des hautes montagnes, sépare ce pays du royaume voisin, un jeune homme, nommé Halbert ou Hobby Elliot, fermier aisé qui se vantait de descendre de l'ancien Martin Elliot de la tour de Preakin, si fameux dans les traditions et les ballades nationales des frontières (Mentionné dans les Chants populaires de l'écosse (Border-Minstrerlsy)), revenait de la chasse et regagnait son habitation. Les daims, autrefois si multipliés dans ces montagnes solitaires, étaient bien diminués. Ceux qui restaient, en petit nombre, se retiraient dans des endroits presque inaccessibles où il était fort difficile de les atteindre, quelquefois même dangereux de les poursuivre. Il y avait cependant encore plusieurs jeunes gens du pays qui se livraient avec ardeur à cette chasse, malgré les périls et les fatigues qui y étaient attachés. L'épée des habitants des frontières avait dormi dans le fourreau, depuis la pacifique union des deux couronnes, sous le règne de Jacques, premier roi de ce nom qui occupa le tr?ne de la Grande-Bretagne; mais il restait dans ces contrées des traces de ce qu'elles avaient été naguère. Les habitants, dont les occupations paisibles avaient été tant de fois interrompues par les guerres civiles pendant le siècle précédent, ne s'étaient pas encore faits complètement aux habitudes d'une industrie régulière. Ce n'était encore que sur une très petite échelle que l'exploitation des bêtes à laine était établie, et l'on s'occupait principalement à élever le gros bétail. Le fermier ne songeait qu'à semer la quantité d'orge et d'avoine nécessaire aux besoins de sa famille; et le résultat d'un pareil genre de vie était que bien souvent lui et ses domestiques ne savaient que faire de leur temps. Les jeunes gens l'employaient à la chasse et à la pêche; et, à l'ardeur avec laquelle ils s'y livraient, on reconnaissait encore l'esprit aventureux qui jadis guidait les habitants du Border dans leurs déprédations.
Les plus hardis parmi les jeunes gens de la contrée, à l'époque où commence cette histoire, attendaient avec plus d'impatience que de crainte une occasion d'imiter les exploits guerriers de leurs ancêtres dont le récit faisait une partie de leurs amusements domestiques. L'acte de sécurité publié en écosse, avait donné l'alarme à l'Angleterre, en ce qu'il semblait menacer les deux royaumes d'une séparation inévitable, après la mort de la reine Anne. Godolphin, qui était alors à la tête de l'administration anglaise, comprit que le seul moyen d'écarter les malheurs d'une guerre civile était de parvenir à l'incorporation et à l'unité des deux royaumes. On peut voir dans l'histoire de cette époque comment cette affaire fut conduite, et combien on fut loin de pouvoir espérer d'abord les heureux résultats qui en furent la suite. Il suffit, pour l'intelligence de notre récit, de savoir que l'indignation fut générale en écosse, quand on y apprit à quelles conditions le parlement de ce royaume avait sacrifié son indépendance. Cette indignation donna naissance à des ligues, à des associations secrètes, et aux projets les plus extravagants. Les Caméroniens mêmes, qui regardaient avec raison les Stuarts comme leurs oppresseurs, étaient sur le point de prendre les armes pour le rétablissement de cette dynastie; et les intrigues politiques de cette époque présentaient l'étrange spectacle des papistes, des épiscopaux et des presbytériens, cabalant contre le gouvernement britannique, et poussés par un même ressentiment des outrages de la patrie commune. La fermentation était universelle, et comme la population de l'écosse avait été exercée au maniement des armes, depuis la proclamation de l'acte de sécurité, elle n'attendait que la déclaration de quelques-uns des chefs de la noblesse qui voulussent diriger le soulèvement, pour se porter à des actes hostiles. C'est à cette époque de confusion générale que commence notre histoire.
Le Cleugh, ou la ravine sauvage, où Hobby Elliot venait de poursuivre le gibier, était déjà loin de lui, et il était à peu près à mi-chemin de sa ferme, quand la nuit étendit ses premiers voiles sur l'horizon. Il n'existait pas dans les environs un buisson ni une pointe de rocher qu'il ne conn?t parfaitement, et il aurait regagné son g?te les yeux fermés; mais ce qui l'inquiétait malgré lui, c'est qu'il se trouvait près d'un endroit qui ne jouissait pas d'une bonne réputation dans le pays. La tradition disait qu'il était hanté par des esprits, et qu'on y voyait des apparitions surnaturelles. Il avait entendu faire ces contes depuis son enfance, et personne n'y ajoutait plus de foi que le bon Hobby de Heugh-Foot, car on le nommait ainsi pour le distinguer d'une vingtaine d'autres Elliot qui avaient le même nom.
Il faut convenir que le lieu dont il s'agit prêtait un peu à la superstition, et Hobby n'eut pas besoin de faire de grands efforts pour se rappeler les événements merveilleux qu'il avait entendu raconter tant de fois. Ce lieu sinistre était un common, ou bruyère communale, appelé Mucklestane-Moor (La plaine de la Grande-Pierre),
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