rente pour être en mesure de fournir aux dépenses, car je veux que les travaux commencent le plus t?t possible.
--Et c'est très-raisonnable; autant jouir tout de suite... Je me disais toujours: ?Il ne manque rien à monsieur le marquis, si ce n'est un go?t quelconque...? Celui des batiments a cela de bon que les batiments restent... Quant à l'argent, que monsieur le marquis ne s'en inquiète pas. Dieu merci! il peut, s'il lui pla?t, se passer cette fantaisie de galerie-là.
Joseph entra.
--Voici, monsieur le marquis, l'adresse du joaillier; il se nomme M. Baudoin, dit-il à M. d'Harville.
--Mon cher monsieur Doublet, vous allez aller, je vous prie, chez ce bijoutier, et lui direz d'apporter ici, dans une heure, une rivière de diamants, à laquelle je mettrai environ deux mille louis. Les femmes n'ont jamais trop de pierreries, maintenant qu'on en garnit les robes... Vous vous arrangerez avec le joaillier pour le payement.
--Oui, monsieur le marquis. C'est pour le coup que je ne gémirai pas. Des diamants, c'est comme des batiments, ?a reste; et puis cette surprise fera sans doute bien plaisir à Mme la marquise, sans compter le plaisir que cela vous procure à vous-même. C'est qu'aussi, comme j'avais l'honneur de le dire l'autre jour, il n'y a pas au monde une existence plus belle que celle de monsieur le marquis.
--Ce cher monsieur Doublet, dit M. d'Harville en souriant, ses félicitations sont toujours d'un à-propos inconcevable...
--C'est leur seul mérite, monsieur le marquis, et elles l'ont peut-être, ce mérite, parce qu'elles partent du fond du coeur. Je cours chez le joaillier, dit M. Doublet. Et il sortit.
Dès qu'il fut seul, M. d'Harville se promena dans son cabinet, les bras croisés sur la poitrine, l'oeil fixe, méditatif.
Sa physionomie changea tout à coup; elle n'exprima plus ce contentement dont l'intendant et le vieux serviteur du marquis venaient d'être dupes, mais une résolution calme, morne, froide.
Après avoir marché quelque temps, il s'assit lourdement et comme accablé sous le poids de ses peines; il posa ses deux coudes sur son bureau et cacha son front dans ses mains.
Au bout d'un instant, il se redressa brusquement, essuya une larme qui vint mouiller sa paupière rougie et dit avec effort:
--Allons... courage... allons.
Il écrivit alors à diverses personnes sur des objets assez insignifiants; mais, dans ces lettres, il donnait ou ajournait différents rendez-vous à plusieurs jours de là.
Le marquis terminait cette correspondance lorsque Joseph rentra; ce dernier était si gai qu'il s'oubliait jusqu'à chantonner à son tour.
--Monsieur Joseph, vous avez une bien jolie voix, lui dit son ma?tre en souriant.
--Ma foi, tant pis, monsieur le marquis, je n'y tiens pas; ?a chante si fort au dedans de moi qu'il faut bien que ?a s'entende au dehors...
--Tu feras mettre ces lettres à la poste.
--Oui, monsieur le marquis; mais où recevrez-vous ces messieurs tout à l'heure?
--Ici, dans mon cabinet, ils fumeront après déjeuner, et l'odeur du tabac n'arrivera pas chez Mme d'Harville.
à ce moment on entendit le bruit d'une voiture dans la cour de l'h?tel.
--C'est Mme la marquise qui va sortir, elle a demandé ce matin ses chevaux de très-bonne heure, dit Joseph.
--Cours alors la prier de vouloir bien passer ici avant de sortir.
--Oui, monsieur le marquis.
à peine le domestique fut-il parti que M. d'Harville s'approcha d'une glace et s'examina attentivement.
--Bien, bien, dit-il d'une voix sourde, c'est cela... les joues colorées, le regard brillant... Joie ou fièvre... peu importe... pourvu qu'on s'y trompe. Voyons, maintenant, le sourire aux lèvres. Il y a tant de sortes de sourires! Mais qui pourrait distinguer le faux du vrai? Qui pourrait pénétrer sous ce masque menteur, dire: ?Ce rire cache un sombre désespoir, cette gaieté bruyante cache une pensée de mort?? Qui pourrait deviner cela? Personne... heureusement... personne... Personne? Oh! si... l'amour ne s'y méprendrait pas, lui; son instinct l'éclairerait. Mais j'entends ma femme... ma femme! Allons... à ton r?le, histrion sinistre.
Clémence entra dans le cabinet de M. d'Harville.
--Bonjour, Albert, mon bon frère, lui dit-elle d'un ton plein de douceur et d'affection en lui tendant la main. Puis, remarquant l'expression souriante de la physionomie de son mari: Qu'avez-vous donc, mon ami? Vous avez l'air radieux.
--C'est qu'au moment où vous êtes entrée, ma chère petite soeur, je pensais à vous... De plus, j'étais sous l'impression d'une excellente résolution...
--Cela ne m'étonne pas...
--Ce qui s'est passé hier, votre admirable générosité, la noble conduite du prince, tout cela m'a donné beaucoup à réfléchir, et je me suis converti à vos idées; mais converti tout à fait, en regrettant mes velléités de révolte d'hier... que vous excuserez, au moins par coquetterie, n'est-ce pas? ajouta-t-il en souriant. Et vous ne m'auriez pas pardonné, j'en suis s?r, de renoncer trop facilement à votre amour.
--Quel langage! quel heureux changement! s'écria Mme d'Harville. Ah! j'étais bien s?re qu'en m'adressant à votre coeur, à votre raison, vous me comprendriez. Maintenant, je ne doute plus de l'avenir.
--Ni
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