chaque face, afin de faire connaissance avec les quatre points cardinaux de sa propriété, et, suivi de Tom, qui cachait son étonnement à la vue de tant de richesses inconnues à lui jusqu’alors sous un dédain superbe et affecté. Lorsque l’inspection, qui s’était faite dans le plus grand silence, fut terminée, sir édouard se retourna vers son compagnon, et, appuyant ses deux mains sur sa canne?:
– Eh bien, Tom, lui dit-il, que penses-tu de tout cela??
– Ma foi, mon commandant, répondit Tom pris à l’improviste, je pense que l’entrepont est assez propre?; reste à savoir maintenant si la cale est aussi bien tenue.
– Oh?! M. Sanders ne me para?t pas homme à avoir négligé une partie aussi importante de la cargaison. Descends, Tom, descends, mon brave, et assure toi de cela. Je vais t’attendre ici, moi.
– Diable?! fit Tom, c’est que je ne sais pas où sont les écoutilles.
– Si monsieur veut que je le conduise?? dit une voix qui parlait de la chambre voisine.
– Et qui es-tu, toi?? dit sir édouard en se retournant.
– Je suis le valet de chambre de monsieur, répondit la voix.
– Alors, avance à l’ordre.
Un grand gaillard, vêtu d’une livrée simple mais de bon go?t, parut aussit?t sur la porte.
– Qui t’a engagé à mon service?? continua sir édouard.
– M. Sanders.
– Ah?! ah?! Et que sais-tu faire??
– Je sais raser, coiffer, fourbir les armes, enfin tout ce qui concerne le service d’un honorable officier comme l’est Votre Seigneurie.
– Et où as-tu appris toutes ces belles choses??
– Auprès du capitaine Nelson.
– Tu t’es embarqué??
– Trois ans à bord du Boreas.
– Et où diable Sanders a-t-il été te déterrer??
– Lorsque le Boreas a été désarmé, le capitaine Nelson s’est retiré dans le comté de Norfolk, et, moi, je suis revenu à Nottingham, où je me suis marié.
– Et ta femme??
– Elle est au service de Votre Seigneurie.
– De quel département est-elle chargée??
– Elle a la surveillance de la lingerie et de la basse cour.
– Et qui est à la tête de la cave??
– Avec la permission de Votre Seigneurie, M. Sanders a jugé le poste trop important pour en disposer en votre absence.
– Mais c’est un homme impayable, que M. Sanders?! Entends-tu, Tom?? la direction de la cave est vacante.
– J’espère, répondit Tom avec un léger mouvement d’inquiétude, que ce n’est pas parce qu’elle est vide??
– Monsieur peut s’en assurer, dit le valet de chambre.
– Et, avec la permission du commandant, s’écria Tom, c’est ce que je m’en vais faire.
Sir édouard fit signe à Tom qu’il lui donnait congé pour cette importante mission, et le digne matelot suivit le valet de chambre.
CHAPITRE II
C’est à tort que Tom avait con?u des craintes?: la partie du chateau qui était en ce moment l’objet de son inquiète curiosité avait été approvisionnée par le même esprit prévoyant qui avait présidé à l’arrangement de toute la maison. Dès le premier caveau, Tom, qui était expert en pareille matière, reconnut, dans la disposition des récipients, une intelligence supérieure?: selon que les qualités ou age du vin l’exigeaient, les bouteilles étaient debout ou couchées?; mais toutes étaient pleines, et des étiquettes, écrites sur des cartes et clouées au bout d’un petit baton fiché en terre, indiquant l’année et le cru, servaient de bannières à ces différents corps d’armée, rangés dans un ordre qui faisait le plus grand honneur aux connaissances stratégiques du digne M. Sanders. Tom fit entendre un murmure d’approbation, qui prouvait qu’il était digne d’apprécier ces savantes dispositions?; et, voyant qu’auprès de chaque tas une bouteille était placée comme échantillon, il fit main basse sur trois de ces sentinelles perdues, avec lesquelles il reparut devant son commandant.
Il le retrouva assis devant une fenêtre de l’appartement qu’il avait choisi pour le sien, et qui donnait sur le lac dont nous avons déjà parlé. L’aspect de cette pauvre petite étendue d’eau, qui brillait comme un miroir dans le vert encadrement de la prairie, avait rappelé au capitaine tous ses vieux souvenirs et tous ses regrets?; mais, au bruit que fit Tom en ouvrant la porte, il se retourna, et, comme s’il e?t été humilié d’être surpris ainsi pensif et les larmes aux yeux, il secoua vivement la tête en faisant entendre une espèce de toux qui lui était habituelle, lorsqu’il prenait le dessus sur ses pensées et qu’il leur ordonnait, en quelque sorte, de suivre un autre cours. Tom vit, au premier coup d’?il, quelles sensations préoccupaient son commandant?; mais celui-ci, comme s’il e?t été honteux d’être surpris, par son vieux camarade, dans des dispositions aussi mélancoliques, affecta, à sa vue, une liberté d’esprit dont il était bien éloigné.
– Eh bien, Tom, lui dit-il en essayant de donner à sa voix un accent de gaieté dont celui auquel il s’adressait ne fut pas dupe, il para?t, mon vieux camarade, que la campagne n’a pas
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