Les vivants et les morts | Page 2

Anna de Noailles
enfant, je me hais, je m��prise mon ame,?Ce d��testable orgueil qu'ont les filles des rois,?Puisque je ne peux pas ��tre un rempart de flamme
Entre la triste mort et toi!
Mais puisque tout survit, que rien de nous ne passe,?Je songe, sous les cieux o�� la nuit va venir,?A cette ��ternit�� du temps et de l'espace
Dont tu ne pourras pas sortir.
--O beaut�� des printemps, alacrit�� des neiges,?Rassurantes parois du vase immense et clos?O��, comme de joyeux et fid��les arp��ges,
Tout monte et chante sans repos!...
J'AI TANT R��VE PAR VOUS...
J'ai tant r��v�� par vous, et d'un coeur si prodigue,?Qu'il m'a fallu vous vaincre ainsi qu'en un combat;?J'ai construit ma raison comme on fait une digue,?Pour que l'eau de la mer ne m'envahisse pas.
J'avais tant confondu votre aspect et le monde,?Les senteurs que l'espace ��changeait avec vous,?Que, dans ma solitude ��parse et vagabonde,?J'ai partout retrouv�� vos mains et vos genoux.
Je vous voyais pareil �� la neuve campagne,?R��ticente et gonfl��e au mois de mars; pareil?Au lis, dans le sermon divin sur la montagne;?Pareil �� ces soirs clairs qui tombent du soleil;
Pareil au groupe ��troit de l'agneau et du patre,?Et vos yeux, o�� le temps flane et semble en retard,?M'enveloppaient ainsi que ces vapeurs bleuatres?Qui s'��chappent des bois comme un plus long regard.
Si j'avais, chaque fois que la douleur s'exhale,?Ajout�� quelque pierre �� quelque monument,?Mon amour monterait comme une cath��drale?Compacte, transparente, o�� Dieu luit par moment.
Aussi, quand vous viendrez, je serai triste et sage,?Je me tairai, je veux, les yeux larges ouverts,?Regarder quel ��clat a votre vrai visage,?Et si vous ressemblez �� ce que j'ai souffert...
L'AMITIE
?Je t'apporte le prix de ton bienfait...?
Mon ami, vous mourrez, votre pensive t��te
Dispersera son feu,?Mais vous serez encor vivant comme vous ��tes
Si je survis un peu.
Un autre coeur au v?tre a pris tant de lumi��re
Et de si beaux contours,?Que si ce n'est pas moi qui m'en vais la premi��re,
Je prolonge vos jours.
Le souffle de la vie entre deux coeurs peut ��tre
Si d?ment m��lang��,?Que l'un peut demeurer et l'autre dispara?tre
Sans que rien soit chang��;
Le jour o�� l'un se l��ve et devant l'autre passe
Dans le noir paradis,?Vous ne serez plus jeune, et moi je serai lasse
D'avoir beaucoup senti;
Je ne chercherai pas �� retarder encore
L'instant de n'��tre plus;?Ayant tout honor��, les couchants et l'aurore,
La mort aussi m'a plu.
Bien des fronts sont glac��s qui doivent nous attendre,
Nous serons bien re?us,?La terre sera moins pesante �� mon corps tendre
Que quand j'��tais dessus.
Sans remuer la l��vre et sans troubler personne,
L'on poursuit ses d��bats;?Il r��gne un calme immense o�� le r��ve r��sonne,
Au royaume d'en-bas.
Le temps n'existe point, il n'est plus de distance
Sous le sol noir et brun;?Un long couloir, uni, parcourt toute la France,
Le monde ne fait qu'un;
C'est l��, dans cette paix immuable et divine
O�� tout est ��ternel,?Que nous partagerons, ames toujours voisines,
Le froment et le sel.
Vous me direz: ?Voyez, le printemps clair, immense,
C'est ici qu'il naissait;?La vie est dans la mort, tout est, rien ne commence.?
Je r��pondrai: ?Je sais.?
Et puis, nous nous tairons; par habitude ancienne
Vous direz: ?A demain.??Vous me tendrez votre ame et j'y mettrai la mienne,
Puis, tenant votre main
Je verrai, d��chirant les limbes et leurs portes,
S'��lan?ant de mes os,?Un rosier diriger sa marche s?re et forte
Vers le soleil si beau...
TU T'ELOIGNES, CHER ��TRE...
Tu t'��loignes, cher ��tre, et mon coeur assidu?Surveille ta pr��sence, au lointain scintillante;?Te souviens-tu du temps o��, les regards tendus?Vers l'espace, ma main entre tes mains gisante,?J'exigeai de r��gner sur la mer de L��pante,?Dans quelque baie heureuse, aux parfums suspendus,?O�� l'orgueil et l'amour halettent confondus?
A pr��sent, ��puis��e, immobile ou errante,?J'abdique sans effort le destin qui m'est d?.?Quel faste comblerait une ame indiff��rente?
Je n'ai besoin de rien, puisque je t'ai perdu...
J'ESP��RE DE MOURIR...
J'esp��re de mourir d'une mort lente et forte,?Que mon esprit verra doucement approcher?Comme on voit une soeur entrebailler la porte,?Qui sourit simplement et qui vient vous chercher.
Je lui dirai: Venez, ch��re mort, je vous aime,?Apr��s mes longs travaux, voici vos nobles jeux.?J'ai longtemps refus�� votre secours supr��me,?Car si le corps est las, l'esprit est courageux.
Mais venez, d��livrez un courage qui s'use,?Abr��gez le combat, rendez �� l'univers?L'immense po��sie embu��e et confuse?Dont mon ame et mon corps ont si longtemps souffert!
Les torrents des rochers, le sable blond des rives,?Les vaisseaux balanc��s, l'Automne dans les bois,?Les b��tes des for��ts, surprises et captives,?M��ditaient dans mon coeur et g��missaient en moi!
O mort, laissez-les fuir vers la for��t puissante,?Ces fauves compagnons de mon silence ardent!?Que leur native ardeur, f��roce et caressante,?Peuple la chaude nuit d'un murmure obs��dant.
Ce n'��tait pas mon droit de garder dans mon ��tre?Un aspect plus divin de la cr��ation;?De savoir tout aimer, de pouvoir tout conna?tre?Par les secrets chemins de l'inspiration!
Ce n'��tait pas mon droit, aussi la destin��e,?Comme un guerrier sournois, chaque jour, chaque nuit,?Attaquait de sa main habile et forcen��e?Le sublime butin qui me comble et me nuit.
Mais venez, ch��re mort; mon ame vous appelle,?Asseyez-vous ici et donnez-moi la main.?Que votre bras soutienne un front
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