Lettre a Louis XIV | Page 4

François de Salignac de la Mothe Fénelon
l'enfer, et non pas Dieu, que vous craignez. Votre religion ne consiste qu'en superstitions, en petites pratiques superficielles. Vous ��tes comme les Juifs dont Dieu dit: Pendant qu'ils m'honorent des l��vres, leur coeur est loin de moi. Vous ��tes scrupuleux sur des bagatelles, et endurci sur des maux terribles. Vous n'aimez que votre gloire et votre commodit��. Vous rapportez tout �� vous, comme si vous ��tiez le Dieu de la terre, et que tout le reste n'e?t ��t�� cr���� que pour vous ��tre sacrifi��. C'est, au contraire, vous que Dieu n'a mis au monde que pour votre peuple. Mais, h��las! vous ne comprenez point ces v��rit��s; comment les go?teriez-vous? Vous ne connaissez point Dieu, vous ne l'aimez point, vous ne le priez point du coeur, et vous ne faites rien pour le conna?tre.
Vous avez un archev��que[3] corrompu, scandaleux, incorrigible, faux, malin, artificieux, ennemi de toute vertu, et qui fait g��mir tous les gens de bien. Vous vous en accommodez, parce qu'il ne songe qu'�� vous plaire par ses flatteries. Il y a plus de vingt ans qu'en prostituant son honneur, il jouit de votre confiance. Vous lui livrez les gens de bien, vous lui laissez tyranniser l'Eglise, et nul pr��lat vertueux n'est trait�� aussi bien que lui.
[Note 3: voir l'ouvrage cit�� ci-dessus dans la note 2.]
Pour votre confesseur[3], il n'est pas vicieux, mais il craint la solide vertu, et il n'aime que les gens profanes et relach��s; il est jaloux de son autorit��, que vous avez pouss��e au-del�� de toutes les bornes. Jamais confesseurs des rois n'avaient fait seuls les ��v��ques, et d��cid�� de toutes les affaires de conscience. Vous ��tes seul en France, Sire, �� ignorer qu'il ne sait rien, que son esprit est court et grossier, et qu'il ne laisse pas d'avoir son artifice avec cette grossi��ret�� d'esprit. Les j��suites m��me le m��prisent et sont indign��s de le voir si facile �� l'ambition ridicule de sa famille. Vous avez fait d'un religieux un ministre d'Etat. Il ne se conna?t point en hommes, non plus qu'en autre chose. Il est la dupe de tous ceux qui le flattent et lui font de petits pr��sents. Il ne doute ni n'h��site sur aucune question difficile. Un autre tr��s droit et tr��s ��clair�� n'oserait d��cider seul. Pour lui, il ne craint que d'avoir �� d��lib��rer avec des gens qui sachent les r��gles. Il va toujours hardiment, sans craindre de vous ��garer; il penchera toujours au relachement et �� vous entretenir dans l'ignorance. Du moins, il ne penchera aux partis conformes aux r��gles que quand il craindra de vous scandaliser. Ainsi, c'est un aveugle qui en conduit un autre, et, comme dit J��sus-Christ, ils tomberont tous deux dans la fosse.
Votre archev��que et votre confesseur vous ont jet�� dans les difficult��s de l'affaire de la r��gale, dans les mauvaises affaires de Rome; ils vous ont laiss�� engager par M. de Louvois dans celle de Saint-Lazare[3], et vous auraient laiss�� mourir dans cette injustice si M. de Louvois e?t v��cu plus que vous.
On avait esp��r��, Sire, que votre conseil vous tirerait de ce chemin si ��gar��; mais votre conseil n'a ni force ni vigueur pour le bien. Du moins Mme de M. et M. le D. de B.[3] devaient-ils se servir de votre confiance en eux pour vous d��tromper; mais leur faiblesse et leur timidit�� les d��shonorent et scandalisent tout le monde. La France est aux abois; qu'attendent-ils pour vous parler franchement? Que tout soit perdu? Craignent-ils de vous d��plaire? Ils ne vous aiment donc pas, car il faut ��tre pr��t �� facher ceux qu'on aime, plut?t que de les flatter ou de les trahir par son silence. A quoi sont-ils bons, s'ils ne vous montrent pas que vous devez restituer les pays qui ne sont pas �� vous, pr��f��rer la vie de vos peuples �� une fausse gloire, r��parer les maux que vous avez faits �� l'Eglise, et songer �� devenir un vrai chr��tien avant que la mort vous surprenne? Je sais bien que, quand on parle avec cette libert�� chr��tienne, on court risque de perdre la faveur des rois; mais votre faveur leur est-elle plus ch��re que votre salut? Je sais bien aussi qu'on doit vous plaindre, vous consoler, vous soulager, vous parler avec z��le, douceur et respect; mais enfin il faut dire la v��rit��. Malheur, malheur �� eux s'ils ne la disent pas, et malheur �� vous si vous n'��tes pas digne de l'entendre! Il est honteux qu'ils aient votre confiance sans fruit depuis tant de temps. C'est �� eux �� se retirer si vous ��tes trop ombrageux et si vous ne voulez que des flatteurs autour de vous. Vous demanderez peut-��tre, Sire, qu'est-ce qu'ils doivent vous dire; le voici: ils doivent vous repr��senter qu'il faut vous humilier sous la puissante main de Dieu, si vous ne voulez qu'il vous humilie; qu'il
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