que le p��pini��riste--ne vous ai-je pas dit que c'��tait un philosophe?--eut consenti �� la reprendre, cette rentr��e au logis conjugal eut tous les c?t��s myst��rieux, dramatiques d'une fuite. Positivement elle se fit enlever par son mari. Ce fut sa derni��re jouissance de coupable. Un soir que le po?te, las de la vie �� deux et tout fier de ses moustaches repouss��es, ��tait all�� dans le monde r��citer son Credo de l'amour, elle sauta dans un fiacre o�� son vieux mari l'attendait au bout de la rue, et c'est ainsi qu'elle revint au petit jardin d'Auteuil, �� jamais gu��rie de son ambition d'��tre la femme d'un po?te... Il est vrai que ce po?te-l�� l'��tait si peu!
* * * * *
III
LA TRANST��V��RINE
La pi��ce venait de finir. Pendant que la foule, diversement impressionn��e, se pr��cipitait au dehors, ondoyant aux lumi��res sur le grand perron du th��atre, quelques amis, dont j'��tais, attendaient le po?te �� la porte des artistes pour le f��liciter. Son oeuvre n'avait pourtant pas eu un immense succ��s. Trop forte pour l'imagination timide et banale du public de maintenant, elle d��passait le cadre de la sc��ne, cette limite des conventions et des libert��s permises. La critique p��dante avait dit: ?Ce n'est pas du th��atre!...? et les ricaneurs du boulevard se vengeaient de l'��motion que venaient de leur donner ces vers magnifiques en r��p��tant: ??a ne fera pas le sou!...? Nous, nous ��tions fiers de notre ami qui avait os�� faire sonner, tourbillonner ses belles rimes d'or, tout l'essaim de sa ruche autour du soleil factice et meurtrier du lustre, et pr��senter des personnages grands comme nature, sans s'inqui��ter de l'optique du th��atre moderne, des lorgnettes troubles ni des mauvais yeux.
Parmi les machinistes, les pompiers, les figurants en cache-nez, le po?te s'approcha de nous, sa grande taille courb��e en deux, son collet relev�� frileusement sur sa barbe gr��le et ses longs cheveux d��j�� grisonnants. Il avait l'air triste. Les applaudissements de la claque et des lettr��s, restreints �� un coin de la salle, lui pr��disaient un nombre tr��s-court de repr��sentations, les spectateurs choisis et rares, l'affiche vite enlev��e sans laisser �� son nom le temps de s'imposer. Quand on a travaill�� pendant vingt ans, qu'on est en pleine maturit�� de talent et d'age, cette r��sistance de la foule �� vous comprendre a quelque chose de lassant, de d��sesp��rant. On en vient �� se dire: ?Ils ont peut-��tre raison.? On a peur, on ne sait plus... Nos acclamations, nos poign��es de main enthousiastes le r��confort��rent un peu. ?Vraiment, vous croyez? C'est si bien que cela?... C'est vrai que j'ai fait tout ce que j'ai pu.? Et ses mains br?lantes de fi��vre s'accrochaient aux n?tres avec inqui��tude; ses yeux pleins de larmes cherchaient un regard sinc��re et rassurant. C'��tait l'angoisse suppliante du malade demandant au m��decin: ?N'est-ce pas que je ne vais pas mourir?? Non! po?te, tu ne mourras pas. Les op��rettes et les f��eries qui ont des centaines de repr��sentations, des milliers de spectateurs, seront oubli��es depuis longtemps, envol��es avec leur derni��re affiche, que ton oeuvre restera toujours jeune et vivante...
Pendant que sur le trottoir d��sert nous ��tions l�� �� l'exhorter, �� le remonter, une forte voix de contralto ��clata au milieu de nous, trivialis��e par l'accent italien.
?H��! l'artiste, assez de pou��gie... Allons manger l'estoufato!...?
En m��me temps une grosse dame entour��e d'une capeline et d'un tartan �� carreaux rouges vint passer son bras sous celui de notre ami d'un mouvement si brutal, si despotique, que sa physionomie, son attitude en furent tout de suite g��n��es.
?Ma femme?, nous dit-il; puis, se tournant vers elle avec un sourire h��sitant:
?Si nous les emmenions pour leur montrer comment tu fais l'estoufato??
Prise par son amour-propre de cordon bleus l'Italienne consentit assez gracieusement �� nous recevoir, et nous voil�� partis cinq ou six avec eux pour aller manger du boeuf �� l'��touff��e sur les hauteurs de Montmartre o�� ils habitaient.
J'avoue que j'avais un certain d��sir de conna?tre cet int��rieur d'artiste. Notre ami depuis son mariage vivait tr��s-retir��, presque toujours �� la campagne; mais ce que je savais de sa vie tentait ma curiosit��. Il y avait quinze ans de cela, dans toute la ferveur d'une imagination romantique, il avait rencontr�� aux environs de Rome une superbe fille dont il ��tait devenu tr��s-amoureux. Maria Assunta habitait avec son p��re et toute une nich��e de fr��res et de soeurs une de ces petites maisons du Transt��v��re qui ont les pieds dans le Tibre et un vieux bateau de p��che au ras de leurs murs. Un jour il aper?ut cette belle Italienne, les pieds nus dans le sable, avec sa jupe rouge aux plis collants, ses manches de toile bise relev��es jusqu'aux ��paules, retirant des anguilles d'un grand filet ruisselant. Les ��cailles luisantes dans les mailles pleines d'eau, le fleuve d'or, la jupe ��carlate, ces beaux yeux noirs, profonds, pensifs, dont la
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.