Le sergent Renaud | Page 9

Pierre Sales
d'armes s'��criait, d'une voix angoiss��e par la terreur:
--Arr��tez, monsieur le comte, arr��tez! Votre ��p��e est d��mouchet��e! Arr��tez!
Il ��tait trop tard!
L'��p��e d��mouchet��e de Brettecourt avait d��j�� frapp�� le masque de Villepreux; et elle ��tait lanc��e avec tant de violence que la pointe, se frayant un chemin �� travers les mailles du masque, avait atteint le marquis �� l'oeil droit.
Brettecourt ��prouva cette impression si particuli��re que donne une arme p��n��trant dans quelque chose de mou et faisant une blessure; et cela ��tait d'autant plus affreux pour lui qu'il avait ��prouv�� d'abord la r��sistance du masque.
[Illustration: Alors il se pr��cipita �� genoux devant lui. (Page 25.)]
Villepreux, en recevant le coup sur le masque, avait commenc�� de prononcer le mot: ?Touch��!? Mais il ne l'acheva pas. Sa voix se perdit en un soupir ��touff��: sa main laissa ��chapper son arme; et, pendant une demi-minute, qui sembla interminable �� Brettecourt, il chancela sur la planche comme une masse insensible qu'une force sup��rieure balance; puis, il s'abattit, sans un mot, sans une plainte. Et il demeura immobile, comme mort, aux yeux de son ami ��pouvant��:
--Villepreux! Villepreux! s'��cria ce dernier.
Son ami ne r��pondit pas. Alors, il se pr��cipita �� genoux devant lui, murmurant d'une voix bris��e:
--Mais ce n'est rien, n'est-ce pas?... Je t'en supplie, parle-moi!... Un mot seulement...
Aucun son ne traversa le masque qui couvrait encore le visage de Villepreux. Brettecourt saisit ce masque; mais, apr��s avoir fait un premier mouvement pour l'enlever, il s'arr��ta, saisi de terreur. Comment le visage de son ami allait-il lui appara?tre?
Le vieux Grandier s'agenouillait aussi, soulevait un peu le corps du marquis. Les autres assistants, glac��s d'effroi, les laissaient faire. Le ma?tre d'armes murmurait;
--Courage, monsieur le comte... Il faut bien voir... Et puis, ce n'est peut-��tre rien, un simple ��vanouissement...
Grandier essayait de se tromper lui-m��me; il ne devinait que trop ce qui s'��tait pass�� derri��re ce masque. Dans sa jeunesse, il avait ��t�� t��moin d'un accident semblable. Brettecourt enleva enfin le masque avec des pr��cautions infinies; et lorsqu'il vit l'oeil crev��, ��tal�� tout sanguinolent sur les bords de l'orbite, il eut un tel cri de d��sespoir que tous les assistants en furent remu��s. Puis, se redressant brusquement, il s'��lan?a vers une panoplie o�� ��taient accroch��es de vieilles armes, arracha une de ces ��p��es courtes que portaient les Fran?ais au treizi��me si��cle; et, la pla?ant contre sa poitrine, il se pr��cipita, croyant tomber aupr��s de son ami...
Cet ami, c'��tait toute sa famille; il l'avait frapp�� �� mort, il voulait partir avec lui...
Et sans doute, s'il n'y avait eu, dans la salle, un homme qui ne le perdait pas de vue, il serait mort, exhalant sa belle ame dans une derni��re pens��e de fid��le amiti��. Cet homme ��tait, justement, le baron de Vauchelles, dont Villepreux lui parlait tout �� l'heure, et qui avait devin�� ce qui se passait dans l'esprit de Brettecourt; et, lorsque celui-ci voulut se pr��cipiter sur l'arme qu'il avait d��tach��e de la panoplie, il se sentit saisi par deux bras minces, mais nerveux, vigoureux, enlev�� et port�� dans une salle voisine, tandis que la voix nette, mordante, de Vauchelles pronon?ait:
--Pas de b��tises, hein! Vous n'avez pas le droit de disposer de votre vie!
Vauchelles, en disant ces mots, n'avait cru prononcer qu'une de ces phrases banales qu'on lance un peu au hasard pour pr��venir une catastrophe.
--C'est bien assez d'un malheur! ajouta-t-il.
En lui-m��me, Brettecourt murmura: ?Il a raison; _ma vie ne m'appartient plus_... Villepreux mort, c'est sa fianc��e perdue dans la vie, abandonn��e, son enfant sans p��re... Mon devoir est de le remplacer, d'��tre le p��re de cet enfant!? Puis, une nouvelle terreur le gla?a; sa pr��sence d'esprit lui revenait peu �� peu: son ami ne lui avait pas dit le nom de cette jeune fille; comment la trouverait-il, puisqu'elle-m��me ne connaissait son amant que sous un nom suppos��? Il se redressa brusquement; son visage avait pris une expression r��solue.
--Ne craignez rien, Vauchelles. J'ai eu tout �� l'heure un moment de faiblesse; pardonnez-moi! J'aimais tant Villepreux! Mais j'aurai le courage de supporter mon malheur.
Il revint dans la salle d'armes et s'agenouilla devant le corps de son ami, le regardant d'un oeil h��b��t��; et il se mit �� pleurer lentement, enfantinement, avec des hoquets convulsifs qui, par moments, le secouaient tout entier.
Cependant, le vieux Grandier, aid�� par quelques membres du cercle, donnait les premiers soins au marquis de Villepreux.
--Quel chagrin pour moi qui les aimais tant tous les deux! murmurait le ma?tre d'armes.
Vauchelles d��faisait le plastron, tatait la poitrine.
--Il respire encore, dit-il �� voix basse:
--Mais si peu, monsieur le baron!
--L'oeil est bien perdu.
--Ah! si ce n'��tait que l'oeil!
Et Grandier, d'un signe de t��te, montra l'arme de Brettecourt; il n'��tait que trop facile de deviner �� quelle profondeur elle avait p��n��tr�� dans le cerveau.
En attendant l'arriv��e d'un m��decin, qu'un domestique ��tait all�� chercher, les membres du cercle qui avaient assist�� �� l'assaut se r��pandaient
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