on trouve un enfoncement de terrain, une vallée en miniature, une ride du sol: c'est une carrière mal soutenue en dessous, dont le plafond de gypse a craqué. Il s'est établi une fissure par laquelle l'eau pénètre dans la caverne; l'eau a entra?né la terre; de là le mouvement du terrain: cela s'appelle un fondis.
Si l'on ne sait point cela, si on ignore que cette belle couche de terre verte qui vous appelle ne repose sur rien, on peut, en posant le pied au-dessus d'une de ces ger?ures, dispara?tre, comme on dispara?t au Montanvert entre deux murs de glace.
La population qui habite ces galeries souterraines a comme son existence, son caractère et sa physionomie à part.--Vivant dans l'obscurité, elle a un peu les instincts des animaux de la nuit, c'est-à-dire qu'elle est silencieuse et féroce. Souvent on entend parler d'un accident,--un étai a manqué, une corde s'est rompue, un homme a été écrasé.--A la surface de la terre on croit que c'est un malheur; trente pieds au-dessous on sait que c'est un crime.
L'aspect des carriers est en général sinistre.--Le jour, leur oeil clignote,--à l'air, leur voix est sourde.--Ils portent des cheveux plats, rabattus jusqu'aux sourcils; une barbe qui ne fait que tous les dimanches matin connaissance avec le rasoir;--un gilet qui laisse voir des manches de grosse toile grise,--un tablier de cuir blanchi par le contact de la pierre,--un pantalon de toile bleue.--Sur une de leurs épaules est une veste pliée en deux, et sur cette veste pose le manche de la pioche ou de la besaigu? qui, six jours de la semaine, creuse la pierre.
Quand il y a quelque émeute, il est rare que les hommes que nous venons d'essayer de peindre ne s'en mêlent pas.--Quand on dit à la barrière d'Enfer:--Voilà les carriers de Montrouge qui descendent, les habitants des rues avoisinantes secouent la tête et ferment leurs portes.
[Illustration: Les yeux hors de leur orbite, les vêtements en désordre et les mains ensanglantées, cet homme passa près de moi sans me voir.]
Voilà ce que je regardai, ce que je vis pendant cette heure de crépuscule qui, au mois de septembre, sépare le jour de la nuit;--puis, la nuit venue, je me rejetai dans la voiture, d'où certainement aucun de mes compagnons n'avait vu ce que je venais de voir. Il en est ainsi en toutes choses: beaucoup regardent, bien peu voient.
Nous arrivames vers les huit heures et demie à Fontenay; un excellent souper nous attendait, puis après le souper une promenade au jardin.
Sorrente est une forêt d'orangers; Fontenay est un bouquet de roses. Chaque maison a son rosier qui monte le long de la muraille, protégé au pied par un étui de planches; arrivé à une certaine hauteur, le rosier s'épanouit en gigantesque éventail; l'air qui passe est embaumé, et, lorsqu'au lieu d'air il fait du vent, il pleut des feuilles de roses comme il en pleuvait à la Fête-Dieu quand Dieu avait une fête.
De l'extrémité du jardin, nous eussions eu une vue immense s'il e?t fait jour.--Les lumières seules semées dans l'espace indiquaient les villages de Sceaux, de Bagneux, de Chatillon et de Montrouge; au fond s'étendait une grande ligne roussatre d'où sortait un bruit sourd semblable au souffle de Léviathan:--c'était la respiration de Paris.
On fut obligé de nous envoyer coucher de force, comme on fait aux enfants. Sous ce beau ciel tout brodé d'étoiles, au contact de cette brise parfumée, nous eussions volontiers attendu le jour.
A cinq heures du matin, nous nous m?mes en chasse, guidés par le fils de notre h?te, qui nous avait promis monts et merveilles, et qui, il faut le dire, continua à nous vanter la fécondité giboyeuse de son territoire avec une persistance digne d'un meilleur sort.
A midi, nous avions vu un lapin et quatre perdrix.--Le lapin avait été manqué par mon compagnon de droite, une perdrix avait été manquée par mon compagnon de gauche, et, sur les trois autres perdrix, deux avaient été tuées par moi.
A midi, à Brassoire, j'eusse déjà envoyé à la ferme trois ou quatre lièvres et quinze ou vingt perdrix.
J'aime la chasse, mais je déteste la promenade, surtout la promenade à travers champs. Aussi, sous prétexte d'aller explorer un champ de luzerne situé à mon extrême gauche, et dans lequel j'étais bien s?r de ne rien trouver, je rompis la ligne et fis un écart.
Mais ce qu'il y avait dans ce champ, ce que j'y avais avisé dans le désir de retraite qui s'était déjà emparé de moi depuis plus de deux heures, c'était un chemin creux qui, me dérobant aux regards des autres chasseurs, devait me ramener par la route de Sceaux droit à Fontenay-aux-Roses.
Je ne me trompais pas.--A une heure sonnant au clocher de la paroisse, j'atteignais les premières maisons du village.
Je suivais un mur qui me paraissait clore une assez belle propriété, lorsque,
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