plus obscur, sous l'entassement le plus désordonné, on sent poindre et se mouvoir un élément qui s'assimilera un jour tous les autres, l'esprit de liberté, que les instincts de l'auteur appliqueront d'abord à l'art, puis, par un irrésistible entra?nement de logique, à la société; de fa?on que chez lui, dans un temps donné, aidées, il est vrai, par l'expérience et la récolte de faits de chaque jour, les idées littéraires corrigeront les idées politiques.
Tel qu'il est donc, ce Journal d'un jeune jacobite de 1819 ne nous para?t pas complètement dépourvu de signification, ne f?t-ce qu'à cause de l'espèce de jour douteux qui flotte sur toutes ces idées ébauchées, sorte de lumière indécise faite de deux rayons opposés qui viennent l'un du couchant, l'autre de l'orient, crépuscule du monarchisme politique qui finit, aube de la révolution littéraire qui commence.
Immédiatement après ce Journal des idées d'un royaliste de 1819, l'auteur a cru devoir placer ce qu'il a intitulé: Journal des idées d'un révolutionnaire de 1830. A onze ans d'intervalle, voilà le même esprit, transformé. L'auteur pense que tous ceux de nos contemporains qui feront, de bonne foi le même repli sur eux-mêmes, ne trouveront pas des modifications moins profondes dans leur pensée, s'ils ont eu la sagesse et le désintéressement de lui laisser son libre développement en présence des faits et des résultats.
Quant à ce dernier résultat en lui-même, voici de quelle manière il s'est formé. Après la révolution de juillet, pendant les derniers mois de 1830 et les premiers mois de 1831, l'auteur re?ut de l'ébranlement que les événements donnaient alors à toute chose des impressions telles, qu'il lui fut impossible de ne pas en laisser trace quelque part. Il voulut constater, en s'en rendant compte sur-le-champ, de quelle fa?on et jusqu'à quelle profondeur chacun des faits plus ou moins inattendus qui se succédaient troublait la masse d'idées politiques qu'il avait amassée goutte à goutte depuis dix ans. A mesure qu'un fait nouveau dégageait en lui une idée nouvelle, il enregistrait, non le fait, mais l'idée. De là ce journal.
On a cru devoir donner ce titre, journal, aux deux divisions qui composent le premier volume de ce livre, parce qu'il a semblé que, de tous les titres possibles, c'était encore celui qui convenait le mieux. Cependant, afin qu'on ne cherche pas dans ce livre autre chose que ce qu'il renferme, et qu'on ne s'attende pas à trouver dans ces deux journaux une peinture historique, ou biographique, ou anecdotique, avec curiosités, particularités et noms propres, de l'année 1819 et de l'année 1830, nous insistons sur ce point, que ces deux journaux contiennent, non les faits, mais seulement le retentissement des faits.
La formation de la seconde partie de cette collection n'a besoin que de quelques mots pour s'expliquer d'elle-même.
C'est une série de fragments écrits à diverses époques, et publiés pour la plupart dans les recueils du temps où ils ont été écrits. Ces fragments sont disposés par ordre chronologique; et ceux des lecteurs qui, en lisant chaque morceau, voudront ne point oublier la date qu'il porte, pourront remarquer de quelle fa?on l'idée de l'auteur m?rit d'année en année et dans la forme et dans le fond, depuis l'étude sur Voltaire, qui est de 1823, jusqu'à l'étude sur Mirabeau, qui est de 1834. C'est d'ailleurs peut-être la seule chose frappante de ce volume, à la composition duquel n'a été mêlé aucun arrangement artificiel, qu'il commence par le nom de Voltaire et finisse par le nom de Mirabeau. Cela montrerait, s'il n'en existait pas d'ailleurs beaucoup d'autres exemples à c?té desquels celui-ci ne vaut pas la peine d'être compté, à quel point le dix-huitième siècle préoccupe le dix-neuvième. Voltaire, en effet, c'est le dix-huitième siècle système; Mirabeau, c'est le dix-huitième siècle action.
Le premier de ces deux volumes enserre onze années de la vie intellectuelle de l'auteur, de 1819 à 1830. Le deuxième contient également onze années, de 1823 à 1834. Mais comme une partie de ce deuxième volume rentre dans l'intervalle de 1819 à 1830, les deux volumes réunis n'offrent le mouvement en bien ou en mal de la pensée de celui qui les a écrits que sur une échelle de quinze années, de 1819 à 1834.
Nous ne ferons aucune observation sur les dépouillements de style et de manière que la critique y pourra noter de saison en saison. L'esprit de tout écrivain progressif doit être comme le platane, dont l'écorce se renouvelle à mesure que le tronc grossit.
Pour finir ce que nous avons à dire de ce livre, si l'on nous demandait de le caractériser d'un mot, nous dirions que ce n'est autre chose qu'une sorte d'herbier où la pensée de l'auteur a déposé, sous étiquette, un échantillon tel quel de ses diverses floraisons successives.
Que le lecteur de bonne foi compare, et juge si la loi selon laquelle s'est développée cette pensée est bonne
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