à travers les lignes des bleus.
En outre, les Vendéens avaient organisé une correspondance télégraphique au sommet de toutes les hauteurs, de tous les moulins et de tous les grands arbres. Ils appliquaient à ces arbres des échelles portatives, observaient des plus hautes branches la marche des bleus, et tiraient un son convenu de leur corne de pasteur. Une sorte de gamme arrêtée d'avance possédait différentes significations, suivant la note émise par le veilleur. Le son, répété de distance en distance, portait la bonne ou mauvaise nouvelle à tous ceux qu'elle intéressait. La disposition des ailes des moulins avait aussi son langage. Ceux de la montagne des Alouettes, près les Herbiers, étaient consultés à toute heure par les divisions du centre.
Les premiers jours de mars avaient vu éclater la guerre. En moins de deux mois l'insurrection prit des proportions gigantesques, mena?ant d'envahir l'ouest entier de la France. Des cruautés inou?es se commettaient au nom des deux partis, et plus le temps s'écoulait, plus la guerre avan?ait, plus la haine et la sauvagerie prenaient des deux c?tés de force et d'ardeur. Pour répondre aux atrocités accomplies par le général républicain Westerman, auquel Bonchamp ne donnait que l'épithète de ?tigre?, quatre cents soldats bleus prisonniers furent égorgés à Machecoul. Sauveur, receveur à La Roche-Bernard, ayant refusé de livrer sa caisse aux insurgés qui s'étaient emparés de la ville aux cris de ?Vive le roi!? fut attaché à un arbre et fusillé.
A partir du mois d'avril 1793, la Vendée, théatre de la guerre, ne devint plus qu'un vaste champ de carnage. La proscription des Girondins, le 31 mai suivant, vint redonner encore de la vigueur au soulèvement des populations et faire atteindre à la guerre civile toute l'apogée de sa rage.
Il y avait loin de la guerre qui se faisait alors à celle commencée sous les auspices de La Rouairie, et qui n'était, pour ainsi dire, qu'une intrigue de gentilshommes bretons. Le 7 juin, une proclamation au nom de Louis XVIII fut faite et lue à l'armée vendéenne, qui s'empara le jour même de Doué. Le 9, elle arriva devant Saumur, emporta la ville et for?a le lendemain le chateau à se rendre. Ma?tres du cours de la Loire, les royalistes pouvaient alors marcher sur Nantes ou sur La Flèche, même sur Paris.
La France républicaine était dans une position désespérante. Au nord et à l'est, l'étranger envahissait son sol. A l'ouest, ses propres enfants déchiraient son sein.
La Convention, pour résister aux révoltes de Normandie, de Bretagne et de Vendée, était obligée de disséminer ses forces, par conséquent de les amoindrir.
Cathelineau, nommé généralissime des Vendéens, résolut de s'emparer de Nantes, défendue par le marquis de Canclaux. Une balle, qui tua le chef royaliste, sauva la ville en mettant le découragement parmi les assiégeants. Pendant plusieurs jours, l'armée des blancs, désolée, demanda des nouvelles de celui qu'elle appelait son père. Un vieux paysan annon?a ainsi la mort du général:
--Le bon général a rendu l'ame à qui la lui avait donnée pour venger sa gloire.
Cathelineau laissa un nom respecté: aucun chef plus que lui n'a représenté le caractère vendéen. On le surnommait le ?saint d'Anjou?.
Le 5 juillet, Westerman fut défait à Chatillon. Les 17 et 18, Labarollière fut battu à Vihiers. A la fin du mois, l'insurrection, plus mena?ante que jamais en dépit de son échec devant Nantes, dominait toute l'étendue de son territoire.
Biron, Westerman, Berthier, Menou, dénoncés par Ronsin et ses agents, furent mandés à Paris. Beaucoup de gens ne se faisaient point d'illusion: les dangers de la République existaient en Vendée; cette guerre réagissait sur l'extérieur.
--Détruisez la Vendée, s'écriait Barrère, Valenciennes et Condé ne seront plus au pouvoir de l'Autrichien! Détruisez la Vendée, l'Anglais ne s'occupera plus de Dunkerque! Détruisez la Vendée, le Rhin sera délivré des Prussiens. Enfin, chaque coup que vous frapperez sur la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes, sur les frontières envahies.
La Convention, dans une séance solennelle, crut ne pouvoir faire mieux que de fixer au 20 octobre suivant (1793) la fin de la guerre vendéenne, et elle accompagna son décret de cette énergique proclamation:
?Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d'octobre; le salut de la patrie l'exige, l'impatience du peuple fran?ais le commande, son courage doit l'accomplir! La reconnaissance nationale attend à cette époque tous ceux dont la valeur et le patriotisme auront affermi sans retour la liberté et la République!?
Ainsi la Convention décrétait, par avance, la victoire; mais autre chose est de vaincre sur le papier, dans les conseils, ou de vaincre sur le champ de bataille. Le gouvernement envoya d'autre généraux en Vendée, où Canclaux se proposait d'opérer un grand mouvement offensif et battait effectivement Bonchamp, dans le moment même où un décret le destituait, ainsi qu'Aubert du Brayer et Grouchy.
Cependant l'armée
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