Les lois sociologiques | Page 3

Guillaume de Greef
comme les premières en possession de leurs méthodes et de leurs lois; leurs applications concrètes elles-mêmes ont précédé dans leurs progrès toutes les autres.
On peut envisager l'astronomie, à l'exemple d'A. Comte, comme science abstraite, c'est-à-dire en tant qu'ayant pour objet les lois générales des corps célestes, indépendamment de leurs structures et de leurs évolutions particulières. Si l'arithmétique, la géométrie, la mécanique se suffisent à elles-mêmes, il n'en est plus ainsi de l'astronomie, même abstraite; celle-ci n'a plus la même indépendance; elle a toujours besoin de l'appui de ses soeurs a?nées: le nombre, l'étendue, le mouvement sont inséparables de l'étude des corps célestes; la théorie de leur formation et de leur évolution, la loi de la gravitation universelle sont des applications plus complexes à des cas spéciaux des propriétés dont s'occupent les sciences antécédentes; il y a une astronomie mathématique et une mécanique céleste, qui sont quelque chose de plus que la mathématique et la mécanique; elles sont en un mot moins simples, moins générales, moins abstraites. L'ordre logique postpose donc avec raison l'astronomie aux trois grandes divisions des mathématiques. Or, on ne peut étudier et enseigner ce qui est complexe qu'à la suite et au moyen de ce qui est plus simple, de la même manière que, dans un raisonnement logique, on ne peut déduire des lois générales ou des conclusions complexes que d'inductions particulières et de propositions plus simples. La constitution de l'astronomie en science positive abstraite, s'est conformée historiquement à cette loi logique; elle fut consécutive à la constitution des sciences mathématiques abstraites.
Toutes ces sciences, ainsi que les sciences suivantes, dont nous allons nous occuper, sont, remarquons-le bien, considérées toujours ici en tant que sciences abstraites; elles le sont sous un double rapport: d'abord en tant qu'elles peuvent être étudiées et enseignées, abstraction faite des corps particuliers et concrets de la nature, ensuite en tant qu'elles peuvent et doivent l'être, abstraction faite des sciences postérieures plus complexes.
Il ne faut pas non plus confondre le degré d'abstraction d'une science avec son degré de généralité, bien qu'en fait ces deux notions se confondent bien souvent. Les sciences les plus simples et les plus générales sont également les plus abstraites ou susceptibles de la plus grande abstraction; mais les sciences les plus générales ne sont pas nécessairement et seulement abstraites, elles peuvent être également concrètes, c'est-à-dire s'appliquer à l'étude de formes, corps inorganiques, organiques ou sociaux, déterminées. C'est ainsi qu'il y a une astronomie abstraite et une astronomie concrète, une sociologie abstraite et une sociologie concrète. Il y a, en effet, une astronomie et une sociologie qui ont pour objet la science des lois de tous les corps célestes et de toutes les sociétés, abstraction faite de la structure et du fonctionnement transitoire de ces corps et de ces sociétés dans le temps et dans l'espace; ceux-ci sont du domaine de la sociologie et de l'astronomie concrètes; dans les deux cas, le degré de généralité des phénomènes relatifs à ces sciences reste le même; la différence est dans leur aspect concret ou abstrait.
Parmi les sciences abstraites consacrées à l'étude des corps bruts, la physique est évidemment moins simple et moins générale, plus complexe et plus spéciale que les sciences antécédentes. Elle étudie les rapports des corps les uns avec les autres, indépendamment de la composition de ces corps et de leurs combinaisons, abstraction faite par conséquent de leurs propriétés chimiques et organiques Au contraire, si l'on peut étudier les mathématiques, la mécanique et l'astronomie, abstraction faite des phénomènes relatifs à la barologie, à la thermologie, à l'acoustique, à l'optique, à l'électricité, etc., on ne peut étudier ceux-ci sans celles-là. La théorie des mouvements des corps célestes, la loi de la gravitation universelle sont tirées des rapports entre la masse et la distance des corps, c'est-à-dire de rapports de nombre et d'étendue d'après lesquels on calcule la vitesse de leur mouvement ou l'intensité de leur gravitation; ainsi, géométrie, calcul, mécanique sont les facteurs logiques et naturels de l'astronomie. De même les lois astronomiques et les lois des sciences encore plus simples interviennent constamment dans l'étude des phénomènes physiques; il en est ainsi, par exemple, de la pesanteur qui se relie directement à la gravitation universelle. C'est aussi un fait historique incontestable que la physique s'est constituée comme science positive postérieurement aux mathématiques, à la mécanique et à l'astronomie: les sciences mathématiques et mécaniques avaient dès la plus haute antiquité, en Orient, en Egypte et en Grèce, réalisé des progrès considérables même comme sciences abstraites, notamment dans ce dernier pays. Au contraire, la science astronomique, surtout abstraite, malgré des observations empiriques, des inductions, des généralisations et surtout des hypothèses importantes très anciennes, ne s'est élevée à la dignité de science abstraite que très tard, vers la fin du XVe au XVIe et au commencement du XVIIe siècle. Il suffit de citer Copernic, Galilée,
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