que c'était celle de M. Alphonse, placée à la bonne page. Pas du tout. C'était le portrait d'un prince Rio, qui aime toutes les compagnies--même les mauvaises.
La Faramineuse se servait de cette photographie en guise de coupe-papier.
Janina reconnut le prince. Elle le rencontrait dans le monde. Elle constata une fois de plus qu'il ressemblait à son mari.
Cependant, l'heure allait sonner. La jeune femme, de plus en plus pale, entendait battre son coeur. Il lui semblait qu'elle allait mourir. Elle tomba agenouillée et demanda pardon à Dieu.
Quand elle se releva, le hasard la mit en présence d'une bouteille de fine champagne. Pour se donner du courage, elle fit comme ces comédiennes qui ont peur à leur entrée en scène: elle but à pleine volée.
Je ne sais si le courage lui vint plus tard, mais la fine champagne ne l'empêcha pas de s'écrier:
--Quoi! c'est moi, moi Janina de R., qui vais me mettre dans ce lit!
Elle avait reconnu, d'ailleurs, que la Faramineuse lui avait donné luxe du beau linge. Caroline Bertin, en la quittant, avait acheté au Louvre une magnifique paire de draps brodés au plumetis avec une couronne de princesse.
Ce n'était pas une vaine dépense: cela lui servirait pour les grands jours. Mais au moins la princesse en aurait la virginité!
A peine déshabillée, Janina s'écria: ?Jamais!? Un peu plus, elle remettait sa robe.
Mais elle entendit du bruit. Il fallait franchir le Rubicon.
Elle éteignit les deux bougies du candélabre, elle les jeta dans la cheminée et se nicha dans le lit, où elle fit semblant de dormir.
La Faramineuse lui avait dit que son amant la surprenait toujours endormie.
La porte s'ouvrit.
--Lui! murmura Janina. O mon Dieu, faites-nous mourir tous les deux.
A ce moment, la femme de chambre répétait encore au nouveau venu sa le?on--bien apprise.
IV
Ici, les documents font absolument défaut à l'historien. Ce qu'il sait bien, c'est ceci:
Le lendemain, bien avant l'aurore. Janina s'envola comme un oiseau qui ne bat que d'une aile; ou plut?t, pour parler en prose, elle s'habilla en toute hate vers quatre heures du matin, l'heure où elle savait que son mari s'échappait des bras de la Faramineuse. Sa longue pelisse cachait sa tête comme son corps, mais elle ne se trouvait pas encore assez cachée pour sortir de chez une fille et pour rentrer chez une honnête femme!
Rentra-t-elle chez une honnête femme?
Fut-elle vraiment bien surprise quand sa fille de chambre lui dit, tout ébahie de la voir rentrer si tard sans être en toilette de bal:
--Madame sait-elle que Monsieur est revenu de très bonne heure avec une fièvre de cheval?
Fut-ce pour Janina le Mané, Thécel, Pharès venant la surprendre dans l'enivrement de son triomphe,--ou de sa défaite? Savait-elle, à ce moment, que le beau prince entrevu en photographie dans le vulgaire roman que lisait la Faramineuse avait pris--nouveau Jupiter--les plumes et le nid d'Amphitryon?
Je ne sais par quelle indiscrétion l'histoire courut vaguement, sans toutefois qu'on arrachat les masques. Ce qui est certain, c'est qu'une amie de la Faramineuse lui dit un jour: ?On prétend que tu as touché dix mille francs pour rapatrier une femme avec son mari.
--Ma chère amie, j'ai touché quinze mille francs: dix mille francs de la dame, et cinq mille francs du prince.
--C'était donc un prince?? La Faramineuse se mordit les lèvres.
Ste Thérèse a dit: ?Nous avons dans le coeur la source des larmes qui lavent nos péchés.? Janina qui avait tant pleuré, pleura encore.
Son mari ne retourna pas chez la Faramineuse.--Ni elle non plus.
LE
HUITIèME PéCHé CAPITAL
[Illustration: 037.png]
III
LE HUITIèME PéCHé CAPITAL
I
C'était la plus invraisemblable des extravagantes héraldiques.
Il l'aimait jusqu'au ciel: Il l'aimait jusqu'aux ab?mes. C'était l'ame de son ame, là chair de sa chair, la vie de sa vie.
Dès qu'elle n'était plus sous sa main ou sous ses yeux, tout s'arrêtait en lui, le mouvement de l'idée et le battement du coeur. Il se croyait dans un Sahara sans oasis, il ne respirait plus que du feu. Et pourquoi l'aimait-il?
Elle n'était ni belle ni jolie; pas même la beauté du diable; mais elle avait du diable--je ne sais quoi de la perversité des filles d'Eve qui donne le vertige à ceux que l'amour affole. Et puis elle avait des yeux! Ces yeux pers, profonds comme la mer, entra?nants comme la vague, éclatants comme la tempête. Et puis, elle avait des lèvres rouges, des framboises parfumées qui riaient sur ses dents aigu?s. Et puis, elle avait un sein provocant, qui donnait à sa désinvolture je ne sais quoi de batailleur et de va-de-l'avant.
Quand il voyait ce sein, il tombait agenouillé et demandait à Angèle la grace d'y cueillir des fraises, expression que j'abandonne aux lettrés de l'avenir.
Si toutes celles qui ne sont ni belles ni jolies n'étaient pas aimées, ce serait un désastre sur la terre, qui ne vit que par l'amour.
Mais de qui parlons-nous?
J'oubliais. Nous parlons de monsieur et de madame Falbert, deux jeunes
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.