Les joyeuses Bourgeoises de Windsor | Page 7

William Shakespeare
un gar?on de cave tout frais. Va; adieu.
BARDOLPH.--C'est la vie que j'ai toujours désirée. Je ferai fortune.
PISTOL.--O vil individu de Bohémien, tu vas donc tourner le robinet?
NYM.--Son père était ivre quand il l'a fait. La chose n'est-elle pas bien imaginée?--Il n'a point l'humeur héro?que. Voilà la chose.
FALSTAFF.--Je me réjouis d'être ainsi défait de ce briquet: ses larcins étaient trop clairs: il volait comme on chante quand on ne sait pas la musique, sans garder aucune mesure.
NYM.--La chose est de savoir profiter, pour voler, du plus petit repos.
PISTOL.--Les gens sensés disent, subtiliser. Fi donc, voler! la peste soit du mot.
FALSTAFF.--C'est bien, mes enfants; mais je suis tout à fait percé par les talons.
PISTOL.--En ce cas, gare les engelures.
FALSTAFF.--Il n'y a pas de remède. Il faut que j'accroche de c?té ou d'autre, que je ruse.
PISTOL.--Les petits des corbeaux doivent avoir leur pature.
FALSTAFF.--Qui de vous conna?t Ford, de cette ville?
PISTOL.--Je connais l'individu; il est bien calé.
FALSTAFF.--Mes bons gar?ons, il faut que je vous apprenne où j'en suis.
PISTOL.--A deux aunes de tour et plus.
FALSTAFF.--Trêve de plaisanterie pour le moment, Pistol. Je suis gros, si vous voulez, de deux aunes de tour; mais je n'ai pas gros[15] à dépenser: je m'occupe de faire ressource. En deux mots, j'ai le projet de faire l'amour à la femme de Ford. J'entrevois des dispositions de sa part: elle discourt, elle découpe à table, elle décoche des oeillades engageantes. Je puis traduire le sens de son style familier: et toute l'expression de sa conduite, rendue en bon anglais, est, je suis à sir John Falstaff.
[Note 15: Indeed I am in the waist two yards about; but I am now about no waste. On voit dans la seconde partie de Henri IV le même jeu de mots entre waist (taille) et waste (dépense).]
PISTOL.--Il l'a bien étudiée; il traduit le langage de sa pudeur en bon anglais.
NYM.--L'ancre est jetée bien avant. Me passerez-vous la chose?
FALSTAFF.--Le bruit du pays, c'est qu'elle tient les cordons de la bourse de son mari: elle a une légion de séraphins.
PISTOL.--Et autant de diables à ses trousses. Allons, je dis: gar?on, cours sus.
NYM.--La chose devient engageante. Cela est très-bon: faites-moi la chose des séraphins.
FALSTAFF.--Voici une lettre que je lui ai bel et bien écrite; et puis, une autre pour la femme de Page, qui vient aussi tout à l'heure de me faire les yeux doux, et de me parcourir de l'air d'une femme qui s'y entend. Les rayons de ses yeux venaient reluire, tant?t sur ma jambe, et tant?t sur mon ventre majestueux.
PISTOL.--Comme le soleil brille sur le fumier.
NYM.--La chose est bonne.
FALSTAFF.--Oh! elle a fait la revue de mes dons extérieurs avec une telle expression d'avidité, que l'ardeur de ses regards me grillait comme un miroir br?lant. Voici de même une lettre pour elle. Elle tient aussi la bourse: c'est une vraie Guyane, toute or et libéralité. Je veux être à toutes deux leur receveur; et elles seront toutes deux mes payeuses[16]: elles seront mes Indes orientales et occidentales, et j'entretiendrai commerce dans les deux pays. Toi, va, remets cette lettre à madame Page; et toi, celle-ci à madame Ford. Nous prospérerons, enfants, nous prospérerons.
[Note 16: I will be cheater to them both, and they shall be exchequers to me. Jeu de mots entre cheater (trompeur) et escheator (officier de l'Echiquier).]
PISTOL.--Deviendrai-je un Mercure, un Pandarus de Troie, moi qui porte une épée à mon c?té? Quand cela sera, que Lucifer emporte tout!
NYM.--Je ne veux point de la bassesse de la chose, reprenez votre chose de lettre. Je veux tenir une conduite de réputation.
FALSTAFF, à Robin.--Tenez, mon gar?on, portez promptement ces lettres; cinglez, comme ma chaloupe, vers ces rivage dorés. (Aux deux autres.) Vous, coquins, hors d'ici; courez, disparaissez comme des flocons de neige. Allez, travaillez hors d'ici, tournez-moi vos talons. Cherchez un g?te, et faites-moi vos paquets. Falstaff veut prendre l'humeur du siècle, faire fortune comme un Fran?ais: coquins que vous êtes! moi; moi seul avec mon page galonné.
(Sortent Falstaff et Robin.)
PISTOL.--Puissent les vautours te serrer les boyaux! Avec une bouteille et des dés pipés, j'attraperai de tous c?tés le riche et le pauvre. Je veux avoir des testons en poche, tandis que toi, tu manqueras de tout, vil Turc phrygien.
NYM.--J'ai dans ma tête des opérations qui feront la chose d'une vengeance.
PISTOL.--Veux-tu te venger?
NYM.--Oui, par le firmament et son étoile!
PISTOL.--Avec la langue ou le fer?
NYM.--Moi! avec les deux choses.--Je veux découvrir à Page la chose de cet amour-là.
PISTOL.--Et moi pareillement, je prétends aussi raconter à Ford comment Falstaff, ce vil garnement, veut tater de sa colombe, saisir son or, et souiller sa couche chérie.
NYM.--Je ne laisserai point refroidir ma chose: J'exciterai la colère de Page à employer le poison. Je lui donnerai la jaunisse; ce changement de couleur a des effets dangereux. Voilà la vraie chose.
PISTOL.--Tu es le Mars des mécontents: je te seconde; marche en avant.
(Ils
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