qu'il lit,
AMINTAS.
Ce billet est pour vous plus que pour moy, Madame,?Que de trouble divers s'eslevent dans mon ame!
ELISE apres avoir leu.
Grands Dieux! & vous souffrez qu'un Pirate, un voleur,?Noircy déja d'un crime à mon repos funeste,?Attaque mon honneur le seul bien qui me reste;?Amintas, vous pourriez douter de ma vertu,?Si je ne publiois ce que vous avez t?.
LETTRE.
En vain Prince Amintas tu brusle pour Elize,?Et tu veux devenir son espoux, & son Roy:?Elle a depuis long-temps disposé de sa foy;?Depuis long-temps elle est esprise,?D'un Prince digne d'elle, & plus heureux que toy.
Un Prince qui n'est plus, il est vray, m'a servie,?Il m'aymoit, je l'aymois, & s'il estoit en vie,?Je l'aymerois encore; il seroit mon Espoux,?Et je n'aurois jamais que des dédains pour vous,?La douleur de sa mort m'avoit déterminée,?A ne vivre jamais sous les loix d'himenée;?Je change de dessein; mais je me mets à prix,?D'Orosmane sans vie, ou d'Orosmane pris,?La teste criminelle à ma fureur promise,?Vous laisse encor l'espoir d'un Royaume, & d'Elise,?Un tel present vous fait son époux, & son Roy,?Songez y Prince, ou bien ne songez plus à moy.
AMINTAS.
Ne songer plus en vous? Hà que plustost ma vie,?Dans les fers du Pirate à jamais asservie,?Asseure son salut, acheve mon malheur,?Et que desesperé je meure de douleur,?Si le Ciel qui vous fit si charmante, & si belle;?Mais aussi qui vous fit si fiere, & si cruelle,?Accordoit à mes voeux l'honneur de vous vanger,?Quand bien vostre fierté constante à m'outrager,?Par d'injustes rigueurs troubleroit ma victoire,?Tout ce qui vient de vous fait ma joye, & ma gloire.?Je cheris tout en vous jusqu'à vostre fierté;?Je ne me plaindrois point d'estre si mal traitté;?Et quand vous fausseriez la parolle promise,?Je me plaindrois du Ciel sans me plaindre d'Elize.
ELISE.
Non, non Prince, esperez, puis que je le permets,?Vengez moy, je tiendray tout ce que je promets,?Ce n'est pas je l'advou?, une basse entreprise,?Que de vaincre Orosmane, & faire aymer Elise,?Vous allez attaquer un prodige en valleur,?Heureux dans les combats, & trop pour mon malheur?Mais quoy, que la victoire en soit presque impossible,?Servez vous donc du temps tandis qu'il est pour vous,?Et que vous n'avez point encore de jaloux;?Car quand seul vous seriez capable de me plaire,?Je ne me donneray qu'au vainqueur du Corsaire,?Je vous l'ay déja dit, sa prise ou son trespas,?Laissent tout esperer au vaillant Amintas,?Allez donc, allez vaincre, & cependant mes larmes,?Vont demander aux Dieux le bonheur de vos armes.
[Elle sort.]
AMINTAS.
Avec vostre secours qui me peut resister??A quel hardy dessein ne me puis-je porter??Vous verrez abbatu l'orgueil qui vous outrage,?Et vous me plaindrez mort ou loüerez mon courage,
SEBASTE.
Avant qu'avoir vaincu vous triomphez, Seigneur,?Je pardonne la fougue à vostre jeune ardeur:?Mais si l'excez boüillant d'une amour non commune,?Et le prix qu'un combat offre à vostre fortune,?Enflamme à tel point vostre coeur amoureux,?Qu'il ne peut differer ce combat dangereux,?Celuy qu'on traitte icy de voleur, de Corsaire,?Et qui se rend pourtant plus d'un Roy tributaire,?Ne sera pas long-temps d'Amintas attendu,?Seul dans une chaloupe en vos bords descendu,?Il viendra contenter le desir qui vous presse,?Et vous pourrez ainsi contenter la Princesse,?Donnez vostre parolle, & fiez vous en moy,?Que vous pourrez bien-tost vous battre avec mon Roy.
NICANOR.
Quoy! la Cypre verroit une telle aventure??J'offenserois ainsi l'honneur, & la nature,?J'exposerois un fils si vaillant & si cher,?Au hazard d'un combat qu'on luy peut reprocher,?D'un combat, dont la fin seroit tousiours honteuse,?Quand mesme sa valleur pourroit la rendre heureuse;?Dans mille occasions que le temps peut donner,?Pour obtenir Elize, & pour te couronner,?Tu trouveras assez dequoy te satisfaire,?Sans aller te commettre avecque ce Corsaire.
AMINTAS.
Dira-t'on que vous seul ne m'ayez pas permis,?De vaincre le plus grand de tous vos ennemis,?De meriter la Cipre, à ma valeur promise,?Et bien plus que la Cipre, une divine Elize,?Sans qui je ne puis vivre, & sans qui mon trépas,?Que vous redoutez tant, dependra de mon bras??Car enfin, la perdant, je n'escouteray guere,?Ni les sages conseils, ni les ordres d'un Pere;?Et quand vous m'opposez ces ordres rigoureux,?Vous vous rendez, Seigneur, pour moy plus dangereux,?Que ne sera jamais la valleur du Pirate,?Qu'Elize, & mon honneur veulent que je combatte.
[Il sort.]
NICANOR.
Va donc, sui ton destin, je ne te retien plus.
SEBASTE.
Vous perdez bien du temps en discours superflus.
AMINTAS.
Allons donc au combat sans tarder davantage.
SEBASTE.
Allons Prince, un vaisseau m'attend pres du rivage?Orosmane à la rade en peu de temps s?aura,?Ce que vous luy voulez & vous satisfera.
ALCIONNE.
Amintas! ? mon coeur, que me faites vous faire,?Vous vous exposez donc à la foy d'un Corsaire??Un Prince comme vous se devroit menager.
AMINTAS.
Elize est offencée, & je la veux venger,?Qui n'en est pas aymé, n'est pas digne de vivre,?Il faut qu'un prompt trépas de mes soins la delivre,?Ou qu'un combat heureux change son coeur ingrat,?Et ce bon-heur vaut bien qu'on hazarde un combat.
[Il sort.]
SCENE III.
ALCIONNE, CLARICE.
ALCIONNE.
Helas! ce n'est pas là ce que je voulois dire,?A l'innocent autheur de mon cruel martire,?Je luy voulois ouvrir les secrets
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