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Les Contemporains, by Jules Lema?tre
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Title: Les Contemporains Etudes et Portraits Littéraires
Author: Jules Lema?tre
Release Date: April 25, 2007 [EBook #21215]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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NOUVELLE BIBLIOTHèQUE LITTéRAIRE
JULES LEMAITRE
LES CONTEMPORAINS
éTUDES ET PORTRAITS LITTéRAIRES
DEUXIèME SéRIE
Leconte de Lisle--José-Maria de Heredia Armand Silvestre--Anatole France--Le Père Monsabré M. Deschanel et le romantisme de Racine La comtesse Diane Francisque Sarcet--J.-J. Weiss--Alphonse Daudet Ferdinand Fabre
DEUXIèME éDITION
PARIS
H. LECèNE et H. OUDIN, éDITEURS
17, Rue BONAPARTE, 17
1886
* * * * * TABLE DES MATIèRES
LECONTE DE LISLE JOSé-MARIA DE HEREDIA ARMAND SILVESTRE ANATOLE FRANCE LE PèRE MONSABRé M. DESCHANEL ET LE ROMANTISME DE RACINE LA COMTESSE DIANE SARAH BERNHARDT FRANCISQUE SARCEY J.-J. WEISS ALPHONSE DAUDET FERDINAND FABRE
* * * * *
LECONTE DE LISLE[1]
[Note 1: Poèmes antiques.--Poèmes tragiques.--Poèmes barbares, Lemerre]
I
Des vers d'une splendeur précise, une sérénité imperturbable, voilà ce qui frappe tout d'abord chez M. Leconte de Lisle. Au fond, il y a autre chose que nous verrons; mais cela est caché et ne se révèle qu'à ceux qui n'ont pas le coeur simple. C'est pourquoi il n'est peut-être pas de poète qui soit moins connu du public, ni plus sacré pour ses fidèles; qui ait moins de lecteurs, ni des lecteurs plus fanatiques. Ses vers intransigeants ne condescendent point aux faiblesses ni aux habitudes du troupeau, n'entrent point dans ses émotions, ne le bercent ni le secouent. ?Leconte de Lisle? vous diront les plus renseignés; un grand poète sans doute! mais que nous veut-il avec ses poèmes indous, hébra?ques, grecs et Scandinaves?
Excusez-moi, monsieur, je ne sais pas le grec.
Ni le sanscrit, ni le saxon.?
?Leconte de Lisle, prononcera M. Homais, est complètement dépourvu de sensibilité. Je n'approuve pas, monsieur, que le poète s'isole et se désintéresse de son siècle. En a-t-il même le droit? Je me le demande. Au reste, j'ai peu lu cet auteur.--J'ai vu ses Erynnies à l'Odéon, continue M. Homais avec un fin sourire; Clytemnestre s'appelait Kluta?mnêstra, et c'était fort ennuyeux.?
D'autre part, interrogez les poètes, pas tous, mais les meilleurs d'entre les jeunes, et quelques curieux ?à et là. Assurément ils ne vous diront point de mal de Victor Hugo, pour la raison qu'Allah est Allah; mais on sait que dans tous les temples il y a des saints plus amoureusement ch?més que le titulaire du ma?tre-autel; et je crois bien que parmi ces saints de chapelle M. Leconte de Lisle est le premier. C'est qu'il offre à ses dévots des oeuvres parfaites, où les gens du métier trouvent un plaisir sans mélange: presque jamais un sentiment personnel au poète n'y éclate dont la sincérité, l'originalité ou l'expression puisse être contestée, qui semble, suivant les jours, insuffisant ou démesuré, ni qui détourne l'attention des mystères savants de la forme.
II
Lorsque André Chénier composait ses divins pastiches d'Homère et de Théocrite, il faisait sans y songer ce que personne n'avait fait avant lui, non pas même les poètes de la Pléiade, qui ne comprenaient qu'à demi la pure antiquité et ne la saisissaient point d'une vue directe. Il se détachait de lui-même et de son temps, s'éprenait tout na?vement des graces de la vie primitive chez une belle race, se faisait une ame grecque ou plut?t, mystérieux atavisme, retrouvait cette ame en lui. Or, cette neuve poésie où se reflètent exactement des poésies antérieures et où Chénier se complaisait ingénument, d'autres l'ont recommencée avec plus de parti pris et un art plus consommé. Notre siècle est curieux avec délices. Sa gloire et sa joie, c'est de comprendre et de ressusciter l'ame des générations éteintes, et sa plus grande originalité consiste à pénétrer dans l'ame des autres siècles. De croyance propre, il n'en a guère. Aussi, le seul sentiment nouveau qu'il ait apporté dans la littérature, c'est, avec la curiosité, le doute de l'esprit se tournant en souffrance pour le coeur. Y a-t-il autre chose dans le romantisme que la mélancolie de René et l'amour de ce qu'on appellait en 1830 la couleur locale, c'est-à-dire le sens de l'histoire avivé par la passion des belles lignes et des belles couleurs? Ces deux sentiments, d'ailleurs, ou vont ensemble ou s'engendrent tour à tour. Quand on sait ou qu'on devine beaucoup, qu'on est d'une vieille race fatiguée et sans na?veté, il peut arriver qu'on en souffre, et ce malaise redouble l'ardeur de conna?tre et de sentir; il nous fait chercher l'oubli dans la
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