longs traits le vin du souvenir?
Je t'adore à l'égal de la vo?te nocturne,?O vase de tristesse, ? grande taciturne,?Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,?Et que tu me parais, ornement de mes nuits,?Plus ironiquement accumuler les lieues?Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,?Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,?Et je chéris, ? bête implacable et cruelle,?Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle!
Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle,?Femme impure! L'ennui rend ton ame cruelle.?Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,?Il te faut chaque jour un coeur au ratelier.?Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques?Ou des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,?Usent insolemment d'un pouvoir emprunté,?Sans conna?tre jamais la loi de leur beauté.
Machine aveugle et sourde en cruauté féconde!?Salutaire instrument, buveur du sang du monde,?Comment n'as-tu pas honte, et comment n'as-tu pas?Devant tous les miroirs vu palir tes appas??La grandeur de ce mal où tu te crois savante?Ne t'a donc jamais fait reculer d'épouvante,?Quand la nature, grande en ses desseins cachés,?De toi se sert, ? femme, ? reine des péchés,?--De toi, vil animal,--pour pétrir un génie?
O fangeuse grandeur, sublime ignominie!
SED NON SATIATA
Bizarre déité, brune comme les nuits,?Au parfum mélangé de musc et de havane,?OEuvre de quelque obi, le Faust de la savane,?Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,
Je préfère au constance, à l'opium, au nuits,?L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane;?Quand vers toi mes désirs partent en caravane,?Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.
Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton ame,?O démon sans pitié, verse-moi moins de flamme;?Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,
Hélas! et je ne puis, Mégère libertine,?Pour briser ton courage et te mettre aux abois,?Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine!
Avec ses vêtements ondoyants et nacrés,?Même quand elle marche, on croirait qu'elle danse,?Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés?Au bout de leurs batons agitent en cadence.
Comme le sable morne et l'azur des déserts,?Insensibles tous deux à l'humaine souffrance,?Comme les longs réseaux de la houle des mers,?Elle se développe avec indifférence.
Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants,?Et dans cette nature étrange et symbolique?Où l'ange inviolé se mêle au sphinx antique,
Où tout n'est qu'or, acier, lumière et diamants,?Resplendit à jamais, comme un astre inutile,?La froide majesté de la femme stérile.
LE SERPENT QUI DANSE
Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,?Comme une étoile vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde
Aux acres parfums,?Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns.
Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,?Mon ame rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,?Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,?On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un baton;
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant?Se balance avec la mollesse
D'un jeune éléphant,
Et son corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau?Qui roule bord sur bord, et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,?Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,?Un ciel liquide qui parsème
D'étoiles mon coeur!
UNE CHAROGNE
Rappelez-vous l'objet que nous v?mes, mon ame,
Ce beau matin d'été si doux:?Au détour d'un sentier une charogne infame
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Br?lante et suant les poisons,?Ouvrait d'une fa?on nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,?Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint.
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir;?La puanteur était si forte que sur l'herbe
Vous cr?tes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons?De larves qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Où s'élan?ait en pétillant;?On e?t dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique
Comme l'eau courante et le vent,?Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effa?aient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir?Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil faché,?Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait laché.
--Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,?Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!
Oui! telle vous serez, ? la reine des graces,
Après les derniers sacrements,?Quand vous irez sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ? ma beauté, dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,?Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés!
DE PROFUNDIS CLAMAVI
J'implore ta pitié. Toi, l'unique que j'aime,?Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.?C'est un univers morne à l'horizon plombé,?Où nagent
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