une grande consommation d'injures et de menaces, et, tandis qu'elle fulmine ses obscurs oracles, son cort��ge grossissant repousse et brutalise les curieux importuns en leur disant: ?Laissez-nous donc tranquilles, vos questions nous fatiguent; vous ��tes des impertinents, des trouble-f��tes; nous voulons ��tre et nous sommes influents; nous voulons peser sur l'opinion, sur la politique, sur toutes les relations sociales et priv��es; nous voulons le pouvoir sans la fatigue des discussions et des ��tudes. Nos chefs sont ardents et habiles, notre nombre nous tient lieu d'activit��; nos r��glements nous maintiennent dans l'ordre; notre code, nous n'avons pas besoin de le conna?tre, il a ��t�� ��crit au moyen age, les papes l'ont sign��; notre mot d'ordre, nous n'avons que faire de le comprendre: il nous rallie, et c'est tout ce qu'il faut. Taisez-vous, ou gare les pierres!?
Voil�� o�� nous en sommes, et pourtant ce parti, cette nouvelle ��glise, cette longue procession qui enlace la France dans ses plis nombreux, ��touffant et baillonnant les simples qui se trouvent sur son passage, elle marche, elle chante, elle prie, elle raille, elle invective, et elle ne sait pas ce qu'elle croit, elle ne croit peut-��tre �� rien; elle ne conna?t pas la nature et les qualit��s de son Dieu; elle n'oserait soutenir qu'il est m��chant, mais elle oserait encore moins contredire le pr��tre et renier hautement le dogme de l'enfer.
Si nous l'interrogeons sur la libert�� de croire �� la n��cessit�� du progr��s industriel, au bienfait des sciences, aux droits de la famille, etc., elle nous appara?tra tout �� coup tr��s-tol��rante, car elle est li��e quand m��me au progr��s humain par ses habitudes, par ses affections et surtout par ses int��r��ts, cette ��glise du moment! Elle veut vivre et prosp��rer en ��largissant bien ses coudes et en faisant sa provision de bien-��tre dans la vie r��elle. Ne lui demandez pas alors ce qu'elle fait du renoncement chr��tien, de l'aust��rit�� catholique, du d��tachement des choses de ce monde, du complet abandon du moi, prescrit et pr��ch�� par l'��glise primitive. Elle vous rirait au nez, elle vous traiterait d'exag��r��, elle vous dirait que vous touchez la question du temporel, question que le pape a jug��e au profit de la papaut��. Ainsi, faute de r��ponse, le parti cl��rical a r��ponse �� tout.
Nous ne nous laisserons pas intimider par l'esprit du temps, par cette indiff��rence publique qui s'��tonne si na?vement du souci des consciences religieuses et des curiosit��s de la logique. Nous vivons dans un labyrinthe d'ambigu?t��s, de commentaires individuels, de fantaisies d��votes, de contradictions, de pratiques ext��rieures, d'obscurit��s, de d��clamations ardentes et de sous-entendus perfides. Si cela continue et si l'��glise, assembl��e en concile, n'intervient pas bient?t pour poser des flambeaux sur cette marche de fant?mes dans les t��n��bres, nous serons forc��s de regarder l'orthodoxie romaine comme une interpr��tation provisoirement soumise �� la mode du si��cle et �� des vues tout �� fait mat��rielles. Tout ce qu'il y a encore d'esprits sinc��res et d'hommes se respectant eux-m��mes protestera contre cette corruption du sens divin dans l'humanit��, tandis que l'��glise, qui, par des travaux dignes de sa mission, e?t pu se mettre au niveau des progr��s accomplis et ouvrir un temple commun �� tous les hommes, ne repr��sentera plus qu'une fraction particuli��re, fraction aujourd'hui mena?ante, demain exterminatrice d'elle-m��me, car on ne brise pas la vie d'un si��cle sans se briser avec lui.
J'ai tach��, sous la forme du roman, de faire ressortir quelques-unes des causes qui jettent les esprits droits et les coeurs aimants dans une autre voie que celle du parti cl��rical. Ces causes sont si nombreuses, que nous avons d? choisir les plus saillantes, celles qui int��ressent la vie priv��e jusqu'�� l'��vidence, celles qui, par cons��quent, rentrent tellement dans l'��tude de nos moeurs, qu'en s'abstenant d'aborder ces causes on s'abstiendrait. Volontairement de peindre les moeurs.
On peut s'en abstenir par prudence, mais il y a tant de prudence par le temps qui court que le public s'en lasse, et peut-��tre fera-t-il encore un effort, pour admettre en passant un sujet s��rieux sous la forme d'une fiction.
Mais, quel que soit l'accueil fait �� ce livre, il est de ceux qu'il faut faire au risque d'��tre mal accueilli du grand nombre. Il est de ceux qui irritent beaucoup de personnes et qui en calment beaucoup d'autres. S'il ��branle des convictions, il en raffermit, et, quel que soit son m��rite ou son impuissance, il est de ceux qui restent comme sympt?mes historiques, appr��ciations du pr��sent ou appels �� l'avenir.
GEORGE SAND.
Nohant, janvier 1863.
MADEMOISELLE LA QUINTINIE
I
A M. HONOR�� LEMONTIER, A PARIS.
Aix en Savoie, 1er juin 1861.
Eh bien, oui, p��re, j'ai du chagrin, tu l'as devin��, tu l'as senti. Elle ne m'aime pas!
Qui, elle?... Tu voyais bien, tu comprenais bien, au d��sordre de mes lettres, et tu sais bien qu'�� mon age, et de l'humeur dont tu m'as fait, il n'y a qu'un r��ve: ��tre aim��,
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