a comme moy lachement abusée.?Ouy Madame, l'ingrat a trahy sans pitié?Son Espouse, & son sang; l'amour & l'amitié;?Et pour vous consoler en ces tristes alarmes?Je viens joindre à vos pleurs ma tristesse & mes larmes;?Je s?ay que ma presence est un foible secours,?Et qu'en vain j'y voudrois adjouster le discours,?Les petits desplaisirs font de belles harangues,?Mais la nature aux grands n'a point donné de langues;?Aussi pour relever vostre esprit abatu?Je laisse cet effort à sa seule Vertu,?Et j'espere de vous interdite & confuse?La consolation qu'un enfant me refuse.
OLYMPIE.
Comment pourrois-je, helas, en ces occasions?Donner à vos regrets des consolations,?Si dans l'extremité du malheur qui m'accable?En mes propres ennuis, je suis inconsolable.?Ah Madame, je vois où tendent vos propos,?Ma presence aujourd'huy trouble vostre repos,?Elle accroit vos douleurs, & vous me venez dire?Qu'il faut que je vous laisse, & que je me retire,?Alexis est party, bien, vous avez raison,?Luy seul me donnoit droit dedans cette maison.?Sortons donc, j'y consens, ouy changeons de demeure.
AGLEZ.
? Ciel! que dites vous?
OLYMPIE.
J'obe?s toute à l'heure,?Il est juste.
AGLEZ.
Ah ma fille, appaisez ce transport,?Et ne nous faictes pas un si sensible tort;?Vous respondez d'un sens contraire à ma pensée,?Alexis est party, l'ingrat vous a laissée,?Mais luy seul a failly, personne n'y consent,?Fait-il pour le coupable attaquer l'innocent??Ou pour estre comprise au mal qu'il a p? faire,?Suffit-il de porter la qualité de mere??C'est là toute ma faute, & la seule raison?Qui vous porte à ha?r cette triste maison;?Mais si vostre ame encor estant si genereuse?A quelques sentimens pour une malheureuse,?Demeurez Olympie, & ne nous privez pas?Du seul objet qui peut empescher mon trespas:?La perte d'Alexis n'est que trop sans la vostre,?Sans que vous redoubliez ce malheur par un autre,?Ou que vous adjo?tiez à ma calamité?Un traittement si rude & si peu merité.?Alexis vit en vous, il vit dedans vostre ame,?En vous je vois encor, & mon fils, & sa femme,?Où par un rare effet d'un insigne amitié?Il nous reste du moins sa plus noble moitié:?Accordez chere fille à ma juste priere?Cet heur que je souhaitte, & ce bien que j'espere,?Sinon vostre rigueur par un cruel effort?Achevera le coup qui me donne la mort.
OLYMPIE.
Quoy que vous m'ordonniez vous serez satisfaicte,?Mais vous dévriez plutost consentir ma retraite,?Et bannir de chez vous un objet odieux?Qui vous prive d'un fils qui fut cher à vos yeux.?Ouy, mes deffauts Madame, ont causé son absence,?Il montre son respect par son obeissance;?Mais son aversion ayant plus de pouvoir?L'a contraint à la fin d'oublier ce devoir,?Et de se desgager par une prompte fuite?Des fers où vous aviez sa belle ame reduite.?J'obe?ray pourtant, puisque vous le voulez,?J'acheveray mes jours dans ces lieux desolez,?Et je vous feray voir au fort de ma misere?Que j'ayme encor le fils, en honorant sa mere;?Trop heureuse perdant un adorable fruit?Que l'on me laisse au moins l'arbre qui l'a produit.
SCENE VI.
ALEXIS, CLITOPHON, ALCIPE, MEGISTE.
ALEXIS _dans un Temple, tenant deux manteaux en ses deux mains_.
Restes vains & honteux de ma Grandeur passée,?Allez, quittez mes mains ainsi que ma pensée,?Et par les faux appas d'un esclat odieux?Ne blessez plus jamais mon esprit, ny mes yeux:?Mais vous chers ennemis de cette vaine pompe,?Qui charme les mondains, les seduit & les trompe,?Habits de mon bon-heur, glorieux instrumens,?Soyez doresnavant mes plus beaux ornemens,?Que la pourpre vous cede, & servez de trophée?à mon ambition par vostre aide estouffée.?Charmeresses des sens qui flattiez mes desirs,?Trompeuses voluptez, ridicules plaisirs,?Luxe, jeux, passe-temps, dangereuses delices,?Tresors de leurs erreurs, partizans & complices,?Assez, & trop long-temps vous m'avez abusé,?Mais pour moy desormais vostre piege est brisé,?à mon aveuglement la lumiere succede,?Je verray sans regret qu'un autre vous possede,?Et mesme j'advouray d'estre fort obligé?à ceux qui de vos fers me rendront deschargé,?Ouy, prenez chers amis tout ce bien qui me reste,?Partagez entre vous cet or que je deteste,?Usez bien de ce traistre & dangereux metal,?Et prenez garde enfin qu'il ne vous soit fatal:?Adieu mes chers amis, embrassez moy mes freres,?Encore un coup Adieu.
CLITOPHON.
Les Cieux vous soient prosperes,?Et respandent sur vous pour ces rares bontez?Milles torrens de grace et de prosperitez.
SCENE VII.
CLITOPHON, ALCIPE, MEGISTE.
MEGISTE.
Quelle fortune Alcipe à la nostre est pareille?
ALCIPE.
En l'estat où je suis, je doute si je veille,?Et j'ay bien de la peine en cette occasion?De ne point prendre tout pour une illusion.
CLITOPHON.
Mais aussi n'est-ce pas un charme qui nous trompe??Sommes nous bien certains que toute cette pompe,?Et que ces vestemens qui nous semblent si beaux?Ne soient pas en effet d'effroyables lambeaux??Non, mes attouchemens d'accords avec ma veue,?M'asseurent puissamment qu'elle n'est pas deceue,?Et cet or par son poids persuade à ma main?Qu'en cette occasion nostre espoir n'est pas vain.
MEGISTE.
Agreable rencontre! & bien-heureux eschange!
ALCIPE.
Certes, cet accident me semble bien estrange,?Et remplit mon esprit d'aise & d'estonnement.
CLITOPHON.
Si nous sommes heureux, il n'importe comment.?Pour moy je suis d'advis sans tarder davantage?Qu'en changeant de destin nous changions de courage,?Et que nous nous rendions par quelques beaux effets?Dignes de tant de biens que
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