reçoit un charme nouveau de son esprit et de son caractère. .....
IV.
JEHAN FROISSART. Né à Valenciennes en 1337, mort à Chimai en
1410.
Le progrès de la langue continue d'une manière visible de Joinville à
Froissart.
D'importants événements eurent lieu.
Froissart en fut le chroniqueur. Il parcourut avec une curiosité
infatigable les pays de l'Europe où il pouvait apprendre quelque chose,
et réunit ainsi de quoi écrire une espèce d'histoire générale de l'Europe
au XIVe siècle, avec l'Angleterre et la France au premier plan, LES
GRANDES CHRONIQUES.
Sa méthode n'est pas très philosophique. L'histoire pour lui n'est pas
matière à études, réflexions et leçons morales; il n'y voit qu'un sujet de
tableaux, et tout ce qu'il cherche c'est de les peindre avec éclat. Aussi
réussit-il surtout dans le récit, dans les descriptions: il n'y en a pas de
plus belles que ses descriptions de batailles.
Son héros favori est le Prince Noir. L'Angleterre s'en souvient: nul
écrivain français n'y est plus populaire.
Comme chroniqueur il est clair, méthodique, suffisamment impartial;
comme écrivain il est net, animé et brillant. Le Moyen Âge
chevaleresque n'a pas eu de meilleur peintre que lui, et jamais peut-être
la langue n'a fait plus de progrès que de Joinville à Froissart.
La chronique de Froissart est le livre d'or de la noblesse féodale: c'est
une illustration en grand de la chevalerie. Ce que celle-ci produisit de
plus fameux, ce qu'il y avait de plus brillant dans la vie d'alors, fêtes,
tournois, batailles, Froissart l'a peint dans un cadre magnifique. Il ne
s'est guère occupé de ce qui ne brille pas.... Il n'est pas de ces historiens
graves qui s'ensevelissent sous des paperasses, au fond d'un cabinet, qui
recherchent, et compulsent, et commentent, et comparent, et discutent,
et raisonnent, et expliquent.... Son grand soin est de bien relater ce qu'il
a appris, d'écrire avec verve et coloris, de faire un livre intéressant,
animé, populaire, et cela il l'a fait.... On lui a reproché d'avoir été peu
patriotique. Cela est vrai si l'on mesure la patrie par degrés de latitude,
si on la resserre dans les étroites bornes d'une géographie nationale.
Mais il ne comptait pas ainsi, le grand voyageur. Sa patrie à lui c'est
l'Europe chevaleresque. Il est compatriote de tout ce qui est noble et
brave, il aime toute fleur de chevalerie et a de belles paroles pour tous
ceux qui font vaillamment.
.....
Froissart a des qualités de l'historien; il arrive à la grandeur par
l'exactitude, et aussi par l'imagination, mais presque jamais parle
jugement, par cette faculté qui compare les faits et prononce sur leur
légitimité, faculté que possédait à un degré assez éminent le florentin
Villani contemporain de notre chroniqueur.
Duquesnel.
V.
PHILIPPE DE COMINES. Né près de Menin en Flandre en 1445, mort
en 1509.
Philippe de Comines est le premier écrivain français qui ait traité
l'histoire comme elle doit être traitée. Il ne se contente pas de raconter,
de peindre, il explique; il dégage de l'étude des événements et des
caractères des vérités utiles, un enseignement.
Il a écrit L'HISTOIRE DU ROI LOUIS XI.
C'était un roi d'une grande finesse politique, habile et rusé. Un de ses
bons tours d'habileté fut l'acquisition même de Comines. Il l'enleva à
son ennemi le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire. Comines se
laissa enlever sans croire qu'il manquait à ses devoirs. Il avait peu de
goût pour le duc de Bourgogne; le roi de France lui plaisait mieux. Il
était de ces hommes qui apprécient les choses en raison de leur utilité et
les hommes en proportion de leur habileté à profiter des choses. Sa
nature était droite, sa morale peu élevée.
Son histoire se compose de deux parties. Les six premiers livres traitent
de Louis XI, les deux derniers de l'expédition de Charles VIII en Italie.
Son style a de la vigueur et de la précision. Il a la force de la réflexion,
la puissance de la logique. La langue de Froissart est la langue des faits.
Comines a parlé la langue des idées: c'est celle-ci surtout qu'il y a du
profit à écouter.
Philippe de Comines est, en date, le premier écrivain vraiment moderne.
Les lecteurs même qui ne voudraient pas remonter bien haut, ni se jeter
dans la curiosité érudite, ceux qui ne voudraient se composer qu'une
petite bibliothèque française toute moderne ne sauraient se dispenser
d'y admettre Montaigne et Comines.
Ce sont des hommes qui ont nos idées et qui les ont dans la mesure et
dans le sens où il nous serait bon de les avoir, qui entendent le monde,
la société, particulièrement l'art d'y vivre et de s'y conduire, comme
nous serions trop heureux de l'entendre aujourd'hui; des têtes saines,
judicieuses, munies d'un sens fin et sûr, riches d'une expérience moins
amère que profitable, et consolante, et comme
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