Les Quatre Livres des Stratagèmes | Page 2

Sextus Julius Frontin

c'est-à-dire au moment de sa préture.
On ignore depuis combien de temps il exerçait cette magistrature,
lorsque, en l'absence des deux consuls T. Fl. Vespasien et Titus César,
il convoqua le sénat aux calendes de janvier de l'an de Rome 823. Il

abdiqua peu de temps après, mais à une époque qu'on ne saurait
préciser, et Domitien lui succéda: «Calendis januariis in senatu, quem
Julius Frontinus, præetor urbanus, vocaverat, legatis exercitibusque ac
regibus, laudes gratesque decretæ... Et mox, ejurante Frontino, Cæsar
Domitianus præturam cepit[1].» Nous n'avons rien de certain sur les
causes de cette abdication. Les circonstances étaient difficiles les
révoltes récentes des Gaulois et des Bataves n'étaient point apaisées; le
parti des Vitelliens remuait encore; d'un autre côté, on craignait
l'ambition du proconsul Pison, qui, gouvernant en Afrique, eût
volontiers émancipé à son profit cette province, d'où le peuple romain
tirait une grande partie de son approvisionnement. Frontin, sur qui
pesait toute la responsabilité des affaires, puisque les consuls étaient
loin de Rome, a-t-il reculé devant cette grave situation? Ou bien a-t-il,
dans le but de complaire à Vespasien, résigné ses fonctions en faveur
de Domitien, second fils de l'empereur? Ce dernier motif nous paraît le
plus probable. Il est même permis de conjecturer que Domitien
convoitait cette dignité: car, aussitôt que le poste fut vacant, il s'en
empara, selon l'expression de Tacite; et, au dire de Suétone[2] il se fit
donner en même temps la puissance consulaire: «Honorem præturæ
urbanæ cum potestate consulari suscepit.»
Tout porte à croire que quelques années après, vers 827, Frontin reçut
le titre, sinon de consul ordinaire, du moins de consul remplaçant, ou
subrogé (suffectus). Son nom, il est vrai, ne figure point dans les fastes;
mais on sait que de tous les consuls, dont le nombre dépendait souvent
du caprice de l'empereur, les deux premiers seuls donnaient leur nom à
l'année, et étaient inscrits sur ces monuments chronologiques. Élien le
tacticien, contemporain de notre auteur, lui donne, dans la préface de
son livre, le titre de personnage consulaire. D'ailleurs, il fut envoyé en
Bretagne comme gouverneur. Or Petilius Cerialis, son prédécesseur
immédiat dans ce gouvernement, et Julius Agricola, son successeur
également immédiat, avaient tous deux été consuls avant d'être mis à la
tête des armées romaines dans cette province[3]; et leurs noms ne sont
pas non plus dans les fastes. Il est donc naturel de penser que Frontin,
avant de recevoir la même charge, avait été, lui aussi, promu à la
dignité de consul. Selon le calcul des chronologistes, Cerialis serait allé
en Bretagne en 824, et Frontin lui aurait succédé en 828. Voici

comment Tacite s'exprime sur ces deux personnages: «Dès qu'avec le
reste du monde la Bretagne eut reconnu Vespasien, de grands généraux,
d'excellentes armées parurent, les espérances des ennemis diminuèrent,
et aussitôt Petilius Cerialis les frappa de terreur en attaquant la cité des
Brigantes, qui passe pour la plus populeuse de toute la Bretagne: il livra
beaucoup de combats, et quelquefois de très sanglants; la victoire ou la
guerre enchaîna la plus grande partie de cette cité. Et lorsque Cerialis
eût dû accabler par ses services et sa renommée son successeur, Julius
Frontinus en soutint le fardeau: grand homme autant qu'on pouvait
l'être alors, il subjugua, par les armes, la nation vaillante et belliqueuse
des Silures, après avoir, outre la valeur des ennemis, triomphé des
difficultés des lieux[4].» Ce passage est assez explicite sur le mérite de
notre auteur comme homme de guerre, pour nous dispenser de toute
réflexion.
Remplacé en Bretagne par Agricola, vers 831, Frontin était sans doute
de retour à Rome depuis cette époque, et, mettant à profit l'expérience
qu'il avait acquise dans ses récentes expéditions, il écrivait sur l'art
militaire, lorsque l'empire échut à Domitien, en 834. Sous ce règne
parut le recueil des Stratagèmes: la preuve en est dans la complaisance
avec laquelle il signale, en termes louangeurs, les excursions de ce
prince sur les frontières des Germains, et ses prétendues victoires. Mais,
avant de mettre au jour cet ouvrage, il en avait publié d'autres où étaient
exposés les principes de l'art militaire: sa pensée, qui avait été de
justifier ultérieurement chacune de ses théories par une série de faits
analogues, est nettement exprimée par les premiers mots de sa préface.
Dans le Mémoire sur les Aqueducs, il rappelle encore qu'il est auteur de
plusieurs ouvrages: «In aliis autera libris, quos post expérimenta et
usum composui, antecedentium res acta est.» Végèce et Élien nous
fournissent des indications tout aussi précises. Le premier, après avoir
parlé de l'art et de la discipline militaires, qui ont assuré aux Romains la
conquête du monde, ajoute: «Necessitas compulit, evolutis auctoribus,
ea me in hoc opusculo fidelissime dicere, quæ Cato ille Censorius de
disciplina militari scripsit, quæ Cornélius Celsus, quæ Frontinus
perstringenda duxerunt.» On ne saurait trouver un éloge plus complet
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