l'armée prit position, et les généraux des deux partis se réunirent pour arrêter les lignes de démarcation.
Je fus encore employé à ces conférences, qui eurent lieu à Heidelberg. J'y suivis le général Reynier, qui était chargé des intérêts de l'armée du Rhin. Tout fut bient?t réglé, et je pus rejoindre le général Desaix, qui se rétablissait à Strasbourg.
Ce fut pendant sa convalescence qu'il con?ut le projet d'aller en Italie pour voir le général Bonaparte. Jusqu'alors il ne le connaissait que de renommée, mais il était grand admirateur de sa gloire. D'ailleurs, blessé de l'infériorité dans laquelle le Directoire tenait ceux qui portaient les armes, Desaix appelait de ses voeux secrets un homme de caractère et de génie qui p?t remédier au mal. Le vainqueur d'Arcole devait être cet homme; lui seul avait acquis assez d'ascendant pour se déclarer le protecteur de ceux qui s'étaient couverts de gloire aux armées.
Il voulut aller conférer avec lui, et je fus passer dans ma famille le temps qu'il employa à ce voyage. Je le rejoignis à son retour, et la paix ayant été signée sur ces entrefaites, je ne tardai pas à l'accompagner à Paris.
CHAPITRE II.
Retour du général Bonaparte à Paris.--Réception que lui fait le Directoire.--Sa nomination à l'Institut.--Faux projet de descente en Angleterre.--Mission secrète du général Desaix en Italie.--Préparatifs pour l'expédition d'égypte.--Bernadotte à Vienne.--Port de Civitta-Vecchia.--For?ats.--Départ pour l'égypte.
Les fureurs de la révolution s'étaient déjà calmées en France; on commen?ait à ne plus s'y effrayer à la seule émission d'idées raisonnables; mais rien de ce qui avait été jeté hors de son orbite, par les commotions révolutionnaires, ne pouvait encore être replacé; les destructions étaient achevées, et bien que le besoin de réédifier se manifestat déjà, il n'existait point de centre autour duquel on p?t graviter avec quelque sécurité. Il ne se présentait nulle part de main assez ferme pour rassembler les débris que la tempête avait dispersés. On était en présence d'un amas de ruines; on mesurait avec effroi l'étendue, les ravages causés par la tourmente populaire, mais personne n'entrevoyait de terme à cette misère, personne n'osait envisager l'avenir.
Les chefs des différens partis de la guerre civile, que le Directoire était parvenu à désunir, pour les désarmer, plus étourdis par la gloire que nos armes avaient acquise et par la paix qui l'avait suivie, que confians dans la tranquillité qui leur avait été promise, pensaient bien qu'un gouvernement ombrageux leur ferait t?t ou tard payer chèrement la célébrité qu'ils avaient obtenue. Les têtes volcaniques paraissaient calmées, à la vérité, mais on n'osait croire qu'elles fussent rassurées, et les rivalités s'apercevaient de toutes parts, particulièrement parmi les hommes que la guerre avait formés.
Les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, pleines d'officiers de mérite, ne voyaient qu'avec regret la plus belle part de gloire qu'avait eue l'armée d'Italie; elles étaient envieuses des préférences du Directoire exécutif pour tout ce qui appartenait à cette armée, et offraient ainsi des moyens de trouble à des agitateurs qui se rencontrent facilement parmi des esprits médiocres, surtout après des événemens comme ceux dont on était à peine sorti. Les ambitions de toute espèce étaient en mouvement, et ne pouvaient qu'amener quelque nouveau 18 fructidor, ou tout autre événement de cette nature.
Le général Bonaparte venait de quitter l'Italie pour se rendre à Radstadt en traversant la Suisse; son voyage n'avait été, pour ainsi dire, qu'une marche triomphale. La population entière se portait sur son passage; on le saluait comme le héros des idées libérales, comme le défenseur des intérêts de la révolution.
D'après le traité de paix, il devait se rassembler, à Radstadt, un congrès pour y régler les affaires des princes dépossédés, tant en Allemagne qu'en Italie, et sur la rive gauche du Rhin. Ce travail exigeant, par sa nature, de fort longs préliminaires d'étiquette et des renseignemens de détail difficiles à réunir, le général Bonaparte ne s'occupa, à Radstadt, que de régler sommairement les bases des opérations qui devaient occuper ce congrès.
Il revint à Paris, où l'impatience publique l'attendait pour lui voir décerner, par le gouvernement, les témoignages de reconnaissance et d'admiration qui remplissaient depuis long-temps le coeur de chaque Fran?ais.
L'automne finissait, l'hiver et ses plaisirs avaient ramené la population dans la capitale: soldats et citoyens se portèrent en foule au-devant de lui.
Le Directoire, qui avait mis en délibération s'il ratifierait les préliminaires de Léoben, se vit contraint, par cette manifestation de l'opinion nationale, de faire une réception solennelle au pacificateur qu'il avait été sur le point de désavouer.
Une estrade magnifique avait été dressée au fond de la cour du palais du Luxembourg. Le Directoire y prit place sous un dais, et le général Bonaparte lui fut présenté par M. de Talleyrand, alors ministre des affaires étrangères. Les acclamations de la multitude contrastèrent avec les éloges froids du Directoire.
à cette époque, l'armée de Sambre-et-Meuse était réunie à celle du
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