Les derniers Iroquois | Page 2

Émile Chevalier
ceux-ci frappaient avec de petits batons sur des co-lu-de-sos, instruments assez semblables �� nos tambours de basque, et ceux-la attisaient le feu.
D��j��, de ses langues d��vorantes, il ronge le b?cher entier, quand une des formes humaines, ��tendues �� son sommet, se l��ve brusquement en poussant un cri de douleur.
Un moment elle reste debout, ceinte par les flammes comme par une radieuse aur��ole. Une peau de buffle, dont elle ��tait envelopp��e, tombe �� ses pieds, et, alors, on d��couvre que cette peau cachait une femme, jeune, belle, pleine de s��ductions.
Nulle couverte, nulle tunique de chasse ne d��robe ses merveilleux attraits. A l'exception de la kalaquart��, elle est dans l'��tat de nature, et l'on se sent saisi d'admiration �� l'aspect de tant de charmes r��unis sur une m��me personne.
Cependant, comme ceux qui l'environnent, le sang de la race rouge coule dans ses veines. Mais, ainsi que le captif, elle n'appartient pas �� la m��me tribu, car ses traits nobles et r��guliers ne sont pas d��form��s comme les leurs par ce morceau de bois ou d'os, log�� entre la l��vre inf��rieure et les gencives, qui leur vaut le nom de Grosses-Babines.
Sans la brune couleur de sa carnation et sans la l��g��re saillie de ses pommettes, on la prendrait ais��ment pour une des suaves cr��ations de l'Albane, tant son buste est d��licatement model��.
Elle a une chevelure abondante, dont les boucles soyeuses, aussi noires que l'��b��ne, aussi brillantes que les reflets du raisin mur, tombent en grappes press��es sur un col cisel�� au tour. Dans le cadre de cette chevelure, ressortent les lin��aments d'un visage o�� la fiert�� habituelle de l'expression le dispute �� une m��lancolie passag��re. Si les lignes de sa figure manquent jusqu'�� un certain point de sym��trie; si elles sont un peu dures, il s'��chappe de ses grands yeux bruns un rayon de sensibilit�� qui va droit au coeur.
La richesse de sa taille porte le trouble dans les sens. Elle rappelle les meilleurs mod��les de l'antiquit��. Une Europ��enne envierait ses mains menues et longues; leurs attaches sont souples, ainsi que celles de sa jambe, fine, nerveuse, qui annonce l'agilit�� jointe �� la vigueur.
Au cri de souffrance lach�� par cette superbe cr��ature, r��pondit un cri d'angoisse.
Il fut prof��r�� par l'Indien li�� �� l'arbre dont nous avons parl��.
Le malheureux fit une puissante mais vaine tentative pour briser ses entraves.
La femme et lui s'��chang��rent un profond regard, regard d'anxi��t��, de consolation, d'esp��rance et d'amour, puis, elle se jeta �� bas du b?cher.
Alors, elle op��ra un mouvement pour voler vers lui. Mais, des mains rudes, lourdes comme le m��tal, s'abattirent sur ses ��paules et la retourn��rent brusquement vers le feu.
--Que ma soeur remplisse son devoir comme il convient �� l'��pouse d'un grand chef, dit un des sauvages en faisant un signe �� ses compagnons.
Les voix de ceux-ci mont��rent sur un diapason plus aigu.
Ramen��e au brasier, qui ��panchait d��j�� une chaleur intol��rable, la jeune femme adressa encore un coup d'oeil �� son compagnon d'infortunes pour l'engager �� la r��signation, et, s'armant de courage, elle avan?a ses bras nus �� travers les flammes, afin de maintenir, dans une attitude allong��e, le corps rest�� sur les troncs de pins br?lants.
Ce corps ��tait celui d'un homme mort. L'action du feu en contractait les nerfs, qui se recoquillaient et ramassaient les membres en boule.
En gr��sillant, il d��gageait une odeur infecte, laquelle, ajout��e aux torrents de fum��e et �� l'ardeur de la combustion, faillit suffoquer l'Indienne. Elle fl��chit sur ses genoux, chancela et retira vivement ses mains.
Aussit?t le Peau-Rouge, qui se tenait derri��re elle, la frappa d'un baton garni d'��pines:
--Ma soeur est faible; mais ma soeur honorera jusqu'�� la fin son illustre ��poux, dit-il en ricanant.
La victime de cette brutalit�� exhala un soupir, qui se perdit dans le sinistre concert que les Grosses-Babines ex��cutaient autour d'elle.
Cependant, le captif exasp��r�� redoublait d'efforts pour rompre ses liens. Des hurlements rauques sortaient de sa poitrine. Ses traits alt��r��s, ses veines gonfl��es, la sueur qui ruisselait sur ses ��paules, attestaient la violence de son ��motion. Peut-��tre serait-il parvenu �� se d��livrer, mais un des assistants lui ass��na sur le crane un coup de tomahawk; un flot de sang jaillit; il fut pris d'un fr��missement g��n��ral, qui dura quelques secondes; ses muscles se d��tendirent, sa t��te pencha sur le c?t��, et il demeura immobile, comme priv�� de vie.
Pendant ce temps, la pauvre femme, ranim��e par une cruelle fustigation, avait ��t�� reconduite au b?cher, o��, malgr�� ses plaintes d��chirantes, malgr�� ses r��sistances, quatre bourreaux l'obligeaient �� poursuivre sa terrible op��ration. Et pendant ce temps aussi les Grosses-Babines continuaient leur sc��ne infernale. De leurs poitrines bondissaient non plus des chants, mais des beuglements assourdissants; de leurs tambourins frapp��s �� tour de bras, ils tiraient des notes inimaginables, qui retentissaient �� plusieurs milles �� la ronde; et au milieu de ce hourvari ils se d��menaient comme une l��gion de d��mons.
C'��tait
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