Les parisiennes de Paris | Page 3

Théodore de Banville
des joies ineffables, l��-haut dans les voies lact��es fleuries d'��toiles. Vous diriez d'un lis transplant�� dans le verger d'un bourgeois: elle va mourir.
--Messieurs, dit au foyer l'implacable critique Rosier, vous voil�� bien avec votre amour du merveilleux �� tout prix, et vous avez bien vite fait de tisser une robe virginale. Je veux bien tout ce que vous voudrez, et l'autre soir, pendant que madame Lafontaine jouait L'��cole des Femmes, j'ai vu comme vous l'��tonnement de madame de Luxeuil. Certes, et j'en tombe d'accord, au moment o�� Arnolphe expose les singuli��res id��es d'Agn��s sur la mani��re dont les enfants viennent au monde, les beaux regards de votre ��lodie ont eu une expression que ni Mars ni Dorval n'auraient pu jouer. Ils disaient clairement, ��loquemment: _N'est-ce donc pas ainsi?_ Mais enfin, que pouvez-vous en conclure? Ce pauvre Luxeuil ��tait un tr��s-terrestre colonel de carabiniers, et les trois enfants qu'il a laiss��s �� sa femme se portent bien.
--Ah! r��pondit le blond et doux po?te ��mile de Nanteuil, il ne faut pas vouloir tout expliquer! Si madame de Luxeuil jouait cette com��die-l��, elle serait la plus cynique des cr��atures et elle ne nous occuperait pas ainsi tous. Pourquoi ne pas admettre le surnaturel, toujours bien plus facile �� comprendre que ce que nous voyons dans la vie?
--Et, fit �� son tour le journaliste Simonet, pourquoi ne pas admettre aussi que C��lim��ne a fait des progr��s depuis le grand si��cle? Vous savez que les anges, s'ils ne donnent rien, veulent ��tre ador��s �� toute force. Une bonne fois, trois des l��vites ont pouss�� �� bout votre ��lodie immat��rielle, et lui ont demand�� en face des explications. Devinez ce qu'elle a r��pondu? Vous allez me dire si l'autre C��lim��ne peut bien se pendre! Elle a embrass�� dans un m��me regard ses trois amoureux, et d'une voix ��mue, attendrie, d��sesp��r��e comme la lyre, elle a cri�� ces mots sublimes: Ah! vous ne m'aimez pas! Tout haut, notez bien cela, et personne n'a boug��, ce qui para?t ��tre le comble de l'art.
--Oui, reprit Rosier, qu'on se prom��ne vers le soir sur le lac d'Enghien ou sur le lac de C?me, on la rencontre toujours ��chevel��e �� la brise, dans de petits bateaux! Preuve certaine qu'elle a trop lu Lamartine et qu'elle veut accaparer cette corde-l��. Cette jeune et jolie veuve a compris tout bonnement qu'�� Paris les affaires d'argent et les affaires d'amour nous laissent une affreuse fatigue de la r��alit��, et elle a pris comme sp��cialit�� l'Id��al.
Le po?te regarda finement ses interlocuteurs.
--Voil�� qui est trop simple, dit-il. Comme moi, l'un de vous au moins a ��t�� une fois dans sa vie persuad�� par une conversation d'un quart d'heure, et tout le monde le serait.
--Persuad�� de quoi? Persuad�� qu'��lodie est un ange... tout �� fait ignorant?
--Oui.
--Mais ses enfants?
--Mon Dieu! la lettre tue! Tenez, voulez-vous entendre ce que madame de Luxeuil m'a dit �� moi-m��me? Mon pauvre ami, ce peintre que vous savez, ��tait parti pour Nice, o�� il va ne pas se gu��rir des alternatives d'espoir et de d��sespoir que cr��e involontairement ��lodie. Car (moi j'en suis s?r!) elle va au ciel toutes les nuits, et ne se rappelle pas le lendemain ce qu'elle a dit la veille: ?Mais, enfin, mon cher ��mile, m'a demand�� madame de Luxeuil avec la curiosit�� ing��nue d'un enfant, pourquoi votre ami est-il parti? Que voulait-il donc de moi??
A ce moment-l��, je l'ai regard��e fixement, ��bloui, fou, irrit��; j'avais dans mes yeux toute l'indignation d'un coeur honn��te. ��lodie ne s'est pas troubl��e, elle n'a pas rougi, rien n'��tait jou��, elle ne mentait pas. Comme vous l'imaginez, les bras m'en tombaient, mais j'ai ��t�� convaincu, et il fallait ��tre convaincu �� moins d'��tre un ath��e ou un imb��cile.
--C'est ��gal, dit Rosier, au diable la po��sie lamartinienne, et tous ceux qui boivent des cascatelles et qui s'en vont dans les clairi��res manger, sur le coup de minuit, des salades de sensitives! En rentrant chez moi, je veux qu'on m'apporte un jambon d'York bien rose et mon Rabelais, et une bouteille d'un de ces grands vins qui contiennent non-seulement l'amour et l'esprit, mais aussi tout le bon sens fran?ais. Car vous auriez bien pu me rendre fou!
--D'ailleurs voil�� l'entr'acte fini. Allons un peu voir le second acte des Parisiens et ��couter ce que dit Desgenais.

II
LA BONNE DES GRANDES OCCASIONS
--TH��R��SE--
En g��n��ral, j'ai l'amour de la typographie classique; mais, sp��cialement pour ce chapitre, permettez-moi l'alin��a! L'alin��a seul, �� d��faut du rhythme, peut me fournir le lyrisme indispensable �� ce couplet de la vie transcendante.
On suppose parfois que l'existence de courtisane est ce qu'il y a au monde de plus ais�� �� entreprendre et �� soutenir. N'est-ce pas le cas de r��p��ter avec Mimi: ?On croit que c'est facile, on se trompe joliment, va!?
Nos lecteurs ont plus d'instinct que cela. Ils devinent que beaut�� surhumaine, grace enchanteresse, force,
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