fait, pourquoi Lucie et pas une autre? Il y en a ici �� choisir pour objet de mes r��ves, des demoiselles plus ou moins �� marier, des brunes, des blondes, des Anglaises sentimentales, des Parisiennes pimpantes, des Allemandes toutes roses, des Italiennes toutes pales. Lucie n'est rien de tout cela. Elle n'est peut-��tre pas jolie; je n'en sais rien. Elle m'a regard��, elle m'a salu��, je lui ai dit trois mots insignifiants, j'avais probablement l'air stupide. Elle m'a vaguement souri, et avec tout cela elle m'a pris mon coeur comme si elle me le tirait de la poitrine avec ses deux mains, et elle me l'a emport�� avec elle, probablement sans y attacher plus d'importance qu'�� une feuille que l'on cueille en passant et par distraction �� une branche du chemin.
P��re, toi qui as aim��, est-ce comme cela qu'on devient amoureux d'une femme? Se rend-on compte de ce qui vous pla?t en elle? Est-on dans son bon sens quand cette fl��che vous arrive sans qu'on l'ait pr��vue, sans qu'on ait eu le temps de s'en pr��server?... Oh! le vieux Cupidon avec son carquois et son arc! Je n'avais jamais song�� que ces embl��mes fussent l'explication de l'��ternel ph��nom��ne, de l'��v��nement fatal, aussi vieux que le monde, et aussi vrai il y a quatre mille ans qu'il l'est encore aujourd'hui.
Mais je suis peut-��tre fou! Dans le temps de froid examen o�� nous vivons, doit-on ��tre ainsi la proie des antiques fatalit��s et des instincts aveugles? Ne doit-on pas raisonner tout, m��me l'amour, et se dire, comme plusieurs que je connais: ?�� quoi cela m��nera-t-il?? Tu ne m'as pourtant pas appris cela, toi! Tu ne m'as pas recommand�� de veiller sur les ��lans spontan��s de mon coeur! Il m'a sembl��, au contraire, que tu d��sirais me le conserver chaud et entier; mais tu pensais que j'aimerais ��lise et que mon bonheur viendrait d'elle. Je l'ai cherch�� ailleurs, ou plut?t la fatalit�� m'a appel�� ailleurs, car me voil�� malheureux. Du moins, je souffre. Et je vis pourtant! et je ne sais pas gu��rir!
C'est bien vulgaire, il me semble! Je me fais l'effet d'un amoureux classique. Vorrei e non vorrei. Je ne sais ce que c'est, je ne sais ce que j'ai, et je ne sais pas le dire, �� toi, m��decin de mon ame. J'ai l'orgueil profond��ment irrit��, et par moments je suis honteux de moi. Aide-moi donc �� me retrouver! Je ne comprends pas ce que je suis devenu.
Le jour o�� pour la premi��re fois j'ai vu Lucie, j'ai pass�� la soir��e �� me promener avec Henri. Il a vu, �� mon silence, qu'il y avait en moi un changement, et il m'a dit en riant:
?Tu es donc amoureux??
J'ai ni��, et puis j'ai avou��.
?Eh bien, m'a-t-il dit, je la connais, cette Lucie; elle est riche, mais tu l'es aussi. Vos situations se valent, et on ne lui conna?t pas d'engagements. Sa famille est tr��s-consid��r��e; la tienne aussi; je ne vois pas d'obstacles. Fais-toi aimer.?
Fais-toi aimer! comme si cela ��tait aussi facile que de se faire voir! J'ai ��t�� si ��pouvant�� d'un conseil o�� je sentais toute mon ame et tout mon repos en jeu, que je l'ai repouss�� vivement. Je ne sais quelle sotte honte m'a fait mentir apr��s la sinc��rit�� du premier aveu. J'ai pr��tendu que je n'��tais pas ��pris au point de faire la moindre d��marche avant d'avoir r��fl��chi et surtout avant de t'avoir consult��.
Pour le dernier point, je sentais bien que je te devais la premi��re confidence. Eh bien, j'ai os�� encore moins avec toi qu'avec moi-m��me. Il m'a sembl�� qu'un sentiment si subitement ��clos te ferait sourire, �� moins d'��tre exprim�� avec une certaine mesure; j'ai essay�� de t'��crire raisonnablement que j'avais perdu la raison. Je n'ai pas pu r��soudre un pareil probl��me.
Le lendemain, comme je flottais dans cette agitation vague et terrible, le hasard ou plut?t ma destin��e m'a conduit au chateau de Turdy. Il avait ��t�� convenu que j'irais avec madame Marsanne et sa fille �� l'abbaye de Hautecombe, que nous connaissions d��j��, mais o�� nous n'avions pas visit�� la fontaine intermittente, dite des Merveilles. C'est une attrape bien conditionn��e; mais le lac, vu de la hauteur, est si joli! Et puis ��lise et sa m��re ��taient gaies; Henri, qui nous servait de cicerone, est toujours parfaitement aimable; les petits bateaux du lac sont trop petits et parfaitement incommodes, mais ils sont bien men��s par de bons Savoyards enjou��s et obligeants, et notre promenade, riante par elle-m��me, pouvait supporter beaucoup de d��ceptions.
Comme nous redescendions le lac, ��lise proposa de me montrer de pr��s le chateau de Turdy, qui est sur la m��me rive que l'abbaye, �� peu pr��s en face d'Aix-les-Bains. Le coeur me battit bien fort; mais j'eus l'air de ne m'int��resser qu'au chateau, et nos bateliers nous d��pos��rent dans un petit port compos�� de
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