�� force de monter dans les ��quipages armori��s de ses nobles amis, de suivre les s��ries de chasses dans les grands chateaux de province, et de passer ses nuits au bal pendant la saison mondaine �� Paris, la charmante Emmeline de Vernecourt restait fille. Son teint commen?ait �� se faner, ses traits �� se durcir. Elle ��tait encore tr��s jolie, mais elle ��tait �� la veille de cesser de l'��tre quand elle rencontra Vernier-Mareuil.
Ce fut par l'interm��diaire d'un homme admirable, qui a repris, en ce temps de mis��re et de corruption, la tache de Saint-Vincent-de-Paul et s'est consacr�� au soulagement des douleurs humaines, que la connaissance se fit. M. Rampin organisait une loterie pour son oeuvre de la Protection de l'Enfance, et il ��tait venu faire appel �� la charit�� de ses aristocratiques clientes de Deauville, quand Vernier-Mareuil, qu'il connaissait pour lui soutirer tous les ans de grasses aum?nes, arriva au Grand H?tel, attir�� par les courses. Il l'enr?la imm��diatement dans son comit�� en lui faisant valoir qu'il se trouverait en compagnie des duchesses et des marquises les plus authentiques. Vernier-Mareuil se d��voua donc, et parmi toutes les belles dames de l'aristocratie qui s'��vertuaient �� placer des billets �� leurs amis, il remarqua Mlle de Vernecourt. Ce fut aussit?t, dans le clan des vendeuses, un mot d'ordre. Il fallait marier Emmeline avec Vernier-Mareuil. Sans doute, il ��tait roturier. Mais il portait un double nom, ce qui avait d��j�� un petit air de noblesse. Et puis le Saint-P��re n'��tait-il pas l�� pour octroyer un titre de comte �� un brave millionnaire qui donnerait des gages �� la bonne cause en ��pousant une fille de haute naissance dans l'infortune?
Vernier, press��, chapitr��, et, de son c?t��, s��duit par la nouveaut�� de la situation, se laissa aller �� tenter l'aventure. A quarante-cinq ans, il ��pousa Mlle Emmeline de Vernecourt des Essarts, qui n'en avait que vingt-six, mais qui comptaient doubles comme des ann��es de campagnes. De plus, elle avait sa m��re. Mais lui, il avait un fils, le jeune Christian, qui venait de terminer ses ��tudes, et entrait dans la vie avec des id��es bien diff��rentes de celles de son p��re sur la plupart des sujets. C'��tait un produit de la nouvelle ��ducation sportive, qui a d��sintellectualis�� la jeunesse. Il avait au cours de ses ��tudes appris beaucoup moins le latin que la gymnastique, et s'il ��tait faible sur la version, il ��tait champion au football. Le racing, le tennis, le polo, le cyclisme, puis plus tard l'automobilisme s'��taient partag�� ses faveurs.
Il ��tait sorti de l'��cole des hautes ��tudes commerciales dans un rang convenable, grace �� sa connaissance parfaite des langues allemande et anglaise. Son ann��e de service s'��tait pass��e dans la cavalerie, au 4e chasseurs. L�� il avait fait la connaissance des cavaliers Longin, Vertemousse et Fabreguier, jeunes fils de famille, riches et sans vocation, qui tiraient avec effort et ennui leurs mois de service. En cette compagnie, Christian, qui jusqu'alors avait ��t�� sobre, prit des habitudes d'intemp��rance, et son nom ne fut pas pour peu dans l'aventure. Chez tous les d��bitants de la ville, le Vernier-Mareuil triomphait. Et lorsque le chasseur Christian apparaissait dans un ��tablissement, il y ��tait re?u comme M. de Rothschild chez un changeur. Sa vanit�� en ��tait chatouill��e, et par ostentation, il se faisait servir, pour ses camarades et pour lui, toutes les vari��t��s de liqueurs que le caprice des buveurs imposait aux cafetiers. On d��gustait, on comparait, et c'��tait g��n��ralement le Royal-Carte jaune qui l'emportait sur les poisons divers qui avaient circul�� �� la ronde, au milieu des f��licitations g��n��rales.
--C'est papa qui est encore le plus chic!
--Ah! il doit en fourrer dans ses bottes, avec la consommation qui se fait de ses fioles!
--Tout ?a, pour Christian! Ah! sacr�� Christian! M��me s'il voulait boire sa succession, il ne le pourrait pas!
--Dis donc, fiston, tu devrais bien t'en faire envoyer des caisses par ta famille!
--Eh bien! Et l'adjudant? Ah! il y en aurait du raffut!
--Caisse pour lui! Et voil�� tout!
--Ah! il s'en ferait claquer son ceinturon!
--Mais il ne nous laisserait pas siroter un verre!
Les cartes, au milieu des bouteilles, �� leur tour apparaissaient. Le jeu achevait ce qu'avait commenc�� l'absinthe. Et ces jeunes gens rentraient au quartier abrutis par l'ivresse m��chante de l'alcool. Christian, malgr�� le peu de z��le avec lequel il servait, n'��tait pas mal not��. Il avait, quand il ��tait lucide, une grace aimable et une g��n��rosit�� facile, qui le faisaient bien venir de ses sup��rieurs. Il avait un jour tir�� d'affaire le brigadier-fourrier qui, pour les beaux yeux d'une fille de caf��-concert, s'��tait laiss�� aller �� manger la grenouille. Il fallait trouver treize cents francs, en vingt-quatre heures, pour arracher ce malheureux au conseil de guerre. A l'instant m��me, Christian les avait donn��s. Tout l'escadron connaissait l'histoire. Les officiers avaient ferm�� les yeux. Le brigadier avait
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