l'opinion s'y arrêta.
On fit partir de Paris tous les généraux qui avaient de l'emploi dans l'armée d'Angleterre; on les envoya à leurs postes sur les c?tes: on parvint à faire complétement adopter l'idée que c'était de l'Angleterre qu'on s'occupait, et que tous les préparatifs de la Méditerranée n'avaient été faits que pour détourner l'attention de l'ennemi, tandis que c'était justement le contraire.
Tout cela fait, le général Bonaparte n'eut pas de peine à démontrer l'insuffisance des moyens de la république pour attaquer l'Angleterre dans son ?le, et à décider le Directoire à entreprendre de porter une armée en égypte, comme le point le plus rapproché et le plus vulnérable de la puissance commerciale anglaise, et dont les difficultés n'étaient pas disproportionnées à nos moyens d'attaque. Il lui fit l'énumération de ceux qu'il avait réunis dans les ports d'Italie avant de la quitter, et demandait le commandement de la flotte et de l'armée, se chargeant de pourvoir à tout le reste.
On démontra au Directoire que l'on ne parviendrait jamais à tranquilliser la France, tant que cette foule de généraux et d'officiers entreprenans ne serait pas occupée; qu'il fallait faire tourner l'ardeur de toutes ces imaginations au profit de la chose publique; que c'était ainsi qu'après leurs révolutions, l'Espagne, la Hollande, le Portugal et l'Angleterre avaient été obligés d'entreprendre des expéditions outre-mer, pour employer des esprits remuans qu'ils ne pouvaient plus satisfaire; que c'était ainsi que l'Amérique et le cap de Bonne-Espérance avaient été découverts, et que les puissances commerciales d'au-delà les mers s'étaient élevées.
Il n'en fallait sans doute pas tant pour déterminer le Directoire à saisir l'occasion d'éloigner un chef dont il redoutait la popularité, et la proposition convint à tous deux.
Dans ce temps-là, l'ordre de Malte existait encore, et ses batimens de guerre devaient protéger tous les pavillons chrétiens contre les Barbaresques et les Turcs, qui ne respectaient que celui de la France.
Les batimens de commerce de Suède et de Danemarck qui fréquentaient la Méditerranée, étaient protégés par des batimens de guerre de leur nation qui y venaient en croisière.
Ceux d'Amérique y venaient en petit nombre, et l'Angleterre n'avait une flotte de guerre dans cette mer que depuis que la France en avait armé une pour venir dans l'Adriatique protéger les opérations de l'armée d'Italie; mais depuis la paix cette flotte était rentrée à Toulon, où elle avait emmené l'escadre vénitienne, et la flotte anglaise était rentrée dans les ports de Sicile.
Elle avait pour but d'observer Toulon ainsi que l'escadre espagnole de Cadix, et tenait pour cela une croisière à la pointe sud de la Sardaigne. Le commerce de Marseille n'était pas encore tout-à-fait éteint. Cette ville, par suite de la s?reté de son pavillon, était presque exclusivement en possession de tout le commerce qui se faisait par les Turcs dans le Levant; elle avait un nombre considérable de batimens connus sous la dénomination de batimens de caravane, qui, toute l'année, allaient dans les ports du Levant se noliser, et qui venaient hiverner à Marseille, où ils rapportaient leurs profits. Marseille comptait jusqu'à huit cents de ces batimens employés à cette navigation. Ceux des nations du Nord hivernaient dans les ports d'Italie, où ils cherchaient des nolis pour le printemps.
Avant de quitter l'Italie, et sous le prétexte d'une expédition contre l'Angleterre, le général Bonaparte avait fait mettre l'embargo sur tous les batimens de commerce qui se trouvaient dans les ports de la Méditerranée occupés par les troupes fran?aises. Il les fit fréter et bien payer, en sorte que ceux qui étaient dans les ports de Naples et de l'est de l'Adriatique, s'empressèrent de venir chercher des nolis dans les ports que nous occupions.
Les états romains venaient d'être occupés par les troupes fran?aises; le Directoire, qui cherchait à établir la république partout, n'avait pas manqué de prétextes pour susciter une querelle au pape, qui vit la métropole chrétienne envahie, et lui-même transporté à Valence en Dauphiné.
Depuis son retour à Paris, le général Bonaparte avait fait donner les ordres nécessaires pour que (toujours sous le prétexte de la descente en Angleterre) l'escadre de Toulon, forte de quinze vaisseaux, dont un à trois ponts, f?t mise sur-le-champ en état de prendre la mer avec des troupes à bord.
Il fit également donner des ordres pour que l'on équipat et frétat tous les vaisseaux de commerce que l'on pourrait réunir dans Marseille et dans Toulon.
Il venait d'envoyer le général Reynier, que le général Desaix lui avait recommandé[1], pour organiser les batimens réunis à Gênes, d'après l'embargo dont je viens de parler, et en même temps pour commander les troupes qui venaient s'y embarquer.
Il y avait également un grand nombre de batimens semblables retenus dans les ports depuis Venise jusqu'à Livourne. Il fit partir de Paris, fort incognito, le général Desaix, qui eut l'air d'aller faire à Rome un voyage d'amateur, parce qu'il aimait beaucoup les arts.
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