Les joyeuses Bourgeoises de Windsor | Page 9

William Shakespeare
fais le pain, je récure, je prépare le manger et le boire, enfin je fais tout moi-même.
SIMPLE.--C'est une forte charge que d'avoir comme cela quelqu'un sur les bras.
QUICKLY.--Qu'en pensez-vous? Ah! je crois bien, vraiment, que c'est une charge! Et se lever matin, et se coucher tard!--Néanmoins je vous le dirai à l'oreille; mais ne soufflez pas un mot de ceci, mon ma?tre est lui-même amoureux de mistriss Anne; mais, nonobstant cela, je connais le coeur d'Anne. Il n'est ni chez vous ni chez nous.
CAIUS, à Simple.--Vous, faquin, remettez ce billet à sir Hugh: palsambleu! c'est un cartel; je lui couperai la gorge dans le parc, et j'apprendrai à ce faquin de prêtre de se mêler des choses. Vous ferez bien de vous en aller: il n'est pas bon que vous restiez. Palsambleu! je lui couperai toutes ses deux oreilles[18]. Palsambleu! je ne lui laisserai pas un os qu'il puisse jeter à son chien.
[Note 18: All his two stones.]
(Simple sort.)
QUICKLY.--Hélas! il ne parle que pour son ami.
CAIUS.--Peu m'importe pour qui.--Ne m'avez-vous pas promis que j'aurais Anne Page pour moi? Palsambleu! je tuerai ce Jean de prêtre, et j'ai choisi notre h?te de la Jarretière pour mesurer nos épées. Palsambleu! je veux avoir Anne Page pour moi.
QUICKLY.--Monsieur, la jeune fille vous aime, et tout ira bien. Il faut laisser jaser le monde. Eh! vraiment...
CAIUS.--Rugby, venez à la cour avec moi. Palsambleu, si je n'ai pas Anne Page, je vous mettrai à la porte.--Marchez sur mes talons, Rugby.
(Caius sort avec Rugby.)
QUICKLY.--Ce que vous aurez, c'est la tête d'un fou. Non; je connais la pensée d'Anne sur ceci. Il n'y a pas une femme à Windsor gui connaisse mieux la pensée d'Anne que moi, et qui ait plus d'empire sur son esprit que moi. Dieu merci.
FENTON, derrière le théatre.--Y a-t-il quelqu'un ici? Holà?
QUICKLY.--Qui peut venir ici, je me demande? Approchez de la maison, je vous prie.
(Entre Fenton.)
FENTON.--Eh bien! ma bonne femme, qu'y a-t-il? Comment te portes-tu?
QUICKLY.--Très-bien quand Votre Seigneurie a la bonté de me le demander.
FENTON.--Quelles nouvelles? Comment se porte la jolie mistriss Anne?
QUICKLY.--Oui, par ma foi, monsieur, elle est jolie, et honnête, et douce, et de vos amies; je puis bien vous le dire, Dieu merci!
FENTON.--Penses-tu que je puisse réussir? Ne perdrai-je pas mes peines?
QUICKLY.--Véritablement, monsieur, tout est dans les mains d'en-haut: mais pourtant, monsieur Fenton, je jurerais sur l'évangile qu'elle vous aime. Votre Seigneurie n'a-t-elle pas une petite verrue au-dessus de l'oeil?
FENTON.--Oui, vraiment, j'en ai une; mais que s'ensuit-il?
QUICKLY.--Ah! c'est un bon conte, monsieur Fenton... Anne est une si dr?le de fille!--Mais, je le proteste, la plus honnête fille qui jamais ait mangé pain. Nous avons jasé hier une heure entière sur cette verrue.--Je ne rirai jamais que dans la société de cette jeune fille. Mais, à vous dire vrai, elle est trop portée à la mélancolie, à la rêverie; rien que pour vous au moins, suffit, poursuivez.
FENTON.--Fort bien.--Je la verrai aujourd'hui. Tiens, voilà de l'argent pour toi. Parle pour moi; et si tu la vois avant moi, fais-lui mes compliments.
QUICKLY.--Si je le ferai? Oui, par ma foi, nous lui parlerons; et au premier moment où nous reprendrons notre confidence, j'en dirai davantage à Votre Seigneurie sur la verrue, et aussi sur les autres amoureux.
FENTON.--Bon, adieu; je suis pressé en ce moment.
QUICKLY.--Ma révérence à Votre Seigneurie. (Fenton sort.) C'est sans mentir, un honnête gentilhomme; mais Anne ne l'aime point. Je sais les sentiments d'Anne mieux que personne.--Allons, rentrons.--Qu'est-ce que j'ai oublié?
(Elle sort.)
FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE DEUXIèME
SCèNE I
Devant la maison de Page.
Entre mistriss PAGE tenant une lettre.
MISTRISS PAGE.--Quoi! dans les jours brillants de ma beauté, j'aurais échappé aux lettres d'amour, et aujourd'hui je m'y trouverais exposée. Voyons. (Elle lit.) ?Ne me demandez point raison de l'amour que je sens pour vous; car, quoique l'amour puisse appeler la raison pour son directeur, il ne la prend jamais pour son conseil. Vous n'êtes pas jeune, je ne le suis pas non plus. Voilà que la sympathie commence. Vous êtes gaie, je le suis aussi. Ha! ha! nouveau degré de sympathie entre nous. Vous aimez le vin d'Espagne, j'en fais autant. Pourriez-vous souhaiter plus de sympathie? Qu'il te suffise, mistriss Page, du moins si l'amour d'un soldat peut te suffire, que je t'aime. Je ne dirai point: Aie pitié de moi, ce n'est pas le style d'un soldat; mais je dis: Aime-moi.--Signé,
?Ton dévoué chevalier Tout prêt pour toi à guerroyer De tout son pouvoir; Le jour, la nuit, Ou à quelque lumière que ce soit,
?John Falstaff.?
Quel vilain juif, Hérode! O monde, monde pervers! Un homme presque tout brisé de vieillesse, vouloir se donner encore pour un jeune galant! Quel diantre d'imprudence cet ivrogne de Flamand a-t-il donc pu saisir dans ma conduite, pour oser ainsi s'attaquer à moi? Quoi! il ne s'est pas trouvé trois fois en ma compagnie. Qu'ai-je donc pu lui dire?--J'eus soin de
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