?
- La Grange -
C'est une chose que vous pourrez mieux apprendre d'elles que de nous.
Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que nous vous rendons grâce
de la faveur que vous nous avez faite, et demeurons vos très humbles
serviteurs.
- Du Croisy -
Vos très humbles serviteurs.
- Gorgibus -
(seul.)
Ouais ! il semble qu'ils sortent mal satisfaits d'ici. D'où pourrait venir
leur mécontentement ? Il faut savoir un peu ce que c'est. Holà !
-----------
SCÈNE III. - Gorgibus, Marotte.
- Marotte -
Que désirez-vous, Monsieur ?
- Gorgibus -
Où sont vos maîtresses ?
- Marotte -
Dans leur cabinet.
- Gorgibus -
Que font-elles ?
- Marotte -
De la pommade pour les lèvres.
- Gorgibus -
C'est trop pommadé. Dites-leur qu'elles descendent.
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SCÈNE IV. - Gorgibus.
- Gorgibus -
Ces pendardes-là, avec leur pommade, ont, je pense, envie de me ruiner.
Je ne vois partout que blancs d'oeufs, lait virginal, et mille autres
brimborions que je ne connais point. Elles ont usé, depuis que nous
sommes ici, le lard d'une douzaine de cochons, pour le moins ; et quatre
valets vivraient tous les jours des pieds de mouton qu'elles emploient.
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SCÈNE V. - Madelon, Cathos, Gorgibus.
- Gorgibus -
Il est bien nécessaire, vraiment, de faire tant de dépense pour vous
graisser le museau ! Dites-moi un peu ce que vous avez fait à ces
messieurs, que je les vois sortir avec tant de froideur ? Vous avais-je
pas commandé de les recevoir comme des personnes que je voulais
vous donner pour maris ?
- Madelon -
Et quelle estime, mon père, voulez-vous que nous fassions du procédé
irrégulier de ces gens-là ?
- Cathos -
Le moyen, mon oncle, qu'une fille un peu raisonnable se pût
accommoder de leur personne ?
- Gorgibus -
Et qu'y trouvez-vous à redire ?
- Madelon -
La belle galanterie que la leur ! Quoi ! débuter d'abord par le mariage ?
- Gorgibus -
Et par où veux-tu donc qu'ils débutent ? par le concubinage ? N'est-ce
pas un procédé dont vous avez sujet de vous louer toutes deux, aussi
bien que moi ? Est-il rien de plus obligeant que cela ? Et ce lien sacré
où ils aspirent n'est-il pas un témoignage de l'honnêteté de leurs
intentions ?
- Madelon -
Ah ! mon père, ce que vous dites là est du dernier bourgeois. Cela me
fait honte de vous ouïr parler de la sorte, et vous devriez un peu vous
faire apprendre le bel air des choses.
- Gorgibus -
Je n'ai que faire ni d'air ni de chanson. Je te dis que le mariage est une
chose sainte et sacrée, et que c'est faire en honnêtes gens que de débuter
par là.
- Madelon -
Mon Dieu ! que si tout le monde vous ressemblait, un roman serait
bientôt fini ! La belle chose que ce serait, si d'abord Cyrus épousait
Mandane, et qu'Aronce de plain-pied fût marié à Clélie (4) !
- Gorgibus -
Que me vient conter celle-ci ?
- Madelon -
Mon père, voilà ma cousine qui vous dira aussi bien que moi que le
mariage ne doit jamais arriver qu'après les autres aventures. Il faut
qu'un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments,
pousser le doux, le tendre et le passionné (5), et que sa recherche soit
dans les formes. Premièrement, il doit voir au temple, ou à la
promenade, ou dans quelque cérémonie publique, la personne dont il
devient amoureux ; ou bien être conduit fatalement chez elle par un
parent ou un ami, et sortir de là tout rêveur et mélancolique. Il cache un
temps sa passion à l'objet aimé, et cependant lui rend plusieurs visites,
où l'on ne manque jamais de mettre sur le tapis une question galante qui
exerce les esprits de l'assemblée. Le jour de la déclaration arrive, qui se
doit faire ordinairement dans une allée de quelque jardin, tandis que la
compagnie s'est un peu éloignée : et cette déclaration est suivie d'un
prompt courroux, qui paraît à notre rougeur, et qui, pour un temps,
bannit l'amant de notre présence. Ensuite il trouve moyen de nous
apaiser, de nous accoutumer insensiblement au discours de sa passion,
et de tirer de nous cet aveu qui fait tant de peine. Après cela viennent
les aventures, les rivaux qui se jettent à la traverse d'une inclination
établie, les persécutions des pères, les jalousies conçues sur de fausses
apparences, les plaintes, les désespoirs, les enlèvements, et ce qui
s'ensuit. Voilà comme les choses se traitent dans les belles manières, et
ce sont des règles dont, en bonne galanterie, on ne saurait se dispenser.
Mais en venir de but en blanc à l'union conjugale, ne faire l'amour
qu'en faisant le contrat du mariage,
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