contre mon coeur en même temps ! M'attaquer à
droite et à gauche ! Ah ! c'est contre le droit des gens ; la partie n'est
pas égale, et je m'en vais crier au meurtre.
- Cathos -
Il faut avouer qu'il dit les choses d'une manière particulière.
- Madelon -
Il a un tour admirable dans l'esprit.
- Cathos -
Vous avez plus de peur que de mal, et votre coeur crie avant qu'on
l'écorche.
- Mascarille -
Comment, diable ! il est écorché depuis la tête jusqu'aux pieds.
-----------
SCÈNE XI. - Cathos, Madelon, Mascarille, Marotte.
- Marotte -
Madame, on demande à vous voir.
- Madelon -
Qui ?
- Marotte -
Le vicomte de Jodelet.
- Mascarille -
Le vicomte de Jodelet ?
- Marotte -
Oui, Monsieur.
- Cathos -
Le connaissez-vous ?
- Mascarille -
C'est mon meilleur ami.
- Madelon -
Faites entrer vitement.
- Mascarille -
Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vus, et je suis ravi de
cette aventure.
- Cathos -
Le voici.
-----------
SCÈNE XII. - Cathos, Madelon, Jodelet, Mascarille, Marotte,
Almanzor.
- Mascarille -
Ah ! vicomte !
- Jodelet -
(Ils s'embrassent l'un l'autre.)
Ah ! marquis !
- Mascarille -
Que je suis aise de te rencontrer !
- Jodelet -
Que j'ai de joie de te voir ici !
- Mascarille -
Baise-moi donc encore un peu, je te prie.
- Madelon -
(à Cathos.)
Ma toute bonne, nous commençons d'être connues ; voilà le beau
monde qui prend le chemin de nous venir voir.
- Mascarille -
Mesdames, agréez que je vous présente ce gentilhomme-ci : sur ma
parole, il est digne d'être connu de vous.
- Jodelet -
Il est juste de venir vous rendre ce qu'on vous doit ; et vos attraits
exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes.
- Madelon -
C'est pousser vos civilités jusqu'aux derniers confins de la flatterie.
- Cathos -
Cette journée doit être marquée dans notre almanach comme une
journée bien heureuse.
- Madelon -
(à Almanzor.)
Allons, petit garçon, faut-il toujours vous répéter les choses ?
Voyez-vous pas qu'il faut le surcroît d'un fauteuil ?
- Mascarille -
Ne vous étonnez pas de voir le vicomte de la sorte ; il ne fait que sortir
d'une maladie qui lui a rendu le visage pâle comme vous le voyez.
- Jodelet -
Ce sont fruits des veilles de la cour, et des fatigues de la guerre.
- Mascarille -
Savez-vous, Mesdames, que vous voyez dans le vicomte un des
vaillants hommes du siècle ? C'est un brave à trois poils (16).
- Jodelet -
Vous ne m'en devez rien, marquis ; et nous savons ce que vous savez
faire aussi.
- Mascarille -
Il est vrai que nous nous sommes vus tous deux dans l'occasion.
- Jodelet -
Et dans des lieux où il faisait fort chaud.
- Mascarille -
(regardant Cathos et Madelon.)
Oui, mais non pas si chaud qu'ici. Hai, hai, hai.
- Jodelet -
Notre connaissance s'est faite à l'armée ; et la première fois que nous
nous vîmes, il commandait un régiment de cavalerie sur les galères de
Malte.
- Mascarille -
Il est vrai ; mais vous étiez pourtant dans l'emploi avant que j'y fusse ;
et je me souviens que je n'étais que petit officier encore, que vous
commandiez deux mille chevaux.
- Jodelet -
La guerre est une belle chose ; mais, ma foi, la cour récompense bien
mal aujourd'hui les gens de service comme nous.
- Mascarille -
C'est ce qui fait que je veux pendre l'épée au croc.
- Cathos -
Pour moi, j'ai un furieux tendre pour les hommes d'épée.
- Madelon -
Je les aime aussi ; mais je veux que l'esprit assaisonne la bravoure.
- Mascarille -
Te souvient-il, vicomte, de cette demi-lune que nous emportâmes sur
les ennemis au siége d'Arras ?
- Jodelet -
Que veux-tu dire, avec ta demi-lune ? C'était bien une lune toute
entière.
- Mascarille -
Je pense que tu as raison.
- Jodelet -
Il m'en doit bien souvenir, ma foi ! j'y fus blessé à la jambe d'un coup
de grenade, dont je porte encore les marques. Tâtez un peu, de grâce ;
vous sentirez quelque coup c'était là.
- Cathos -
(après avoir touché l'endroit.)
Il est vrai que la cicatrice est grande.
- Mascarille -
Donnez-moi un peu votre main, et tâtez celui-ci ; là, justement au
derrière de la tête. Y êtes-vous ?
- Madelon -
Oui, je sens quelque chose.
- Mascarille -
C'est un coup de mousquet que je reçus, la dernière campagne que j'ai
faite.
- Jodelet -
(découvrant sa poitrine.)
Voici un autre coup qui me perça de part en part à l'attaque de
Gravelines (17).
-
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.