, s'était tapi dans un fossé, les chevaux effrayés avaient rompu leurs traits; le seul domestique qui accompagnat les voyageurs était blessé et évanoui. Buondelmonte et sa compagne furent obligés de réparer ce désordre en toute hate; car à tout instant d'autres bandits, attirés par le bruit du combat, pouvaient fondre sur eux, comme cela arrive souvent. Il fallut battre le postillon pour le ranimer, bander la plaie du domestique, qui perdait tout son sang, le porter dans la voiture, et ratteler les chevaux. Lady Mowbray s'employa à toutes les choses avec une force de corps et d'esprit vraiment extraordinaire. Elle avisait à tous les expédients, et trouvait toujours le plus s?r et le plus prompt moyen de sortir d'embarras. Ses belles mains, souillées de sang, rattachaient des courroies, déchiraient des vêtements, soulevaient des pierres. Enfin tout fut réparé, et la voiture se remit en route. Lady Mowbray s'assit auprès de son amant, le regarda fixement, fit un grand cri et s'évanouit. A quoi pensez-vous? ajouta le comte en voyant Olivier tomber dans le silence et la méditation.
--Je suis amoureux, dit Olivier.
--De lady Mowbray?
--Oui, de lady Mowbray.
--Et vous allez sans doute à Florence pour le lui déclarer? dit le comte.
--Je vous répéterai le mot que vous me disiez tant?t: ?Pourquoi non??
--En effet, dit le comte d'un ton sec, pourquoi non?? Puis il ajouta d'un autre ton, et comme s'il se parlait à lui-même: ?Pourquoi non??
?Monsieur, reprit Olivier après un instant de silence, soyez assez bon pour confirmer ou démentir une troisième histoire qui m'a été racontée à propos de lady Mowbray, et qui me semble moins belle que les deux premières.
--Voyons, monsieur.
--On dit que le comte de Buondelmonte quitte lady Mowbray.
--Pour cela, monsieur, répondit le comte très-brusquement, je n'en sais rien, et n'ai rien à vous dire.
--Mais, moi, on me l'a assuré, reprit Olivier; et, quelque triste que soit ce dernier déno?ment, il ne me parait pas impossible.
--Mais que vous importe? dit le comte.
--Vous êtes le comte de Buondelmonte,? dit Olivier, vivement frappé de l'accent de son compagnon; et lui saisissant le bras, il ajouta: ?Et vous ne quittez pas lady Mowbray?
--Je suis le comte de Buondelmonte, répondit celui-ci; le saviez-vous, monsieur?
--Sur mon honneur! non.
--En ce cas vous n'avez pu m'offenser. Mais parlons d'autre chose.?
Ils essayèrent, mais la conversation languit bient?t. Tous deux étaient contraints. Ils prirent d'un commun accord le parti de feindre le sommeil. Aux premiers rayons du jour, Olivier, qui avait fini par s'endormir tout de bon, s'éveilla au milieu de Florence. Le comte prit congé de lui avec une cordialité à laquelle il avait eu le temps de se préparer.
?Voici ma demeure, lui dit-il en lui montrant un des plus beaux palais de la ville, devant lequel le postillon s'était arrêté; et au cas où vous oublieriez le chemin, vous me permettrez d'aller vous chercher pour vous servir de guide moi-même. Puis-je savoir où vous descendrez, et à quelle heure je pourrai, sans vous déranger, aller vous offrir mes remerciements et mes services?
--Je n'en sais rien
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 27
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.