Le sol noir des chemins, conduisant à la fosse Dochart, retentit une dernière fois sous le pied des mineurs, et le silence succéda à cette bruyante animation, qui avait empli jusqu'alors la houillère d'Aberfoyle.
Un homme était resté seul près de James Starr.
C'était l'overman Simon Ford. Près de lui se tenait un jeune gar?on, agé de quinze ans, son fils Harry, qui, depuis quelques années déjà, était employé aux travaux du fond.
James Starr et Simon Ford se connaissaient, et, se connaissant, s'estimaient l'un l'autre.
? Adieu, Simon, dit l'ingénieur.
-- Adieu, monsieur James, répondit l'overman, ou plut?t, laissez-moi ajouter : Au revoir !
-- Oui, au revoir, Simon ! reprit James Starr. Vous savez que je serai toujours heureux de vous retrouver et de pouvoir parler avec vous du passé de notre vieille Aberfoyle !
-- Je le sais, monsieur James.
-- Ma maison d'édimbourg vous est ouverte !
-- C'est loin, édimbourg ! répondit l'overman en secouant la tête. Oui ! loin de la fosse Dochart !
-- Loin, Simon ! Où comptez-vous donc demeurer ?
-- Ici même, monsieur James ! Nous n'abandonnerons pas la mine, notre vieille nourrice, parce que son lait s'est tari ! Ma femme, mon fils et moi, nous nous arrangerons pour lui rester fidèles !
-- Adieu donc, Simon, répondit l'ingénieur, dont la voix, malgré lui, trahissait l'émotion.
-- Non, je vous répète : au revoir, monsieur James ! répondit l'overman, et non adieu ! Foi de Simon Ford, Aberfoyle vous reverra ! ?
L'ingénieur ne voulut pas enlever cette dernière illusion à l'overman. Il embrassa le jeune Harry, qui le regardait de ses grands yeux émus. Il serra une dernière fois la main de Simon Ford et quitta définitivement la houillère.
Voilà ce qui s'était passé dix ans auparavant; mais, malgré le désir que venait d'exprimer l'overman de le revoir quelque jour, James Starr n'avait plus entendu parler de lui.
Et c'était après dix ans de séparation, que lui arrivait cette lettre de Simon Ford, qui le conviait à reprendre sans délai le chemin des anciennes houillères d'Aberfoyle.
Une communication de nature à l'intéresser, qu'était-ce donc ? La fosse Dochart, le puits Yarow ! Quels souvenirs du passé ces noms rappelaient à son esprit ! Oui ! c'était le bon temps, celui du travail, de la lutte --, le meilleur temps de sa vie d'ingénieur !
James Starr relisait la lettre. Il la retournait dans tous les sens. Il regrettait, en vérité, qu'une ligne de plus n'e?t pas été ajoutée par Simon Ford. Il lui en voulait d'avoir été si laconique.
était-il donc possible que le vieil overman e?t découvert quelque nouveau filon à exploiter ? Non !
James Starr se rappelait avec quel soin minutieux les houillères d'Aberfoyle avaient été explorées avant la cessation définitive des travaux. Il avait lui-même procédé aux derniers sondages, sans trouver aucun nouveau gisement dans ce sol ruiné par une exploitation poussée à l'excès. On avait même tenté de reprendre le terrain houiller sous les couches qui lui sont ordinairement inférieures, telles que le grés rouge dévonien, mais sans résultat. James Starr avait donc abandonné la mine avec l'absolue conviction qu'elle ne possédait plus un morceau de combustible.
? Non, se répétait-il, non ! Comment admettre que ce qui aurait échappé à mes recherches se serait révélé à celles de Simon Ford ? Pourtant, le vieil overman doit bien savoir qu'une seule chose au monde peut m'intéresser, et cette invitation, que je dois tenir secrète, de me rendre à la fosse Dochart !... ?
James Starr en revenait toujours là.
D'autre part, l'ingénieur connaissait Simon Ford pour un habile mineur, particulièrement doué de l'instinct du métier. Il ne l'avait pas revu depuis l'époque où les exploitations d'Aberfoyle avaient été abandonnées. Il ignorait même ce qu'était devenu le vieil overman. Il n'aurait pu dire à quoi il s'occupait, ni même où il demeurait, avec sa femme et son fils. Tout ce qu'il savait, c'est que rendez-vous lui était donné au puits Yarow, et qu'Harry, le fils de Simon Ford, l'attendrait à la gare de Callander pendant toute la journée du lendemain. Il s'agissait donc évidemment de visiter la fosse Dochart.
? J'irai, j'irai ! ? dit James Starr, qui sentait sa surexcitation s'accro?tre à mesure que s'avan?ait l'heure.
C'est qu'il appartenait, ce digne ingénieur, à cette catégorie de gens passionnés, dont le cerveau est toujours en ébullition, comme une bouilloire placée sur une flamme ardente. Il est de ces bouilloires dans lesquelles les idées cuisent à gros bouillons, d'autres où elles mijotent paisiblement. Or, ce jour-là, les idées de James Starr bouillaient à plein feu.
Mais, alors, un incident très inattendu se produisit. Ce fut la goutte d'eau froide, qui allait momentanément condenser toutes les vapeurs de ce cerveau.
En effet, vers six heures du soir, par le troisième courrier, le domestique de James Starr apporta une seconde lettre.
Cette lettre était renfermée dans une enveloppe grossière, dont la suscription indiquait une main
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