Mesure pour mesure | Page 6

William Shakespeare
votre cousine?
ISABELLE.--Par adoption; comme les jeunes ��coli��res changent leurs noms par amiti��.
LUCIO.--C'est elle.
ISABELLE.--Oh! qu'il l'��pouse!
LUCIO.--Voil�� le point. Le duc est sorti de cette ville d'une ��trange mani��re, et il a tenu plusieurs gentilshommes, et moi entre autres, dans l'esp��rance d'avoir part �� l'administration: mais nous apprenons par ceux qui connaissent le coeur du gouvernement, que les bruits qu'il a fait r��pandre ��taient �� une distance infinie de ses vrais desseins. A sa place, et rev��tu de toute son autorit��, le seigneur Angelo gouverne l'��tat; un homme dont le sang est de l'eau de neige; un homme qui ne sent jamais le poignant aiguillon ni les mouvements des sens, mais qui ��mousse et dompte les penchants de la nature par les travaux de l'esprit, l'��tude et le je?ne.--Pour intimider l'abus et la licence qui ont longtemps r?d�� imprudemment aupr��s de l'affreuse loi, comme des souris pr��s d'un lion, il a d��terr�� un ��dit dont les rigoureuses dispositions condamnent la vie de votre fr��re; Angelo l'a fait emprisonner en vertu de cette loi; et il suit litt��ralement toute la rigueur du statut pour faire de Claudio un exemple. Toute esp��rance est perdue, �� moins que vous n'ayez le pouvoir, par vos pri��res, de fl��chir Angelo; et c'est l�� l'affaire que je suis charg�� de traiter entre vous et votre malheureux fr��re.
ISABELLE.--En veut-il donc �� sa vie?
LUCIO.--Il a d��j�� prononc�� sa sentence; et, �� ce que j'entends dire, le pr��v?t a re?u l'ordre pour son ex��cution.
ISABELLE.--H��las! quelles pauvres facult��s puis-je avoir pour lui faire du bien?
LUCIO.--Essayez votre pouvoir.
ISABELLE.--Mon pouvoir! h��las! je doute...
LUCIO.--Nos doutes sont des tra?tres, qui nous font souvent perdre le bien que nous aurions pu gagner, parce que nous craignons de le tenter. Allez trouver le seigneur Angelo, et qu'il apprenne par vous que quand une jeune fille demande, les hommes donnent comme les dieux; mais que si elle pleure et s'agenouille, tout ce qu'elle demande est aussi certainement �� elle qu'�� ceux m��mes qui le poss��dent.
ISABELLE.--Je verrai ce que je pourrai faire.
LUCIO.--Mais, promptement.
ISABELLE.--Je vais m'en occuper sur-le-champ; et je ne prendrai que le temps de donner connaissance de cette affaire �� notre m��re. Je vous rends d'humbles actions de grace: recommandez-moi �� mon fr��re; ce soir, de bonne heure, j'enverrai l'instruire de mon succ��s.
LUCIO.--Je prends cong�� de vous.
ISABELLE.--Mon bon seigneur, adieu.
(Ils se s��parent.)
FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE DEUXI��ME
SC��NE I
Un appartement dans la maison d'Angelo.
Entrent ANGELO, ESCALUS, UN JUGE, LE PR��V?T[10], OFFICIERS et suite.
[Note 10: Le pr��v?t est ici une esp��ce de ge?lier.]
ANGELO.--Il ne faut pas que nous fassions de la loi un ��pouvantail pour effrayer les oiseaux de proie, jusqu'�� ce qu'en voyant son immobilit��, familiaris��s par l'habitude, ils osent venir se percher sur l'objet m��me de leur terreur.
ESCALUS.--Vous avez raison; mais cependant n'aiguisons le glaive de la loi que pour blesser l��g��rement, plut?t que pour frapper des coups mortels. H��las! ce gentilhomme que je voudrais sauver avait un bien noble p��re. Daignez consid��rer, vous que je crois de la vertu la plus stricte, que dans l'effervescence de vos propres affections, si l'occasion avait concouru avec le lieu, et le lieu avec le d��sir, et qu'il n'e?t fallu, pour obtenir l'objet de vos voeux, que laisser agir la fougue t��m��raire de votre sang, il est bien douteux que vous n'eussiez pu quelquefois dans votre vie tomber dans la faute m��me pour laquelle vous le condamnez aujourd'hui, et attirer sur vous la loi.
ANGELO.--Autre chose est d'��tre tent��, Escalus, autre chose de succomber. Je ne disconviens pas qu'un jury qui condamne un prisonnier �� perdre la vie ne puisse, dans les douze jur��s qui le composent, renfermer un ou deux voleurs plus coupables que l'homme dont ils font le proc��s; mais la justice saisit le crime l�� o�� il se montre �� elle. Qu'importe aux lois que des voleurs jugent des voleurs! Il est tout simple de nous baisser pour ramasser le joyau que nous voyons; mais nous foulons aux pieds le tr��sor que nous ne voyons pas, sans jamais y songer. Vous ne devez pas tant excuser sa faute, par la raison que j'aurais pu en commettre de semblables; dites plut?t que, lorsque moi qui le condamne, je tomberai dans la m��me offense, mon jugement doit ��tre �� l'instant mon arr��t de mort, et que nulle partialit�� ne peut intervenir. Seigneur, il faut qu'il p��risse.
ESCALUS.--Que ce soit comme le voudra votre sagesse.
ANGELO.--O�� est le pr��v?t?
LE PR��V?T.--Ici, s'il pla?t �� Votre Honneur.
ANGELO.--Que Claudio soit ex��cut�� demain matin sur les neuf heures; amenez-lui son confesseur; qu'il se pr��pare �� la mort, car il est au terme de son p��lerinage.
(Le pr��v?t sort.)
ESCALUS.--Allons, que le ciel lui pardonne! et qu'il nous pardonne aussi �� tous! Quelques-uns prosp��rent par le crime, d'autres succombent par la vertu. Il en est qui ont tous les vices, et qui ne r��pondent d'aucun[11]; d'autres sont condamn��s pour une faute unique.
[Note 11:
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