Mademoiselle Clocque | Page 5

René Boylesve
tacites et sans dignit��, avec les pouvoirs publics pers��cuteurs de l'��glise. Enfin, allait donc se manifester par un fait la justesse des sombres pr��visions qui avaient accueilli l'av��nement de l'archev��que Fripi��re. Ce fils d'une marchande �� la toilette, hauss�� par sa seule habilet�� aux plus hautes fonctions eccl��siastiques; cette sorte de philosophe que certains disaient pa?en ou m��me ath��e, que l'on poussait �� l'Acad��mie fran?aise en raison d'ouvrages presque exclusivement litt��raires et �� peine orthodoxes, se pr��parait �� passer impudemment �� l'ennemi. Il ressortait nettement de l'article ?qu'�� l'heure o�� para?traient ces lignes? l'archev��ch�� aurait pris position dans l'affaire de la Basilique, ce qui devait du m��me coup hater ?d'une fa?on inattendue? le commencement des travaux. On savait h��las quel ��tait le sens de ces fameux plans tout pr��ts �� ��tre ex��cut��s. Expos��s dans la crypte du tombeau de saint Martin, ils avaient ��t�� lac��r��s, il n'y avait pas plus de trois semaines, par quelque pieux basilicien demeur�� inconnu.
Ce n'��tait pas tout; l'article se terminait par des lignes ambigu?s quant aux personnes vis��es, mais tr��s claires quant au sens de l'accusation. Elles fl��trissaient la conduite ��quivoque de certaines ?notabilit��s? dont l'ostensible d��votion �� saint Martin, jointe �� la comp��tence reconnue tant en mati��re d'arch��ologie qu'en ?la pratique des affaires,? avait fortement contribu�� �� affermir l'espoir de voir se relever la Basilique, alors que ces m��mes notabilit��s favorisaient secr��tement, et cela ?dans un but qu'il restait �� ��lucider?, le mis��rable projet de l'��glise batarde.
C'��tait l�� de quoi faire aller les imaginations et les langues.
Mlle Cloque ne pouvait qu'appartenir au parti des projets h��ro?ques et grandioses. Son ame s'��tait de tout temps inclin��e du c?t�� des g��n��reuses chim��res. Rien n'��tait assez grand ni assez beau, au gr�� du superbe ��lan de ses d��sirs. Depuis le mouvement qui l'avait jet��e aux pieds du plus magnifique g��nie de son temps, jusqu'�� celui qui faisait monter le rose d'une sainte col��re �� ses vieilles joues de femme vertueuse, �� propos de la Basilique, elle n'avait point hasard�� un pas qui ne f?t orient�� vers l'intransigeant id��al.
Une porte-fen��tre ouverte sur le jardin laissait venir l'ar?me d��licat des fleurs, qui s'exalte un peu vers le soir. Et l'on entendait le bruit de la lance d'arrosage de Loupaing sur la haie des fusains. Par des trous que Mlle Cloque n'arrivait pas �� combler dans le feuillage de ces arbustes, elle avait le d��sagr��ment d'apercevoir la figure rouge et l'oeil du plombier borgne. Chaque soir, il ��tait l��, au moment o�� elle se mettait �� table. C'��tait �� croire qu'il le faisait expr��s, et cela ��tait infiniment probable, car ils avaient eu une contestation pr��cis��ment au sujet de cette lance. La locataire s'��tait r��serv�� le droit d'en user pour l'entretien de son jardinet improvis�� dans la cour du propri��taire. Or Loupaing pr��tendait s'en servir pour laver sa cour, �� l'heure m��me o�� l'arrosage est avantageux pour les plantes. Jamais, malgr�� nombre de r��clamations, Mlle Cloque n'avait touch�� la lance, et elle en ��tait r��duite �� promener sur ses plates-bandes son petit arrosoir �� main, tandis que, de l'autre c?t�� des fusains lav��s sur une seule face, Loupaing inondait sa cour �� plaisir.
Mais la pauvre fille avait, ce soir, des soucis trop graves pour ��tre affect��e de cette petite pers��cution qui d'ordinaire l'exasp��rait; et elle n��gligeait m��me de fermer la porte au nez de l'affreux borgne aux aguets derri��re les trous. Peut-��tre, �� cause de cette indiff��rence, ��tait-ce aujourd'hui Loupaing qui rageait.
--Vous ne comprenez pas, dit-elle �� Mariette qui apportait une omelette, combien cette affaire est importante...
--Quelle affaire donc, mademoiselle?
--Mais la Basilique! voyons. Savez-vous bien que cela peut nous faire manquer le mariage de Genevi��ve?...
Mariette leva les bras au ciel.
--C'est-il vrai, Dieu possible! Pour une histoire de ?batisse? voil�� mademoiselle Genevi��ve qui ne se marierait pas?
Mlle Cloque se demanda si elle allait confier �� sa bonne toute l'��tendue de ses angoisses. Elle pensa que cette femme ne comprendrait jamais la liaison de choses en apparence si ind��pendantes.
--Vous verrez, ma pauvre Mariette, vous verrez! c'est moi qui vous le dis.
Et elle se ressouvint des premi��res appr��hensions qu'elle avait eues lorsque s'��baucha ce projet de mariage avec les Grenaille-Montcontour. Certes c'��tait une des meilleures familles de Touraine, et la petite Cloque, sans autre dot que sa grace naturelle et le renom de vertu de sa vieille tante, devait regarder comme une surprise heureuse le fait d'avoir ��t�� distingu��e par le jeune sous-lieutenant. A vrai dire, c'��tait un bonheur inesp��r��, et personne autre que Mlle Cloque n'e?t aper?u l�� de nuage.
Elle en avait aper?u pour une raison d'une d��licatesse toute particuli��re.
Les Grenaille-Montcontour, d'authentique et tr��s ancienne noblesse, mais d'une fortune qu'on soup?onnait insuffisante �� soutenir un train assez brillant, avaient mari�� leur fils a?n�� �� une jeune fille isra��lite. L'amour l'avait voulu, �� ce qu'on affirmait, et beaucoup d'ames g��n��reuses en demeuraient persuad��es.
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