Les Chants de Maldoror | Page 3

Comte de Lautreamont
gu��re d'un fou, ou alors la graphologie n'existe pas.?
Seulement alors, nous nous d��cidions �� livrer �� notre savant les quelques d��tails de la vie de Ducasse que nous connaissions et que, volontairement, nous avions diff��r�� de lui communiquer de peur de l'influencer. Et surtout, nous insistions sur cette folie qu'on lui reprochait et par laquelle on semblait vouloir att��nuer la conscience de son talent.
?--Mais je m'��tonne qu'une pareille l��gende ait trouv�� cr��dit aupr��s d'esprits distingu��s; vous n'ignorez pas combien les cas de folie �� cet age sont rares, j'entends de la vraie folie, car des idiots, des d��biles, des m��lancoliques, des cr��tins, les asiles en sont bond��s, mais un vrai fou, un fou de vingt ans qui, de sa folie, mourrait dans un cabanon, je doute qu'on en voie souvent: notez m��me que ce d��tail triste et topique, la mort dans un cabanon, me fait tout de suite penser �� un paralytique g��n��ral avec toute cette succession classique: intelligence vive,--obscurcissement,--folie des pers��cutions.--m��galomanie, --excitation puis d��ch��ance compl��te et disparition de l'individu s'en allant depuis longtemps par lambeaux. Eh bien, interrogez des sp��cialistes et demandez-leur combien ils ont pu compter de paralytiques g��n��reux de vingt ans! Bayle d��clare n'en avoir jamais vu avant vingt-cinq ans; Calmeil ne l'a observ�� que deux fois avant trente-deux ans. Restent enfin la manie et la folie circulaire, mais ces deux formes de folie suivent �� peu pr��s les m��mes lois et sauf exceptions infiniment rares, il n'y a pas de fou furieux de dix-neuf ans. Enfin, si le volume est paru quand Ducasse avait dix-neuf ans, et qu'il soit mort �� vingt ans, voil�� donc une ali��nation qui aurait ��volu�� en un an ... N'est-ce pas le cas de dire avec Verlaine: Tout cela est litt��rature!?
Quoique Mont��vid��en, Ducasse ��tait fran?ais d'origine. Son p��re, chancelier �� la l��gation fran?aise �� Montevideo, naquit �� Tarbes. La famille devait ��tre riche. Elle se trouvait en relations d'affaires avec un banquier de la rue de Lille, M. Darasse, qui payait au fils une pension mensuelle. Grace �� l'amabilit�� de M. Dosseur, successeur de M. Darasse, nous avons pu prendre connaissance d'une partie de la correspondance du jeune ��crivain et donner, en t��te du pr��sent volume, une de ses lettres en _fac-simile_. Cette lettre contient en quelque sorte une profession de foi litt��raire et fait allusion aux circonstances qui s'opposaient �� la mise en vente de son livre, ainsi qu'�� la pr��face d'un nouveau volume, que l'��diteur Lemerre n'a jamais re?ue. La correspondance de Ducasse est curieuse et montre combien ��taient vives ses pr��occupations litt��raires.
Dans une lettre, dat��e du 22 mai 1869, nous relevons les passages suivants, que nous ne reproduisons qu'�� titre de simple curiosit��:
?Monsieur,
?C'est hier m��me que j'ai re?u votre lettre dat��e du 21 mai; c'��tait la v?tre. Eh bien, sachez que je ne puis pas malheureusement laisser passer ainsi l'occasion de vous exprimer mes excuses. Voici pourquoi: parce que, si vous m'aviez annonc�� l'autre jour, dans l'ignorance de ce qui peut arriver de facheux aux circonstances o�� ma personne est plac��e, que les fonds s'��puisaient, je n'aurais eu garde d'y toucher; mais certainement j'aurais ��prouv�� autant de joie �� ne pas ��crire ces trois lettres que vous en auriez ��prouv�� vous-m��me �� ne pas les lire. Vous avez mis en vigueur le d��plorable syst��me de m��fiance prescrit vaguement par la bizarrerie de mon p��re; mais vous avez devin�� que mon mal de t��te ne m'emp��che pas de consid��rer avec attention la difficile situation o�� vous a plac�� jusqu'ici une feuille de papier �� lettre venue de l'Am��rique du Sud, dont le principal d��faut ��tait le manque de clart��; car je ne mets pas en ligne de compte la malsonnance de certaines observations m��lancoliques qu'on pardonne ais��ment �� un vieillard, et qui m'ont paru, �� la premi��re lecture, avoir eu l'air de vous imposer, �� l'avenir, peut-��tre, la n��cessit�� de sortir de votre r?le strict de banquier, vis-��-vis d'un monsieur qui vient habiter la capitale ...
? ... Pardon, monsieur, j'ai une pri��re �� vous faire: si mon p��re envoyait d'autres fonds avant le 1er septembre, ��poque �� laquelle mon corps fera une apparition devant la porte de votre banque, vous aurez la bont�� de me le faire savoir? Au reste, je suis chez moi �� toute heure du jour; mais vous n'auriez qu'�� m'��crire un mot, et il est probable qu'alors je le recevrai presque aussit?t que la demoiselle qui tire le cordon, ou bien avant, si je me rencontre sur le vestibule ...
? ... Et tout cela, je le r��p��te, pour une bagatelle insignifiante de formalit��! Pr��senter dix ongles secs au lieu de cinq, la belle affaire: apr��s avoir r��fl��chi beaucoup, je confesse qu'elle m'a paru remplie d'une notable quantit�� d'importance nulle ...?
L'extr��me jeunesse de l'auteur att��nuera sans doute la s��v��rit�� de certains jugements qui ne manqueront pas
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