Le pacha trompé ou Les deux ours | Page 2

Ernest Doin
voulu que je sois votre ami.
VICTOR
(Lui prenant la main.) Non pas un ami, Auguste, mais un frère!... Que le Ciel écoute ma prière et tout me dit qu'un jour nous serons libres et que nous reverrons la France!
AUGUSTE (regardant au fond).
Ah! mon Dieu! que nous veut le seigneur Marécot, d'où lui vient cet air consterné?

SCèNE 2me
LES MêMES.
MARéCOT (arrivant tout effrayé).
Mes amis!... C'en est fait!...
VICTOR
Comment!... Il n'est plus?
MARéCOT
Vous l'avez dit: l'ours a vécu... il n'a pas même voulu attendre la visite des médecins.
VICTOR
On a beau dire... cet ours-là n'était pas sans intelligence.
MARéCOT (d'un air détaché).
Oui, c'est un grande perte pour la ménagerie, car, à la cour on peut s'en passer.
VICTOR (surpris).
Comment, seigneur Marécot, vous qui l'aimiez tant?
MARéCOT
Je l'aimais... je l'aimais... je l'aimais comme tout le monde, quand le pacha était là; je ne l'aurais pas dit de son vivant!... Mais c'était bien le plus vilain animal!... Et d'un caprice... des caprices... beaucoup de caprices... Moi qui étais attaché à sa personne, j'ai été à même de l'apprécier... Et Dieu merci, j'en dirais long, si ce n'était le respect qu'on doit aux gens qui ne sont plus en place.
COUPLET
AIR: Prenons d'abord l'air bien méchant.
Il joignait l'air d'un intrigant A l'astuce d'un diplomate, Et quoiqu'il fit le chien couchant, Donnait souvent des coups de patte; Taciturne, il grognait toujours, Et dans sa fierté monotone, Sous prétexte qu'il était ours, Monsieur ne parlait à personne.
VICTOR
Ce qui n'empêche pas que voilà tout le palais en deuil.
MARéCOT
Le moyen de faire autrement. Pour peu que le seigneur Schahabaham se désole, il faudra bien faire comme lui, et ce n'est pas gai; mais dans notre état... le ma?tre avant tout.
COUPLET
AIR: A mes dépens est-ce que vous voulez rire?
Dès qu'il va mal, ma santé se dérange, Dès qu'il est gai, moi je ris aux éclats; S'il n'a pas faim, je ne bois ni ne mange, S'il a sommeil je ronfle avec fracas (bis). Mais l'ours est mort, jugez donc quelle scène Dans ce palais nous allons essuyer; Je sens déjà mes yeux se mouiller, Car vous savez que dans toutes ses peines C'est toujours moi que pleure le premier, Car vous savez que dans toutes ses peines, C'est toujours moi que pleure le premier,
Le plus terrible, c'est que le seigneur Schahabaham ignore la mort de son favori et je me confie, mes amis, à votre discrétion.
VICTOR
Il faudra pourtant bien la lui annoncer.
MARéCOT
Oui, mais s'il est une fois de mauvaise humeur, c'est fait de nous tous; le danger commun doit nous réunir.
VICTOR
Comment le distraite et l'empêcher d'y penser?

SCèNE 3me
LES MêMES, ALI.
ALI
Seigneur Marécot, deux marchands européens viennent de se présenter à la porte du palais; ils prétendent que vous leur avez accordé audience pour ce matin.
MARéCOT
Eh! justement, ils ne pouvaient arriver plus à propos; ce sont des commer?ants ambulants, qui vendent, brocantent et achètent des rareté et des curiosités. J'ai à leur vendre une fourrure superbe. (A Ali.) Fais entrer ces négociants estimables et prie-les d'attendre. (Ali sort.)

SCèNE 4me
LES MêMES (hors Ali).
MARéCOT. (Chant.)
Oui, mes amis, cherchons bien, Nous trouverons le moyen Qui plaira, Conviendra A notre excellent pacha. Il s'agit de le duper, il s'agit de le tromper; Ainsi donc, entre nous Je pense compter sur vous.
(Aux deux esclaves.)
Je vous le révèle, Pas d'parole indiscrète, Taisons-nous aujourd'hui Sur la mort du favori. Si sa déconv'nue Des grands était sue, Que de gens qui déjà D'mand'raient sa place au pacha!
CHORUS.
Oui, mes amis, cherchons bien, etc., etc.
(Sortie par le fond après le chant.)

SCèNE 5me
LAGINGEOLE, TRISTAPATTE. (Ils sortent par la gauche, porte opposée à la ménagerie. Tristapatte triste.)
LAGINGEOLE
Eh, bien, entre donc, Tristapatte, il n'y a rien à craindre, nous sommes près de l'appartement des favoris du pacha et de la ménagerie; as-tu peur?
TRISTAPATTE
Non, mais je ne peux pas entrer dans un endroit où il y a des esclaves, sans penser que peut-être mon pauvre Victor... je l'aimais tant...
LAGINGEOLE
Il est vrais que nous l'aimions bien, ce cher enfant, il était si beau, si doux, et surtout instruit... ah!...
TRISTAPATTE
Aussi c'est ta faute.
LAGINGEOLE
Comment, ma faute?
TRISTAPATTE
Sans doute, tu me faisais un tas d'histoires pour le faire partir; si je ne t'avais pas écouté, il ne serait pas parti en avant... et quand j'ai lu sur le papier que le batiment où était Victor avait fait naufrage sur les c?tes d'Afrique... que peut-être des corsaires... ah! maudits corsaires!... Enfin sans toi nous serions encore ensemble.
LAGINGEOLE
C'est vrai, mais aussi; que diable, pourquoi te lamenter ainsi depuis trois années, moi je te dis que nous reverrons Victor, qu'il est peut-être plus heureux que nous... Du reste, cette affaire-là me fait autant de peine qu'à toi.
TRISTAPATTE
Oh non!
LAGINGEOLE
Oh si!
TRISTAPATTE
Je sans bien comment j'aimais mon neveu.
LAGINGEOLE
Je te dis que je l'aimais aussi... mais tiens ne songeons maintenant qu'à notre fortune.
TRISTAPATTE
Oui, elle est en bon train, notre fortune.
CHANT
D'un coup d'commerce tu me tentes Tous deux nous entreprenons D'réunir des bêtes savantes, Et nous nous associons
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 12
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.