Linfluence dun livre

Philipe Aubert de Gaspé
d'un livre, by Philippe Aubert de
Gaspé

Project Gutenberg's L'influence d'un livre, by Philippe Aubert de Gaspé
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Title: L'influence d'un livre Roman historique
Author: Philippe Aubert de Gaspé
Release Date: March 9, 2005 [EBook #15305]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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L'INFLUENCE D'UN LIVRE ***

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Ipperciel and the Faculté Saint-Jean (University of Alberta) for making
it available.

L'influence d'un livre

Philippe Aubert de Gaspé, fils
Dédié à Thomas C. Aylwin, écuyer Par un admirateur de ses talents, Et
celui qui ose s'inscrire Son ami sincère, Ph. A. de Gaspé, fils

Ah! quand le songe de la vie sera terminé à quoi auront servi toutes
agitations, si elles ne laissent les traces de l'utilité.
Volney

CHAPITRE PREMIER
L'alchimiste
C'était par une nuit sombre; un ciel sans astres pesait sur la terre,
comme un couvercle de marbre noir sur un tombeau.
LAMENNAIS.
Sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, dans une plaine qui s'étend
jusqu'à une chaîne de montagnes, dont nous ignorons le nom, se trouve
une petite chaumière qui n'a rien de remarquable par elle-même; située
au bas d'une colline, sa vue est dérobée aux voyageurs par un bosquet
de pins qui la défend contre le vent du nord, si fréquent dans cette
partie de la contrée. Autrefois cette misérable cabane était habitée par
trois personnes: un homme, son épouse, jeune femme vieillie par le
chagrin, et un enfant, fruit de leur union. Cet homme que nous
appellerons Charles Amand la possédait au temps dont nous parlons; en
ayant éloigné ses autres habitants afin de vaquer secrètement à des
travaux mystérieux auxquels il avait dévoué sa vie. C'était le 15 août de
l'année 182-. Charles Amand était debout au milieu de l'unique pièce
que contenait ce petit édifice presque'en ruine. D'un côté un méchant lit
sans rideau; vis-à-vis un établi de menuisier, couvert de divers
instruments, parmi lesquels on remarquait deux creusets, dont l'un était
cassé: aussi, différents minéraux que Charles considérait d'un air pensif

sur un âtre; au côté droit de l'appartement, brûlaient, épars çà et là,
quelques morceaux de charbon de terre. Près de l'âtre, sur une table, un
mauvais encrier, quelques morceaux de papier et un livre ouvert
absorbaient une partie de l'attention de l'alchimiste moderne; ce livre
était: Les ouvrages d'Albert le Petit.
L'homme dont nous parlons était d'une taille médiocre; son vêtement,
celui des cultivateurs du pays; son teint livide et pâle, ses cheveux noirs
et épars qui couvraient un beau front, son oeil brun, presqu'éteint dans
son orbite creux, tout son physique annonçait un homme affaibli par la
misère et les veilles. Il rassembla les charbons, les souffla et y posa un
creuset contenant différents métaux; et s'étant couvert la bouche d'un
mouchoir, il se mit à l'ouvrage. Après un travail opiniâtre qui dura près
de trois heures, il s'assit presque épuisé et, contemplant la composition
nouvelle qui se trouvait devant lui, il se dit à lui-même: travail ingrat!
Faut-il enfin que je t'abandonne? Ne me reste-t-il plus d'espoir? J'ai
pourtant suivi à a lettre toutes les directions, ajouta-t-il, en prenant le
livre, oui: étain, zinc, arsenic, vif-argent, sulfate de potasse. Ah!
s'écria-t-il, en regardant de plus près--soufre! Je l'avais oublié, et il se
remit à l'ouvrage. Après une demi-heure de travail il tira du creuset une
composition qu'à sa couleur on eût prise pour du fer.--Malédiction!
murmura-t-il, et il laissa tomber la nouvelle substance métallique. Peu
importe, j'aurai recours à l'autre voie, celle-là me réussira, j'en suis sûr;
il me coûte d'en venir là; mais il me faut de l'or, oui: de l'or; et l'on
verra si Amand sera toujours méprisé, rebuté comme un visionnaire
comme un... oui, comme un fou; pourquoi me cacher le mot? ne me
l'ont-il pas dit, ne me l'ont-il pas répété jusqu'à ce que j'aie été près de
le croire; mais ces mots de l'écriture: cherchez, vous trouverez, je les ai
gravés là (et il touchait sa tête); ils y étaient au moment où je paraissais
sourire à leurs plaisanteries, si agréables pour eux, et si amères au
malheureux qui manque de pain. Je ne le leur ai pas dit; je n'ai pas
besoin de pitié; car c'est tout ce qu'ils m'auraient prodigué.
Il se leva, fit quelques pas et puis ajouta: Il doit pourtant être près de
minuit et Dupont ne vient pas; s'il allait renoncer à son projet? mais non,
c'est un homme de coeur.

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