Les misères de Londres

Pierre Alexis de Ponson du Terrail
Les misères de Londres
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Pierre Alexis de Ponson du
Terrail

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Title: Les misères de Londres 1. La nourrisseuse d'enfants
Author: Pierre Alexis de Ponson du Terrail
Release Date: February 22, 2005 [EBook #15146]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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MISÈRES DE LONDRES ***

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LES MISÈRES
DE LONDRES
I
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS

LES MISÈRES
DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
* * * * *

I
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
* * * * *
PARIS
E. DENTU, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES
PALAIS-ROYAL, 17 ET 19, GALERIE D'ORLÉANS
* * * * *
1868

LES MISÈRES
DE LONDRES
* * * * *
PROLOGUE
LA NOURISSEUSE D'ENFANTS

I
Le panache noir du Penny-Boat s'allongeait dans le brouillard rougeâtre
qui pesait sur la Tamise et qu'un pâle rayon de soleil couchant brisait.
Le Penny-Boat est un petit bateau à vapeur dont le prix de
passage,--son nom l'indique,--est d'un penny, deux sous en monnaie
française.
Cinquante navires de ce genre sillonnent en tous sens et à toute heure
ce fleuve immense qu'on appelle la Tamise, et dans les flots ternes
duquel Londres, la ville colossale, plonge ses pieds boueux.
Comme toujours, le Penny-Boat regorgeait de passagers, les gentlemen
et les ladys à l'arrière, les roughs, c'est-à-dire le peuple, à l'avant.
Sur cette partie du navire, hommes et femmes considéraient, les uns
avec curiosité, d'autres avec compassion, quelques-uns avec convoitise,
une femme de vingt-quatre à vingt-cinq ans qui tenait un enfant d'une
dizaine d'années par la main. Pauvre était leur accoutrement, plus
pauvre encore leur bagage.
La femme portait un vieux chapeau, un vieux châle à carreaux, des bas
bleus de grosse laine, et des souliers encore couverts de la poussière
d'une longue route.
L'enfant avait le bas des jambes nu, point de chapeau sur sa tête

couverte d'une belle chevelure châtain en broussaille; et sa mère lui
avait enroulé autour de sa veste fripée un lambeau de plaid qui avait dû
être rouge et vert, mais qui n'offrait plus que des tons jaunes et gris.
Pourquoi donc ces infortunés attiraient-ils ainsi l'attention générale, sur
ce pont encombré, au milieu de cette navigation en tumulte, en dépit du
sifflet des locomotives passant et repassant la Tamise, de Cannon-street
à London-Bridge, et de London-Bridge à Charing-Cross?
Quelques gentlemen correctement vêtus s'étaient même joints, sur
l'avant, au menu peuple qui entourait ces deux créatures, et leur
étonnement, leur curiosité ne le cédaient en rien à la curiosité, à
l'étonnement et même à l'admiration contenue dont la mère et l'enfant
étaient l'objet.
C'est que la mère, en ses haillons, était plus belle que toutes les ladys
qu'on voit le matin dans Hyde-Park ou dans les jardins de Kingsington
sur un cheval de sang, c'est que jamais peintre énamouré de l'idéal
n'avait rêvé une figure de chérubin plus jolie que celle de l'enfant.
La mère était blanche, avec des lèvres rouges, l'oeil d'un bleu sombre et
les cheveux d'ébène.
L'enfant avait un signe bizarre.
Au milieu de ses cheveux châtains et presque noirs, une touffe de
cheveux rouges, mince et fine, lui descendait vers le milieu du front.
Tous deux, la mère et l'enfant, regardaient avec une stupeur inquiète
cette ville immense se dressant aux deux rives du fleuve, avec ses
églises sans nombre, ses gares gigantesques, ses ponts cyclopéens et ses
maisons noires et enfumées.
D'où venaient-ils? Nul ne le savait.
Ils s'étaient embarqués à Greenwich, où ils étaient arrivés à pied.
La mère avait, en soupirant, tiré de sa bourse, où se heurtaient deux ou

trois schillings avec un peu de monnaie de cuivre, les quatre pence
nécessaires à l'achat du ticket ou billet d'embarquement.
Puis elle s'était assise sur le pont, prenant son fils dans ses bras.
Longtemps, elle n'avait adressé la parole à personne.
Mais enfin, comme le Penny-Boat touchait à la station des docks de
l'Inde, elle avait demandé si c'était Londres qu'elle voyait devant elle.
--Oui et non, lui avait répondu un gros homme aux cheveux rouges, un
Écossais marchand de poisson, qui remontait jusqu'à London-Bridge.
Cela dépend, ma petite mère. Londres est partout, et il ne finit jamais.
Où allez-vous?
La jeune femme hésita un moment.
--Je vais, dit-elle enfin, dans un quartier où se trouve une église qu'on
appelle Saint-Gilles, et dans une rue qu'on appelle Lawrence-street.
--Bon, dit l'Écossais,
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