oblige à choisir entre
la mort et la consécration à une vie solitaire.--Venez, mon Hippolyte.
Comment vous trouvez-vous, ma bien-aimée?--Démétrius, et vous,
Égée, suivez-nous. J'ai besoin de vous pour quelques affaires relatives à
notre mariage; et je veux conférer avec vous sur un sujet qui vous
intéresse vous-mêmes personnellement.
ÉGÉE.--Nous vous suivons, prince, avec respect et plaisir.
(Thésée et Hippolyte sortent avec leur suite; Démétrius et Égée les
accompagnent.)
LYSANDRE.--Qu'avez-vous donc, ma chère? Pourquoi cette pâleur sur
vos joues? quelle cause a donc si vite flétri les roses?
HERMIA.--Apparemment le défaut de rosée, qu'il me serait aisé de leur
prodiguer de mes yeux gonflés de larmes.
LYSANDRE.--Hélas! j'en juge par tout ce que j'ai lu dans l'histoire, par
tout ce que j'ai entendu raconter, jamais le cours d'un amour sincère ne
fut paisible. Mais tantôt les obstacles viennent de la différence des
conditions....
HERMIA.--Oh! quel malheur, quand on est enchaîné à quelqu'un de
plus bas que soi!
LYSANDRE.--Tantôt les coeurs sont mal assortis à cause de la
différence des années....
HERMIA.--O douleur! quand la vieillesse est unie à la jeunesse.
LYSANDRE.--Tantôt c'est le choix de nos amis qui contrarie
l'amour....
HERMIA.--Oh! c'est un enfer, de choisir l'objet de son amour par les
yeux d'autrui.
LYSANDRE.--Ou, s'il se trouvait de la sympathie dans le choix, la
guerre, la mort ou la maladie, sont venues l'assaillir et le rendre
momentané comme un son, rapide comme une ombre, court comme un
songe, passager comme l'éclair qui, au milieu d'une nuit sombre,
découvre, dans un clin d'oeil, le ciel et la terre; et avant que l'homme ait
eu le temps de dire: Voyez! le gouffre de ténèbres l'a englouti. C'est
ainsi que tout ce qui brille est prompt à disparaître.
HERMIA.--Si les vrais amants ont toujours été traversés, c'est un arrêt
du destin; apprenons donc à le subir avec patience, puisque c'est un
revers commun, et aussi inséparable de l'amour que les pensées, les
songes, les désirs et les larmes, accompagnement indispensable de nos
pauvres penchants.
LYSANDRE.--Sage conseil! Écoute-moi donc, Hermia: j'ai une tante
qui est veuve, douairière, possédant une immense fortune, et qui n'a
point d'enfants. Sa maison est éloignée d'Athènes de sept lieues; elle
me regarde comme son fils unique. Là, chère Hermia, je peux t'épouser,
et la dure loi d'Athènes ne peut nous y poursuivre. Ainsi, si tu m'aimes,
dérobe-toi de la maison de ton père demain dans la nuit, et dans le bois,
à une lieue hors de la ville, au même endroit où je te rencontrai une fois
avec Hélène, allant rendre votre culte à l'aurore de mai: là, je te promets
de t'attendre.
HERMIA.--Mon cher Lysandre, je te jure, par l'arc le plus fort de
l'Amour, par la plus sûre de ses flèches dorées, par la douce candeur
des colombes de Vénus, par les noeuds secrets qui enchaînent les âmes
et font prospérer les amours; par les feux dont brûla la reine de
Carthage, lorqu'elle vit le perfide Troyen mettre à la voile[4]; par tous
les serments que les hommes ont violé, plus nombreux que n'ont jamais
été ceux des femmes, au lieu même que tu viens de m'assigner, demain,
sans faute, j'irai te rejoindre.
[Note 4: Shakspeare oublie que Thésée a fait ses exploits avant la
guerre de Troie, et par conséquent longtemps avant la mort de Didon.
STEEVENS.
Mais le duc Thésée de Shakspeare est-il bien le Thésée de la
mythologie? Je crois que Shakspeare ne s'est pas trop inquiété du temps
où avait pu vivre celui-ci. Le sien est un duc d'Athènes qui aurait aussi
bien figuré comme duc de Bourgogne; pourtant il y a dans cette pièce
tant d'autres allusions mythologiques qu'il faut bien croire à
l'anachronisme.]
LYSANDRE.--Tiens ta promesse, ma bien-aimée.--Regarde, voici
Hélène qui vient.
(Hélène entre.)
HERMIA.--Dieu vous accompagne, belle Hélène! Où allez-vous ainsi?
HÉLÈNE.--Vous m'appelez belle? Ah! rétractez ce mot de belle.
Démétrius aime votre beauté; ô heureuse beauté! vos yeux sont des
étoiles polaires; et la douce mélodie de votre voix est plus harmonieuse
que le chant de l'alouette à l'oreille du berger, lorsque les blés sont verts,
et que l'aubépine commence à montrer les boutons de ses fleurs. La
maladie est contagieuse. Oh! que n'en est-il ainsi des charmes! je
m'emparerais des vôtres, belle Hermia, avant de vous quitter. Mon
oreille saisirait votre voix; mes yeux vos regards, et ma langue ravirait
le doux accent de la vôtre. Si l'univers était à moi, je le donnerais tout
entier, excepté Démétrius, pour changer de formes avec vous. Oh!
enseignez-moi la magie de vos yeux, et par quel art vous gouvernez les
mouvements du coeur de Démétrius.
HERMIA.--Je le regarde d'un air fâché, et cependant il m'aime
toujours.
HÉLÈNE.--Oh! si vos regards courroucés pouvaient apprendre leur
secret à mes sourires!
HERMIA.--Je le maudis, et cependant il me rend en retour son amour.
HÉLÈNE.--Oh! si
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