Les Fleurs du Mal | Page 6

Charles Baudelaire
je ne pleure et jamais je ne ris.
Les po��tes, devant mes grandes attitudes.?Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,?Consumeront leurs jours en d'aust��res ��tudes;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,?De purs miroirs qui font toutes choses plus belles:?Mes yeux, mes larges yeux aux clart��s ��ternelles!
L'IDEAL
Ce ne seront jamais ces beaut��s de vignettes,?Produits avari��s, n��s d'un si��cle vaurien,?Ces pieds �� brodequins, ces doigts �� castagnettes,?Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien.
Je laisse, �� Gavarni, po��te des chloroses,?Soa troupeau gazouillant de beaut��s d'h?pital,?Car je ne puis trouver parmi ces pales roses?Une fleur qui ressemble �� mon rouge id��al.
Ce qu'il faut �� ce coeur profond comme un ab?me,?C'est vous, Lady Macbeth, ame puissante au crime,?R��ve d'Eschyle ��clos au climat des autans;
Ou bien toi, grand Nuit, fille de Michel-Ange,?Qui tors paisiblement dans une pose ��trange?Tes appas fa?onn��s aux bouches des Titans!
LE MASQUE
STATUE ALL��GORIQUE DANS LE GOUT DE LA RENAISSANCE
A ERNEST CHRISTOPHE?STATUAIRE
Contemplons ce tr��sor de graces florentines;?Dans l'ondulation de ce corps musculeux?L'El��gance et la Force abondent, soeurs divines.?Cette femme, morceau vraiment miraculeux,?Divinement robuste, adorablement mince,?Est faite pour tr?ner sur des lits somptueux,?Et charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince.
--Aussi, vois ce souris fin et voluptueux?O�� la Fatuit�� prom��ne son extase;?Ce long regard sournois, langoureux et moqueur;?Ce visage mignard, tout encadr�� de gaze,?Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur:?? La Volupt�� m'appelle et l'Amour me couronne! ??A cet ��tre dou�� de tant de majest��?Vois quel charme excitant la gentillesse donne!?Approchons, et tournons autour de sa beaut��.
O blasph��me de l'art! ? surprise fatale!?La femme au corps divin, promettant le bonheur,?Par le haut se termine en monstre bic��phale!
Mais non! Ce n'est qu'un masque, un d��cor suborneur,?Ce visage ��clair�� d'une exquise grimace,?Et, regarde, voici, crisp��e atrocement,?La v��ritable t��te, et la sinc��re face?Renvers��e �� l'abri de la face qui ment.?--Pauvre grande beaut��! le magnifique fleuve?De tes pleurs aboutit dans mon coeur soucieux;?Ton mensonge m'enivre, et mon ame s'abreuve?Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux!
--Mais pourquoi pleure-t-elle? Elle, beaut�� parfaite?Qui mettrait �� ses pieds le genre humain vaincu,?Quel mal myst��rieux ronge son flanc d'athl��te?
--Elle pleure, insens��, parce qu'elle a v��cu!?Et parce qu'elle vit! Mais ce qu'elle d��plore?Surtout, ce qui la fait fr��mir jusqu'aux genoux,?C'est que demain, h��las! il faudra vivre encore!?Demain, apr��s-demain et toujours!--comme nous!
HYMNE A LA BEAUTE
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'ab?me,?O Beaut��? Ton regard, infernal et divin,?Verse confus��ment le bienfait et le crime,?Et l'on peut pour cela te comparer au vin.?Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore;
Tu r��pands des parfums comme un soir orageux;?Tes baisers sont un filtre et ta bouche une amphore?Qui font le h��ros lache et l'enfant courageux.?Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres?
Le Destin charm�� suit tes jupons comme un chien;?Tu s��mes au hasard la joie et les d��sastres,?Et tu gouvernes tout et ne r��ponds de rien.
Tu marches sur des morts. Beaut��, dont tu te moques;?De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,?Et le Meurtre, parmi tes plus ch��res breloques,?Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L'��ph��m��re ��bloui vole vers toi, chandelle,?Cr��pite, flambe et dit: B��nissons ce flambeau!?L'amoureux pantelant inclin�� sur sa belle?A l'air d'un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,?O Beaut��! monstre ��norme, effrayant, ing��nu!?Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte?D'un infini que j'aime et n'ai jamais connu?
De Satan ou de Dieu, qu'importe? Ange ou Sir��ne,?Qu'import��, si tu rends,--f��e aux yeux de velours,?Rythme, parfum, lueur, ? mon unique reine!--?L'univers moins hideux et les instants moins lourds?
LA CHEVELURE
O toison, moutonnant jusque sur l'encolure!?O boucles! O parfum charg�� de nonchaloir!?Extase! Pour peupler ce soir l'alc?ve obscure?Des souvenirs dormant dans cette chevelure,?Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir.
La langoureuse Asie et la br?lante Afrique,?Tout un monde lointain, absent, presque d��funt,?Vit dans tes profondeurs, for��t aromatique!?Comme d'autres esprits voguent sur la musique,?Le mien, ? mon amour! nage sur ton parfum.
J'irai l��-bas o�� l'arbre et l'homme, pleins de s��ve,?Se pament longuement sous l'ardeur des climats;?Fortes tresses, soyez la houle qui m'enl��ve!?Tu contiens, mer d'��b��ne, un ��blouissant r��ve?De voiles, de rameurs, de flammes et de mats:
Un port retentissant o�� mon ame peut boire?A grands flots le parfum, le son et la couleur;?O�� les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,?Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire?D'un ciel pur o�� fr��mit l'��ternelle chaleur.
Je plongerai ma t��te amoureuse d'ivresse?Dans ce noir oc��an o�� l'autre est enferm��;?Et mon esprit subtil que le roulis caresse?Saura vous retrouver, ? f��conde paresse,?Infinis bercements du loisir embaum��!
Cheveux bleus, pavillon de t��n��bres tendues,?Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;?Sur les bords duvet��s de vos m��ches tordues?Je m'enivre ardemment des senteurs confondues?De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps! toujours! ma main dans ta crini��re lourde?S��mera le rubis, la perle et le saphir,?Afin qu'�� mon, d��sir tu ne sois jamais sourde!?N'es-tu pas l'oasis o�� je r��ve, et la gourde?O�� je hume ��
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