Marchand de Poison
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Title: Marchand de Poison Les Batailles de la Vie
Author: Georges Ohnet
Release Date: March 29, 2006 [EBook #18073]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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LES BATAILLES DE LA VIE
* * * * *
MARCHAND DE POISON
PAR
GEORGES OHNET
PARIS
SOCI��T�� D'��DITIONS LITT��RAIRES ET ARTISTIQUES
Librairie Paul Ollendorff
50, chauss��e d'Antin, 50
1903
IL A ��T�� TIR�� A PART
Trente-huit exemplaires num��rot��s �� la presse
SAVOIR:
3 exemplaires sur papier de Chine (Nos 1 �� 3); 5 exemplaires sur papier du Japon (Nos 4 �� 8); 30 exemplaires sur papier de Hollande (Nos 9 �� 38).
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PREMI��RE PARTIE
I
Rue de Chateaudun, sur la fa?ade d'un des immeubles qui avoisinent les jardins, derniers vestiges des seigneuriales demeures o�� habit��rent Talleyrand et la reine Hortense, se lit, sur une plaque de marbre, cette inscription: Banque de l'Alimentation--Vernier-Mareuil. Cette maison, hautement estim��e dans le commerce, porte les noms de deux hommes tr��s connus dans le monde parisien pour leur soudaine et rapide ascension vers la grande fortune. En vingt ans, Vernier et son beau-fr��re Mareuil, partis de rien, sont arriv��s �� tenir une place pr��pond��rante �� la Bourse, et les banques les plus solides sont oblig��es de compter avec eux. Par l'alimentation, ils ��tendent leur influence sur le n��goce des vins, des eaux-de-vie et des liqueurs, et enlacent le Midi tout entier sous les mailles d'un gigantesque filet dont ils tiennent la corde dans leurs bureaux de la rue de Chateaudun.
Ils ont ��tabli, pour lutter contre la m��vente des vins, un syst��me de pr��ts sur warrants qui met en leur d��pendance tous les viticulteurs de France embarrass��s dans leurs affaires. Il est juste de dire qu'ils n'abusent pas de cette puissance formidable, qu'ils ne l'exercent qu'au profit de leurs adh��rents, et se bornent, en ce qui les concerne, �� se procurer dans des conditions avantageuses les alcools qui leur servent �� fabriquer les ap��ritifs c��l��bres avec la vente desquels ils ont commenc�� leur fortune. A la Bourse du Commerce, Vernier-Mareuil sont aussi glorieusement connus, trait��s avec autant de respectueuse d��f��rence que Rothschild, �� la Bourse des Valeurs. Ils sont, au point de vue sp��cial de l'alimentation, de v��ritables potentats. Et quand on a dit d'une sp��culation: ?Les Vernier-Mareuil en sont?, il n'y a plus qu'�� s'incliner devant la r��ussite certaine.
Vernier n'avait pas eu des commencements brillants. Apr��s son service militaire, fait, tant bien que mal, dans un r��giment de ligne, �� Courbevoie, il ��tait entr��, �� vingt-quatre ans, chez un marchand de vins du quai de Bercy, qui l'avait initi�� �� tous les myst��res de la science oenophile. Il avait, pendant quelques mois, mani�� le camp��che, l'acide tartrique, et fabriqu�� des tonnes de vin, dans lesquelles l'eau de la Seine entrait pour plus que le jus de la vigne. Le commerce lui avait paru si facile et si simple qu'il avait r��v�� de l'exercer pour son propre compte. Il avait lou�� une petite boutique avenue de Tourville, pr��s de l'��cole militaire, et s'��tait mis �� pratiquer la falsification des boissons avec autant de suite que de succ��s.
Mais bient?t la vente du vin, dans lequel il n'y avait pas de vin, lui parut sans int��r��t. Il r��va de doter l'ivrognerie nationale d'un produit personnel, et comme ses ��tudes en l'art de frelater les liquides lui avaient donn�� quelques notions de chimie, il se d��cida �� cr��er un ap��ritif. Ce n'��tait encore qu'un ?Prunelet?, �� base d'alcool �� quatre-vingt-dix degr��s, qui faisait dresser les cheveux sur la t��te �� tout homme sain, mais procurait une douce sensation de chaleur dans la gorge de tout pochard inv��t��r��. Or, ce n'��tait que pour les pochards que Vernier-Mareuil travaillait.
Il avait promptement compris qu'il n'y a rien �� faire avec les gens sobres, et que la soci��t��, d��traqu��e par le socialisme, affol��e par la haine de tout ce qui est respectable: la morale, la religion, la patrie, ��tait m?re pour le coup de grace de l'ivrognerie triomphante. Il lisait les journaux, dans ses heures de ch?mage, et savait qu'un alcoolique engendre un alcoolique. Il cultivait donc l'abatardissement de la race avec un soin m��thodique, et chaque billet de mille francs qu'il serrait pr��cieusement dans sa caisse repr��sentait, pour lui, la raison, le courage, le g��nie peut-��tre des malheureux qu'il avait intoxiqu��s.
Il ��tait sans remords. ?Si ce n'est pas moi qui leur vends ce qu'ils aiment �� boire, disait-il, les jours o�� il raisonnait avec lui-m��me, ce sera le voisin, et je n'en aurai pas le b��n��fice.
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