heures, par un conspirateur audacieux qui marche droit à son but, et, combien un gouvernement est à plaindre lorsque des rivalités de pouvoirs divisent les autorités auxquelles il a confié le soin de l'administration publique.
Cette question était entre le ministre de la guerre (M. de Feltre) et moi.
On jugera lequel de nous deux a dit le plus courageusement la vérité, ou n'a cherché qu'à détourner sur son camarade une réprimande qu'il redoutait pour lui-même, et qui n'était cependant méritée ni par l'un ni par l'autre, parce qu'il n'y a personne qui soit hors de la merci d'une troupe qui se portera inopinément à son domicile; le souverain lui-même est à la disposition du simple officier qui commande le piquet de gardes à la porte de son palais. S'il y avait eu des antécédents à cette entreprise, et que les informations subséquentes les eussent fait apercevoir, j'aurais pu être blamé de ne les avoir pas saisis, et on l'aurait probablement fait sans ménagement.
Mais le plus habile homme du monde ne peut pas entrer dans une tête, il peut tout au plus se mettre entre deux têtes, quoique l'espace soit étroit.
De même le ministre de la guerre n'était pas responsable de la conduite d'un régiment qui partait en ordre de sa caserne avec son colonel à sa tête; il n'y avait donc pour lui aucune raison de redouter le blame, ni d'employer le mensonge et l'adulation pour égarer le jugement de l'empereur, qui se trouvait au fond de la Russie lorsque cet événement arriva.
S'il le lui avait rapporté tel qu'il était, l'empereur e?t peut-être pensé plus t?t au danger d'avoir une armée composée comme l'était la sienne, et surtout à celui d'aller aussi loin de la capitale.
CHAPITRE III.
Le général Mallet.--Ses liaisons avec Lahorie et Guidal.--Pourquoi ces deux généraux étaient à la Force.--Plans de Mallet.--Il fait des décrets et des nominations.--Le colonel Soulier.--L'abbé Lafond.--Le général Mallet s'échappe de la maison de santé.
Le général Mallet était un ancien gentilhomme de la Franche-Comté. Avant la révolution, il avait servi dans les mousquetaires de la maison du roi. Il entra de bonne foi dans la révolution, et en professa les principes avec une grande ferveur. Il était républicain par conscience, et avait pour les conspirations un caractère semblable à ceux dont l'antiquité grecque et romaine nous a transmis les portraits.
Il était devenu officier-général à la guerre, et longtemps avant l'avènement de l'empereur au tr?ne, il avait obtenu un commandement dans l'intérieur. Il s'occupait continuellement d'idées de gouvernement, et toujours il était fidèle à ses principes politiques. Il serait trop long de rapporter ici les détails d'un projet à peu près semblable à celui dont il s'agit qu'il avait cherché à exécuter pendant que l'empereur était en Prusse en 1807. Cela fut taxé de folie, et néanmoins le ministre de la police crut devoir le faire arrêter; après l'avoir tenu en prison fort longtemps, il l'avait mis dans ce que l'on appelle à Paris une maison de santé, où il était encore à mon entrée au ministère, et dans laquelle je l'avais laissé. Cette maison était la dernière à gauche du faubourg Saint-Antoine, près de la barrière du Tr?ne.
Mallet avait été longtemps le camarade de Lahorie à l'armée du Rhin; il avait su qu'il était à la Force par d'autres prisonniers de cette maison qui avaient obtenu d'être placés dans la maison de santé où il était lui-même. Il avait su également que Guidal y était; il avait connu ce général dans le temps du directoire, chez le directeur Barras qui l'employait particulièrement. Avant de parler de Mallet, je dois dire par quelle fatalité ces deux hommes se trouvaient encore à la Force, d'où ils auraient d? être partis depuis quinze jours, d'après les ordres que j'avais donnés.
Guidal avait été arrêté dans les environs de Marseille pour une affaire de jacobinisme, et il avait été amené à Paris, parce que l'on en espérait quelques renseignements d'après ce qu'avait mandé l'administration locale du département du Var, dont la tranquillité avait paru menacée, au point que le préfet de ce département avait eu besoin de recourir à l'emploi de moyens extraordinaires. Pendant que Guidal était à Paris, on éventa à Marseille une affaire semblable qui mena à la découverte d'un ancien espionnage exercé à la c?te de Provence par des Fran?ais, au bénéfice de l'amiral anglais qui croisait devant Toulon. Guidal fut accusé d'avoir été lui-même à la flotte anglaise, et d'y avoir envoyé son fils. Cet espionnage durait depuis nombre d'années, sans qu'on s'en f?t douté. Par suite des dépositions des personnes qui avaient été arrêtées on redemanda Guidal à Marseille, pour le juger, et il y avait plus de quinze jours que j'avais envoyé à la gendarmerie tout ce dont elle avait besoin pour le reconduire à cette destination; elle différa à exécuter l'ordre que j'avais donné,
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