bases de la politique du cabinet du maréchal Soult.--Conversation préliminaire avec lord Palmerston.--J'apprends la formation du cabinet de M. Thiers.--Ma première conversation avec lord Palmerston sur la question d'Orient.--Conversation avec lord Melbourne.--Dispositions de plusieurs membres du cabinet anglais.--Lord Holland, lord Lansdowne et lord John Russell.--Dispositions des whigs étrangers au cabinet. --Lord Grey.--Lord Durham.--Mes relations avec les torys.--Le corps diplomatique à Londres.--Le baron de Bülow.--Le baron de Neumann.--Le baron de Brünnow.--M. Van-de-Weyer, le général Alava, M. Dedel, le comte de Pollon.--Je signale à plusieurs reprises au cabinet fran?ais le péril de la situation et les chances d'un arrangement entre quatre puissances et sans la France.--Instructions que me donne M. Thiers.--Commencement d'amélioration dans notre situation.--Ma conversation du 1er avril 1840 avec lord Palmerston.--L'ambassadeur turc à Paris, Nouri-Efendi, arrive à Londres.--Sa note du 7 avril aux cinq puissances.--Ma réponse.--Ouvertures que me font successivement le baron de Bülow et le baron de Neumann.--Concession importante de lord Palmerston.--Suspension de la négociation en attendant l'arrivée du nouvel ambassadeur turc, Chékib-Efendi, qui vient de Constantinople.
Ma situation, en entrant en négociation à Londres sur la question d'Orient, était singulièrement gênée et difficile. Par la note remise à la Porte le 27 juillet 1839, nous nous étions engagés à traiter cette question de concert avec l'Autriche, la Prusse et la Russie comme avec l'Angleterre, et nous avions détourné le sultan de tout arrangement direct avec le pacha d'égypte, lui promettant que ?l'accord entre les cinq grandes puissances était assuré.? Dès lors cependant nous avions pris parti pour les prétentions du pacha à la possession héréditaire, non-seulement de l'égypte, mais de la Syrie; et quand je fus appelé à l'ambassade de Londres, malgré les obstacles que nous avions déjà rencontrés, nous persistions dans notre résolution. ?Le gouvernement du Roi, disait le maréchal Soult dans les instructions qui me furent données le 19 février 1840[1], a cru et croit encore que, dans la position où se trouve Méhémet-Ali, lui offrir moins que l'hérédité de l'égypte et de la Syrie, c'est s'exposer de sa part à un refus certain qu'il appuierait au besoin par une résistance désespérée dont le contre-coup ébranlerait et peut-être renverserait l'Empire ottoman.?
[Note 1: Pièces historiques, no I.]
Ainsi liés, d'une part au concert avec les quatre autres grandes puissances, de l'autre aux prétentions du pacha d'égypte, nous avions contre nous, dans la négociation, l'Angleterre qui refusait absolument au pacha l'hérédité de la Syrie, la Russie qui voulait conserver à Constantinople son protectorat exclusif, ou ne le sacrifier qu'en nous brouillant avec l'Angleterre, enfin l'Autriche et la Prusse elles-mêmes, assez indifférentes sur la question de territoire entre le sultan et le pacha, mais décidées à suivre, selon l'occasion, tant?t l'Angleterre, tant?t la Russie, plut?t qu'à s'unir avec nous pour contenir les prétentions de l'une et de l'autre.
Le cabinet présidé par le maréchal Soult avait le sentiment de l'incohérence et des embarras de cette situation, car il me recommandait, dans ses instructions, ?d'éviter soigneusement tout ce qui tendrait à nous faire entrer dans la voie des conférences et des protocoles; il est trop évident, d'après ce qui s'est passé en dernier lieu, que nous aurions souvent la chance de nous y trouver isolés.? Mais c'était là une précaution inutile; aucune des puissances ne pensait à demander, sur les affaires d'Orient, une conférence officielle; quand j'en parlai à lord Palmerston pour écarter cette idée, ?il n'est pas le moins du monde question, me dit-il, de conférence, de protocole, ni de rien de semblable; vous avez parfaitement raison; nous en serions tous embarrassés et n'en retirerions aucun profit. Il s'agit uniquement de négocier pour arriver à quelque arrangement dont nous soyons tous d'accord et qui termine l'affaire.? C'était précisément dans cet accord, soit qu'il f?t ou non officiellement délibéré, que résidait le problème à résoudre; et en se défendant de toute conférence et de tout protocole, le cabinet fran?ais se repaissait d'une sécurité illusoire; l'absence de ces formes diplomatiques n'atténuait en rien pour lui la difficulté de la situation.
Toute sa politique reposait sur une triple confiance. On comptait fermement à Paris sur la persévérance de Méhémet-Ali dans ses prétentions à la possession héréditaire de la Syrie et sur son énergie à les soutenir par les armes s'il était attaqué. On regardait les moyens de coaction qui pouvaient être employés contre lui ou comme absolument inefficaces et vains, ou comme gravement compromettants pour la s?reté de l'Empire ottoman et la paix de l'Europe. Enfin on ne croyait pas que la Russie consent?t jamais à abandonner effectivement son protectorat exclusif ou du moins prépondérant à Constantinople. Fort de toutes ces confiances, le cabinet fran?ais se prêtait volontiers à la vive pression de l'opinion publique en faveur du pacha d'égypte, et ne sentait aucune impérieuse nécessité d'y résister.
J'avais pour mission à Londres d'obtenir du gouvernement anglais de grandes concessions au profit du pacha, et pour armes
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