Les caractères
The Project Gutenberg EBook of Les caractères, by Jean de la Bruyère
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Title: Les caractères
Author: Jean de la Bruyère
Release Date: March 14, 2006 [EBook #17980]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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CARACTÈRES ***
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Jean de La Bruyère
LES CARACTÈRES 1688 Texte de la dernière édition revue et
corrigée par l'auteur, publiée par E. Michallet, 1696.
Table des matières
LES CARACTÈRES DE THÉOPHRASTE Discours sur Théophraste
Les caractères de Théophraste De la dissimulation De la flatterie De
l'impertinent ou du diseur de rien De la rusticité Du complaisant De
l'image d'un coquin Du grand parleur Du débit des nouvelles De
l'effronterie causée par l'avarice De l'épargne sordide De l'impudent ou
de celui qui ne rougit de rien Du contre-temps De l'air empressé De la
stupidité De la brutalité De la superstition De l'esprit chagrin De la
défiance D'un vilain homme D'un homme incommode De la sotte
vanité De l'avarice De l'ostentation De l'orgueil De la peur, ou du
défaut de courage Des grands d'une république Les peuples sont
heureux quand un seul les gouverne. D'une tardive instruction De la
médisance
LES CARACTÈRES OU LES MOEURS DE CE SIÈCLE Préface Des
ouvrages de l'esprit Du mérite personnel Des femmes Du coeur De la
société et de la conversation Des biens de fortune De la ville De la cour
Des grands Du souverain ou de la République De l'homme Des
jugements De la mode De quelques usages De la chaire Des esprits
forts
DISCOURS DE RÉCEPTION À L'ACADÉMIE FRANÇAISE Préface
Discours prononcé dans l'académie française le lundi quinzième juin
1693
LES CARACTÈRES DE THÉOPHRASTE
Discours sur Théophraste
Je n'estime pas que l'homme soit capable de former dans son esprit un
projet plus vain et plus chimérique, que de prétendre, en écrivant de
quelque art ou de quelque science que ce soit, échapper à toute sorte de
critique, et enlever les suffrages de tous ses lecteurs.
Car, sans m'étendre sur la différence des esprits des hommes, aussi
prodigieuse en eux que celle de leurs visages, qui fait goûter aux uns
les choses de spéculation et aux autres celles de pratique, qui fait que
quelques-uns cherchent dans les livres à exercer leur imagination,
quelques autres à former leur jugement, qu'entre ceux qui lisent,
ceux-ci aiment à être forcés par la démonstration, et ceux-là veulent
entendre délicatement, ou former des raisonnements et des conjectures,
je me renferme seulement dans cette science qui décrit les moeurs, qui
examine les hommes, et qui développe leurs caractères, et j'ose dire que
sur les ouvrages qui traitent des choses qui les touchent de si près, et où
il ne s'agit que d'eux-mêmes, ils sont encore extrêmement difficiles à
contenter.
Quelques savants ne goûtent que les apophtegmes des anciens et les
exemples tirés des Romains, des Grecs, des Perses, des Égyptiens;
l'histoire du monde présent leur est insipide; ils ne sont point touchés
des hommes qui les environnent et avec qui ils vivent, et ne font nulle
attention à leurs moeurs. Les femmes, au contraire, les gens de la cour,
et tous ceux qui n'ont que beaucoup d'esprit sans érudition, indifférents
pour toutes les choses qui les ont précédés, sont avides de celles qui se
passent à leurs yeux et qui sont comme sous leur main: ils les
examinent, ils les discernent, ils ne perdent pas de vue les personnes
qui les entourent, si charmés des descriptions et des peintures que l'on
fait de leurs contemporains, de leurs concitoyens, de ceux enfin qui leur
ressemblent et à qui ils ne croient pas ressembler, que jusque dans la
chaire l'on se croit obligé souvent de suspendre l'Évangile pour les
prendre par leur faible, et les ramener à leurs devoirs par des choses qui
soient de leur goût et de leur portée.
La cour ou ne connaît pas la ville, ou, par le mépris qu'elle a pour elle,
néglige d'en relever le ridicule, et n'est point frappée des images qu'il
peut fournir; et si au contraire l'on peint la cour, comme c'est toujours
avec les ménagements qui lui sont dus, la ville ne tire pas de cette
ébauche de quoi remplir sa curiosité, et se faire une juste idée d'un pays
où il faut même avoir vécu pour le connaître.
D'autre part, il est naturel aux hommes de ne point convenir de la
beauté ou de la délicatesse d'un trait de morale qui les peint, qui les
désigne, et où ils se reconnaissent eux-mêmes: ils se tirent d'embarras
en
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