Les Voyages de Gulliver | Page 2

Jonathan Swift
heureux.
Il est inutile d'ennuyer le lecteur par le d��tail de nos aventures dans ces mers; c'est assez de lui faire savoir que, dans notre passage aux Indes orientales, nous essuyames une temp��te dont la violence nous poussa; vers le nord-ouest de la terre de Van- Diemen. Par une observation que je fis, je trouvai que nous ��tions �� 30�� 2' de latitude m��ridionale. Douze hommes de notre ��quipage ��taient morts par le travail excessif et par la mauvaise nourriture. Le 5 novembre, qui ��tait le commencement de l'��t�� dans ces pays-l��, le temps ��tant un peu noir, les mariniers aper?urent un roc qui n'��tait ��loign�� du vaisseau que de la longueur d'un cable; mais le vent ��tait si fort que nous f?mes directement pouss��s contre l'��cueil, et que nous ��chouames dans un moment. Six hommes de l'��quipage, dont j'��tais un, s'��tant jet��s �� propos dans la chaloupe, trouv��rent le moyen de se d��barrasser du vaisseau et du roc. Nous allames �� la rame environ trois lieues; mais �� la fin la lassitude ne nous permit plus de ramer; enti��rement ��puis��s, nous nous abandonnames au gr�� des flots, et bient?t nous f?mes renvers��s par un coup de vent du nord:
Je ne sais quel fut le sort de mes camarades de la chaloupe, ni de ceux qui se sauv��rent sur le roc, ou qui rest��rent dans le vaisseau; mais je crois qu'ils p��rirent tous; pour moi, je nageai �� l'aventure, et fus pouss��, vers la terre par le vent et la mar��e. Je laissai souvent tomber mes jambes, mais sans toucher le fond. Enfin, ��tant pr��s de m'abandonner, je trouvai pied dans l'eau, et alors la temp��te ��tait bien diminu��e. Comme la pente ��tait presque insensible, je marchai une demi-lieue dans la mer avant que j'eusse pris terre. Je fis environ un quart de lieue sans d��couvrir aucune maison ni aucun vestige d'habitants, quoique ce pays f?t tr��s peupl��. La fatigue, la chaleur et une demi-pinte d'eau-de-vie que j'avais bue en abandonnant le vaisseau, tout cela m'excita �� dormir. Je me couchai sur l'herbe, qui ��tait tr��s fine, o�� je fus bient?t enseveli dans un profond sommeil, qui dura neuf heures. Au bout de ce temps-l��, m'��tant ��veill��, j'essayai de me lever; mais ce fut en vain. Je m'��tais couch�� sur le dos; je trouvai mes bras et mes jambes attach��s �� la terre de l'un et de l'autre c?t��, et mes cheveux attach��s de la m��me mani��re. Je trouvai m��me plusieurs ligatures tr��s minces qui entouraient mon corps, depuis mes aisselles jusqu'�� mes cuisses. Je ne pouvais que regarder en haut; le soleil commen?ait �� ��tre fort chaud, et sa grande clart�� blessait mes yeux. J'entendis un bruit confus autour de moi, mais, dans la posture o�� j'��tais, je ne pouvais rien voir que le soleil. Bient?t je sentis remuer quelque chose sur ma jambe gauche, et cette chose, avan?ant doucement sur ma poitrine, monter presque jusqu'�� mon menton. Quel fut mon ��tonnement lorsque j'aper?us une petite figure de cr��ature humaine haute tout au plus de trois pouces, un arc et une fl��che �� la main, avec un carquois sur le dos! J'en vis en m��me temps au moins quarante autres de la m��me esp��ce. Je me mis soudain �� jeter des cris si horribles, que tous ces petits animaux se retir��rent transis de peur; et il y en eut m��me quelques-uns, comme je l'ai appris ensuite, qui furent dangereusement bless��s par les chutes pr��cipit��es qu'ils firent en sautant de dessus mon corps �� terre. N��anmoins ils revinrent bient?t, et l'un d'eux, qui eut la hardiesse de s'avancer si pr��s qu'il fut en ��tat de voir enti��rement mon visage, levant les mains et les yeux par une esp��ce d'admiration, s'��cria d'une voix aigre, mais distincte: Hekinah Degul. Les autres r��p��t��rent plusieurs fois les m��mes mots; mais alors je n'en compris pas le sens. J'��tais, pendant ce temps-l��, ��tonn��, inquiet, troubl��, et tel que serait le lecteur en pareille situation. Enfin, faisant des efforts pour me mettre en libert��, j'eus le bonheur de rompre les cordons ou fils, et d'arracher les chevilles qui attachaient mon bras droit �� la terre; car, en le haussant un peu, j'avais d��couvert ce qui me tenait attach�� et captif. En m��me temps, par une secousse violente qui me causa une douleur extr��me, je lachai un peu les cordons qui attachaient mes cheveux du c?t�� droit (cordons plus fins que mes cheveux m��mes), en sorte que je me trouvai en ��tat de procurer �� ma t��te un petit mouvement libre. Alors ces insectes humains se mirent en fuite et pouss��rent des cris tr��s aigus. Ce bruit cessant, j'entendis un d'eux s'��crier: Tolgo Phonac, et aussit?t je me sentis perc�� �� la main de plus de cent fl��ches qui me piquaient comme autant d'aiguilles. Ils firent ensuite une
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