Le neveu de Rameau, by Denis Diderot
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Title: Le neveu de Rameau
Author: Denis Diderot
Release Date: October 25, 2004 [EBook #13862]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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Denis Diderot
LE NEVEU DE RAMEAU
(1761)
PR��SENTATION
R��cit dialogu�� de Denis Diderot (1713-1784), commenc�� vers 1761. Plusieurs fois remani��, il fut publi�� d'apr��s une copie autographe par G. Monval �� Paris chez Plon-Nourrit en 1891.
Avant cette date, le texte n'��tait connu que par une traduction de Goethe (1805), elle-m��me retraduite en fran?ais (1821); puis par une copie autographe, mais d��figur��e par des interventions de la fille de Diderot, Mme de Vandeul (1823); enfin par les ��ditions, sensiblement plus fid��les, d'Ass��zat (1875) et de Tourneux (1884). Le sous-titre de l'oeuvre est Satire seconde parce qu'elle vient apr��s la Satire premi��re sur les caract��res et les mots de caract��re. ��tant donn�� sa forme, on peut entendre le terme de satire dans son sens antique de pot-pourri de libres propos; mais il est possible aussi de le comprendre dans son acception actuelle de critique mordante de moeurs ou de personnes, puisque le Neveu de Rameau est �� l'origine une r��action contre les antiphilosophes, sp��cialement Palissot, qui en 1760 avait ridiculis�� Diderot et ses amis dans la com��die les Philosophes. LE NEVEU DE RAMEAU
Vertumnis, quotquot sunt, natus iniquis (Horat., Lib. II, Satyr. VII)
Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid, c'est mon habitude d'aller sur les cinq heures du soir me promener au Palais-Royal. C'est moi qu'on voit, toujours seul, r��vant sur le banc d'Argenson. Je m'entretiens avec moi-m��me de politique, d'amour, de go?t ou de philosophie. J'abandonne mon esprit �� tout son libertinage. Je le laisse ma?tre de suivre la premi��re id��e sage ou folle qui se pr��sente, comme on voit dans l'all��e de Foy nos jeunes dissolus marcher sur les pas d'une courtisane �� l'air ��vent��, au visage riant, �� l'oeil vif, au nez retrouss��, quitter celle-ci pour une autre, les attaquant toutes et ne s'attachant �� aucune. Mes pens��es, ce sont mes catins. Si le temps est trop froid, ou trop pluvieux, je me r��fugie au caf�� de la R��gence; l�� je m'amuse �� voir jouer aux ��checs. Paris est l'endroit du monde, et le caf�� de la R��gence est l'endroit de Paris o�� l'on joue le mieux �� ce jeu. C'est chez Rey que font assaut L��gal le profond, Philidor le subtil, le solide Mayot, qu'on voit les coups les plus surprenants, et qu'on entend les plus mauvais propos; car si l'on peut ��tre homme d'esprit et grand joueur d'��checs, comme L��gal; on peut ��tre aussi un grand joueur d'��checs, et un sot, comme Foubert et Mayot. Un apr��s-d?ner, j'��tais l��, regardant beaucoup, parlant peu, et ��coutant le moins que je pouvais; lorsque je fus abord�� par un des plus bizarres personnages de ce pays o�� Dieu n'en a pas laiss�� manquer. C'est un compos�� de hauteur et de bassesse, de bon sens et de d��raison. Il faut que les notions de l'honn��te et du d��shonn��te soient bien ��trangement brouill��es dans sa t��te; car il montre ce que la nature lui a donn�� de bonnes qualit��s, sans ostentation, et ce qu'il en a re?u de mauvaises, sans pudeur. Au reste il est dou�� d'une organisation forte, d'une chaleur d'imagination singuli��re, et d'une vigueur de poumons peu commune. Si vous le rencontrez jamais et que son originalit�� ne vous arr��te pas; ou vous mettrez vos doigts dans vos oreilles, ou vous vous enfuirez. Dieux, quels terribles poumons. Rien ne dissemble plus de lui que lui-m��me. Quelquefois, il est maigre et have, comme un malade au dernier degr�� de la consomption; on compterait ses dents �� travers ses joues. On dirait qu'il a pass�� plusieurs jours sans manger, ou qu'il sort de la Trappe. Le mois suivant, il est gras et replet, comme s'il n'avait pas quitt�� la table d'un financier, ou qu'il e?t ��t�� renferm�� dans un couvent de Bernardins. Aujourd'hui, en linge sale, en culotte d��chir��e, couvert de lambeaux, presque sans souliers, il va la t��te basse, il se d��robe, on serait tent�� de l'appeler, pour lui donner l'aum?ne. Demain, poudr��, chauss��, fris��, bien v��tu, il marche la t��te haute, il se montre et vous le prendriez au peu pr��s pour un honn��te homme. Il vit au jour la journ��e. Triste ou gai, selon les circonstances. Son premier soin, le matin, quand
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