attirée par la Louve en dedans de l'estacade, ayant un moment plongé pour ne plus repara?tre aux yeux de ses meurtriers, ceux-ci durent croire leur victime noyée et engloutie.
Quelques minutes après, le courant emportait un autre cadavre entre deux eaux sans que la Louve l'aper??t.
C'était le corps de la femme de charge du notaire.
Morte, bien morte, celle-là.
Nicolas et Calebasse avaient autant d'intérêt que Jacques Ferrand à faire dispara?tre ce témoin, ce complice de leur nouveau crime: aussi, lorsque le bateau à soupape s'était enfoncé avec Fleur-de-Marie, Nicolas, s'élan?ant dans le bachot conduit par sa soeur, et dans lequel se trouvait Mme Séraphin, avait imprimé une violente secousse à cette embarcation et saisi le moment où la femme de charge trébuchait pour la précipiter dans la rivière et l'y achever d'un coup de croc.
Haletante, épuisée, la Louve, agenouillée sur l'herbe à c?té de Fleur-de-Marie, reprenait ses forces et examinait les traits de celle qu'elle venait d'arracher à la mort.
Qu'on juge de sa stupeur en reconnaissant sa compagne de prison.
Sa compagne qui avait eu sur sa destinée une influence si rapide, si bienfaisante... Dans son saisissement, la Louve un moment oublia Martial.
--La Goualeuse! s'écria-t-elle.
Et, le corps penché, appuyé sur ses genoux et sur ses mains, la tête échevelée, ses vêtements ruisselants d'eau, elle contemplait la malheureuse enfant étendue, presque expirante, sur le gazon. Pale, inanimée, les yeux demi-ouverts et sans regard, ses beaux cheveux blonds collés à ses tempes, les lèvres bleues, ses petites mains déjà roidies, glacées, on l'e?t crue morte.
--La Goualeuse! répéta la Louve; quel hasard! Moi qui venais dire à mon homme le bien et le mal qu'elle m'a faits avec ses paroles et ses promesses, la résolution que j'avais prise! Pauvre petite, je la retrouve ici morte! Mais non, non! s'écria la Louve en s'approchant encore plus de Fleur-de-Marie, et sentant un souffle imperceptible s'échapper de sa bouche. Non! Mon Dieu! Mon Dieu! Elle respire encore, je l'ai sauvée de la mort... ?a ne m'était jamais arrivé de sauver quelqu'un. Ah! ?a fait du bien, ?a réchauffe. Oui, mais mon homme, il faut le sauver aussi, lui. Peut-être qu'il rale à cette heure. Sa mère et son frère sont capables de l'assassiner. Je ne peux pas pourtant laisser là cette pauvre petite, je vais l'emporter chez la veuve; il faudra bien qu'elle la secoure et qu'elle me montre Martial, ou je brise tout, je tue tout. Oh! il n'y a ni mère, ni soeur, ni frère qui tiennent quand je sens mon homme là!
Et, se relevant aussit?t, la Louve emporta Fleur-de-Marie dans ses bras.
Chargée de ce léger fardeau, elle courut vers la maison, ne doutant pas que la veuve et sa fille, malgré leur méchanceté, ne donnassent les premiers secours à Fleur-de-Marie.
Lorsque la ma?tresse de Martial fut arrivée au point culminant de l'?le, d'où elle pouvait découvrir les deux rives de la Seine, Nicolas, sa mère et Calebasse s'étaient éloignés.
Certains de l'accomplissement de leur double meurtre, ils se rendirent en toute hate chez Bras-Rouge.
à ce moment aussi un homme qui, embusqué dans un des enfoncements du rivage cachés par le four à platre, avait invisiblement assisté à cette horrible scène, disparaissait, croyant, ainsi que les meurtriers, le crime exécuté.
Cet homme était Jacques Ferrand.
Un des bateaux de Nicolas se balan?ait amarré à un pieu du rivage, à l'endroit où s'étaient embarquées la Goualeuse et Mme Séraphin.
à peine Jacques Ferrand quittait-il le four à platre pour regagner Paris, que M. de Saint-Remy et le docteur Griffon passaient en hate le pont d'Asnières, accourant vers l'?le, comptant s'y rendre à l'aide du bateau de Nicolas qu'ils avaient aper?u de loin.
à sa grande surprise, en arrivant auprès de la maison des ravageurs, la Louve trouva la porte fermée.
Déposant sous la tonnelle Fleur-de-Marie toujours évanouie, elle s'approcha de la maison. Elle connaissait la croisée de la chambre de Martial; quelle fut sa surprise de voir les volets de cette fenêtre couverts de plaques de t?le et assujettis au-dehors par deux barres de fer!
Devinant une partie de la vérité, la Louve poussa un cri rauque, retentissant, et se mit à appeler de toutes ses forces:
--Martial! Mon homme!...
Rien ne lui répondit.
épouvantée de ce silence, la Louve se mit à tourner, à tourner autour du logis comme une bête sauvage qui flaire et cherche en rugissant l'entrée de la tanière où est enfermé son male.
De temps en temps elle criait:
--Mon homme, es-tu là? Mon homme!!!
Et, dans sa rage, elle ébranlait les barreaux de la fenêtre de la cuisine, elle frappait la muraille, elle heurtait à la porte.
Tout à coup un bruit sourd lui répondit de l'intérieur de la maison.
La Louve tressaillit, écouta.
Le bruit cessa.
--Mon homme m'a entendue, il faut que j'entre, quand je devrais ronger la porte avec mes dents.
Et elle se mit de nouveau à pousser son cri sauvage.
Plusieurs coups frappés, mais faiblement, à l'intérieur
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